Partager la publication "La Banque postale va sortir des énergies fossiles, une première"
C’est une décision sans précédant en Europe. Le 14 octobre, la Banque postale s’est engagée à sortir totalement des énergies fossiles. “Au plus tard en 2030.”
Elle avait déjà annoncé sortir du charbon d’ici à 2030. Elle étend aujourd’hui cette promesse au gaz et au pétrole. Y compris non conventionnels, tels que le pétrole ou le gaz de schiste.
Pour y arriver, la banque entend réduire ses émissions liées à ses activités propres. Mais surtout à cesser les activités financières dans le secteur des énergies fossiles. C’est-à-dire ne plus financer, investir ou fournir de services aux “acteurs des secteurs du pétrole et du gaz”.
À l’horizon 2040, la Banque postale vise également à ne plus “soutenir les entreprises activement impliquées dans le lobbying en faveur du pétrole ou du gaz, ou celles ralentissant ou bloquant les efforts pour sortir de ces secteurs”. Avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone cette même année.
Un geste conséquent alors que les banques françaises figurent parmi les premières financeuses européennes des énergies fossiles, selon le rapport “Banking on Climate Chaos” publié en mars 2021 par six ONG.
Pour mieux choisir ses financements, l’établissement s’est appuyé sur la “Global Oil and Gas Exis List”. Une liste établie par une ONG allemande qui recense 900 entreprises liées à l’industrie du gaz et du pétrole. Celle-ci sera rendue publique en novembre 2021.
La trajectoire de décarbonation de la Banque postale a aussi été validée par le consortium de référence “Science Based Targets initiative” (SBTi). Pilotée par quatre grandes organisations internationales : le CDP (Carbon Disclosure Project) ; le WRI (World Resources Institute) ; le Pacte mondial des Nations unies (UNGC) et le Fonds mondial pour la nature (WWF).
Le SBTi “l’a reconnue compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement bien en-deçà de 2 °C fixé par l’Accord de Paris”, se félicite l’établissement financier public dans un communiqué.
“La Banque Postale est la première banque en Europe et l’une des 3 premières institutions financières au monde reconnues par la SBTi pour son action en faveur du climat”, détaille le communiqué.
“Le secteur financier joue un rôle important dans la décarbonation de l’économie et dans l’action climatique des entreprises”, réagit aussi Alberto Carrillo Pineda, directeur général de la SBTi, dans le communiqué.
“On l’oublie souvent mais, derrière chaque activité, chaque entreprise dans le monde, on va trouver plusieurs banques, des assureurs, des investisseurs. Pour stopper l’expansion des projets liés aux énergies fossiles, il faut donc s’assurer qu’ils ne trouvent plus de financement“, rappelait Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance, dans un entretien donné à WE DEMAIN.
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La Banque postale détient aujourd’hui 1,2 milliard d’euros d’exposition brute dans les secteurs des énergies fossiles. 500 millions d’euros d’investissements et de financement dans le charbon ; et 700 millions dans le pétrole et le gaz. Il ne s’agit pas de la banque la plus polluante, mais c’est une première qui pourrait avoir un impact sur le secteur.
“Ce n’est pas tant l’impact financier qui compte que l’annonce”, explique Alix Mazounie, chargée de campagne à Reclaim Finance, dans un communiqué. “Cela crée un précédent sur la place financière alors que, jusqu’ici, tout le monde nous disait que c’était impossible.”
“C’est un excellent signal dans le contexte actuel”, commente aussi Lucie Pinson, au média Business Insider. “L’effort demandé à la Banque postale est bien plus faible que pour BNP ou Crédit Agricole”, nuance-t-elle. “Mais on salue très chaleureusement une annonce qui arrive juste après la confirmation de l’AIE (l’Agence internationale de l’énergie) des mesures à adopter pour atteindre la neutralité carbone.”
Pour Alexandre Poidatz, d’Oxfam France, il est urgent que les autres banques, et notamment les plus polluantes, suivent ce mouvement. “Si toutes les banques faisaient un copier-coller de la politique de la Banque postale, le climat serait largement épargné. Malheureusement, pendant ce temps, les soutiens de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE au développement de l’industrie pétrogazière sont en roue libre. […] Ils ont déjà presque doublé leurs financements aux énergies fossiles depuis la COP21”, déplore-t-il.
L’année dernière, à l’occasion du Climate Finance Day (“jour de la finance climatique”), les acteurs de la Place financière de Paris s’étaient engagés à sortir du charbon. Cette année, le Climate Finance Day aura lieu le 26 octobre, juste avant la COP26.
À cette occasion, l’association Les Amis de la Terre demande que l’État “inscrive dans la loi une trajectoire de sortie du pétrole et du gaz pour le secteur financier, avec un contrôle et des sanctions s’il ne s’aligne pas avec les objectifs de l’Accord de Paris”, explique Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France, à Reporterre. “On n’a pas quinze ans pour que BNP Paribas ou Société générale suivent l’exemple de la Banque postale”, insiste-t-elle.
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