Kimball Gallagher : avec la jeunesse, les liens du son

L’artiste est un citoyen du monde“. Kimball Gallagher n’a jamais oublié ce que lui répétait le président de la Juilliard School. “Au 21e siècle, l’artiste ne tournera pas autour de son art mais sera un entrepreneur actif dans la société qui s’investira dans l’éducation“. Message reçu cinq sur cinq. Le 12 juin prochain, Kimball Gallagher  présentera pour ce premier récital à Paris, salle Gaveau, des œuvres de Mozart et Chopin. Mais aussi des créations contemporaines originales qui permettent une rencontre d’égal à égal de l’Afrique et de l’Europe.

Dans la lignée de Mozart et de Chopin, il présentera des compositeurs, dont Souhayl Guesmi. L’occasion d’entremêler le son du piano, à celui du saxophone, de la nay (flûte tunisienne) et des chants en dialecte tunisien. La kora sénégalaise, le chant en wolof et des rythmes afghans prendront la suite.

Kimball Gallagher : artiste et entrepreneur dans l’âme

Alors étudiant, Kimball Gallagher était très doué pour séduire le public habituel des grandes scènes du monde. Mais il eut vite l’intuition que son rayonnement dépasserait un jour le cadre des confortables salles de concert. Pour s’offrir le piano de ses rêves, il décida un jour de faire une levée de fonds. Chaque contributeur pouvait acheter une des 88 touches de l’instrument.

C’est à partir de cette expérience qu’il eut l’idée de baptiser sa démarche de son nombre magique. Il y eut d’abord The 88-Concert Tour. Un désir de faire revivre la culture des salons à travers plus de 300 représentations dans une variété de lieux non traditionnels. Après des  débuts à guichets fermés  au Carnegie Hall en 2008, il décida de parcourir les sept continents. C’est ainsi qu’il s’est produit dans 30 pays avec des concerts dans des lieux prestigieux et intimes partout dans le monde. Du Kennedy Center à Kaboul, de Bombay à Boulder, de Chicago à Shanghai, et de la Toscane à la Tunisie.

Pendant cette tournée multiculturelle, il s’initie au monde associatif. Et prend aussi pleinement conscience des besoins éducatifs au sein de la jeunesse dans de nombreux pays. Désireux d’aller plus loin et de mettre en œuvre ses propres idées, il fonde l’ONG 88 International.

Un lien fort avec la jeunesse aux quatre coins du monde

En collaboration avec des partenaires publics et privés, il développe et lance des programmes musicaux transformationnels à grande échelle pour les jeunes au travers de 88 International. Objectif : répondre aux problèmes sociaux et éducatifs par la musique et ses effets. Il développe également des nouveaux programmes de concert nourris de toutes les influences musicales qu’il rencontre durant ses voyages.

Beaucoup de sociétés  sont riches en musique mais les talents ne sont pas exploités en raison de difficultés sociales. Ma mission est de  donner envie à ces personnes. De sortir du côté élitiste où l’on écoute Chopin un verre de champagne à la main sous des lambris dorés“. Il n’est pas prêt d’oublier le regard de ces enfants afghans qui, en plein chaos, venaient écouter son récital avec curiosité et amusement.

Un programme d’éducation musicale abouti en Tunisie

Il est passionnant de voir comment la musique de  Mozart ou de Rachmaninov est ressentie d’une culture à l’autre“. C’est en  Tunisie qu’il a réussi à bâtir le modèle d’éducation musicale le plus abouti. “Après les révolutions arabes de 2011, il y avait beaucoup d’énergies à canaliser à travers la musique“. En liaison avec l’association Action et développement solidaire et la Banque Européenne d’Investissement, le Ministère  de l’Education tunisienne lui a donné carte blanche pour dynamiser les clubs périscolaires.

A partir de structures existantes mais figées, j’ai développé une approche moins classique avec plus de participation et d’expression des élèves. Il y a une richesse dans la jeunesse que le système ne perçoit pas toujours“. Aujourd’hui, Tunisia 88 est un programme qui a créé et qui soutient 590 clubs de musique extra-scolaire dirigés par les élèves.

Ces clubs, trouvés dans chaque lycée public de la Tunisie, suivent un cycle annuel d’activités. Cela comprend des formations en leadership pour la cohésion sociale et des formations en créativité. Objectif : leur permettre de composer leurs propres chansons, avec leurs propres mots, mélodies, messages et vidéos.

Le continent africain comme priorité pour Kimball Gallagher

Ils créent également leurs propres événements musicaux afin d’avoir un impact positif sur leurs communautés. Depuis 2016, 7 000 élèves ont suivi le programme.  Fort de cette réussite, Kimball a lancé l’initiative  au Sénégal et il espère mettre en place un programme similaire dans beaucoup de pays sur le continent africain.

Lorsqu’on lui demande ce qui le motive toujours autant, le pianiste sourit et rappelle que son prénom a été choisi en référence à Kimball O’Hara, le roman de l’écrivain anglais Rudyard Kipling, un garçon énergique, enthousiaste et plein de vie considéré comme l’ami du monde.  “Cette lecture m’a marqué. Comme lui, j’ai l’envie de faire des choses utiles pour le monde en tant que musicien.”

BIO EXPRESS : Kimball Gallagher
Originaire de Boston, Kimball Gallagher a obtenu son diplôme de premier cycle à l’Université Rice dans le studio de Jeanne Kierman-Fischer, et sa maîtrise en musique en tant qu’élève de Robert McDonald à la Juilliard School.  Il s’est imposé comme l’un des pianistes les plus dynamiques et les plus polyvalents de la scène actuelle. Les critiques l’ont décrit comme une « dynamo », un « soleil radieux » et un « éclair ».

Mais il a un autre talent : celui de l’éducation. Ses enregistrements comprennent l’intégralité des études de Chopin, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, un CD de Liszt comprenant son épique Sonate en si mineur. En outre, il a enregistré 88 de ses propres préludes, chacun étant dédié à une personne différente qu’il a rencontrée lors de sa tournée de 88 concerts. 

SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.

Recent Posts

  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

11 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

18 heures ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago
  • Respirer

Les oursins violets, sentinelles de la pollution marine en Corse

Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…

4 jours ago