Ralentir

“Voyager avec un âne oblige à prendre le temps”

Il est 8h00 du matin au camping du Val de Braye, dans la Sarthe, quand Joël Bour lace ses chaussures. Ce jeune retraité ne porte sur lui qu’un appareil photo et son large sourire. Le reste c’est Bandit qui s’en occupe, son âne.

25 kg dans les sacoches, le nécessaire dont Joël a besoin “pour être en complète autonomie” : “j’ai ma tente et la clôture électrique pour mon âne”, précise le randonneur, qui étonne les habitants et fait sourire les passants. À la fin de ces 25 jours de marche, Joël et Bandit auront parcouru près de 500 km. “Comme quoi, on peut voyager en restant près chez soi”, s’amuse le Sarthois. Une manière de retrouver les bons côtés d’un temps confiné, ralenti, au rythme des pas. Pas seulement : voyager avec un âne apporte plus d’un bienfait.

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“Que ce soit des personnes seules, des couples ou même des familles, la clientèle est de plus en plus nombreuses et variée”. Martine Jouclas, présidente de l’Union nationale des âniers pluriactifs (UNÂP) confirme : “en 1987, j’étais la seule à proposer des balades ou des randonnées avec des ânes en France, aujourd’hui les propositions explosent.”

Le “slow travel”

Joël Bour et Bandit avant le départ. Crédit : Marie Gruel

Cette nouvelle tendance n’étonne plus les professionnels : “la mode du Slow Travel a accéléré les demandes de location. Voyager et randonner avec un âne permet aux clients de se sentir plus proche de la nature”. De “quitter le nid douillet de la civilisation”, comme l’écrivait déjà Robert Louis Stevenson en 1879 dans son Voyage avec un âne dans les Cévennes.

Mais également “de prendre le temps, puisqu’il faut marcher au rythme de l’animal”, ajoute l’ancien loueur. “Après le premier jour, (…) j’avais cessé de m’énerver”, confirme Stevenson après des débuts difficiles avec son ânesse Modestine.

Pour la comportementaliste équin, Claire Jouvin “l’âne pousse les humains à aller lentement mais aussi à être calmes et détendus comme lui. Il les oblige à un véritable travail sur eux !”.

Se soigner avec des ânes

D’autant plus que l’animal est empathique : “il nous perçoit bien mieux que nous nous percevons nousmêmes. Et il est capable d’adapter son comportement s’il se trouve face à des enfants, des adultes ou à des personnes en situation d’handicap”, détaille Claire Jouvin.

Plus qu’une thérapie proprement dite, l’”anisothérapie” est une activité d’éveil. Pour Manée Bajeux-Sevrin, membre fondatrice de l’association Médi’âne, qui organise des animations et des formations “l’âne est apprécié en médiation animale pour son calme, sa tendresse, sa patience et son tempérament joueur.”

Un petit câlin et ça repart. Crédit : Marie Gruel

“Impossible cependant de forcer l’animal et inutile de le brusquer, prévient Manée Bajeux-Sevrin. Il obéit par affection, parce qu’il en a envie”. C’est un tendre, qui n’aime pas vivre seul. Habitué à vivre avec des compagnons, l’animal considère les humains comme tels. Résultat : “Au fur et à mesure de la marche, une relation de confiance entre l’âne et les clients se crée. Si une personne du groupe s’arrête, l’animal aussi et l’attend”.
 
Joël Bour a déjà parcouru les monts d’Arrée, et l’Aubrac, avec d’autres ânes. L’animal suscite une vraie curiosité chez ceux qui croisent sa route : “Bandit favorise la rencontre et les échanges. Les gens s’arrêtent et viennent spontanément à nous, il y en a même certains qui l’embrassent et le caressent”.

Le marcheur n’en est pas à son premier voyage en compagnie d’un âne et compte bien repartir prochainement.

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