Partager la publication "La légèreté dans nos assiettes : vers une gastronomie plus durable"
Dans le cadre du Premier Forum de l’Économie Légère, la table ronde La légèreté dans nos assiettes a mis en lumière des initiatives inspirantes pour une alimentation plus respectueuse de l’environnement et de l’humain. Animée par Adrien Rivierre, journaliste pour WE DEMAIN, elle a réuni Manon Fleury, cheffe étoilée du restaurant Datil à Paris, Jean-François Rial, P.-D.G. de Voyageurs du Monde et fondateur de la Ferme du Perche et Julia Chican-Vernin, cofondatrice du Maslow Group. Ensemble, ils ont exploré les défis et opportunités liés à la légèreté dans l’assiette, à travers des pratiques écologiques et responsables.
Jean-François Rial, dont la Ferme du Perche propose des légumes biologiques en circuits courts, a souligné l’importance de réduire l’impact écologique dès la production. “Nous produisons trois fois plus de légumes qu’une ferme maraîchère conventionnelle tout en utilisant des méthodes écologiques”, s’est-il réjoui.
Jean-François RIal pointe du doigt un paradoxe : “Nos légumes, bien que plus respectueux de l’environnement, sont environ 30 % plus chers que ceux issus de l’agriculture conventionnelle en raison de l’absence de subventions pour les petites exploitations.” La question des subventions agricoles est, selon lui, cruciale pour permettre à un plus grand nombre de fermes écologiques de prospérer et de rendre ces produits plus accessibles.
Mais sans remise à plat des subventions, l’agriculture régénérative restera marginale. “En pratique, on a un impact très faible car nos pratiques restent encore modestes par rapport à l’agriculture classique”, reconnaît Jean-François Rial. Et de souligner que, même si ses employés de la Ferme du Perche sont logés, nourris et travaillent 35 heures par semaine, ils ne gagnent pas plus que le Smic.
Pour Manon Fleury, la légèreté ne se résume pas à l’impact environnemental, mais inclut aussi les conditions de travail au sein des restaurants. “Le secteur de la restauration est en crise, notamment à cause des conditions de travail difficiles. Alléger les contraintes, repenser les horaires et valoriser les équipes permet de créer un environnement plus sain, tout en offrant une cuisine de qualité.” Son approche vise à trouver un équilibre entre exigence gastronomique et bien-être des employés.
Manon Fleury, en fermant son restaurant certains jours de la semaine ou pour le repas, incarne une nouvelle vision de la gestion des ressources humaines, nécessaire pour pérenniser un secteur où la pénibilité est encore trop souvent présente. “Nous avons aussi créé une sorte de kit de bonne conduite qui ressemble à un règlement intérieur. Il explique les valeurs du restaurant, ce qu’on ne veut pas voir, par exemple du racisme, de l’homophobie, etc.. Cela peut paraître la base mais ce n’est pas le cas dans bon nombre de restaurants.”
Julia Chican-Vernin, pour sa part, a abordé la question de l’impact écologique sous un angle subtil, presque invisible pour le client. Au restaurant Maslow à Paris, “Nos clients ne viennent pas chez nous parce que notre restaurant est écologiquement responsable, mais parce que l’expérience culinaire les séduit. Le fait que notre démarche soit durable vient en second plan.” Cette stratégie évite de stigmatiser les clients et leur permet de profiter de la légèreté sans se sentir contraints par une éthique stricte. Cela ne veut pas dire que, au cours du service, les valeurs de cette cuisine éthique ne sont pas mises en avant lors du service. Mais cela est fait avec subtilité.
Elle a aussi partagé des exemples concrets d’actions simples mais efficaces, comme la suppression des emballages inutiles ou l’approvisionnement en circuits courts. “Nous avons éliminé des aliments non nécessaires comme l’avocat ou les herbes fraîches qui ont un impact écologique lourd”, ajoute-t-elle. En revanche, difficile encore aujourd’hui de se passer du café, très ancré dans les habitudes en fin de repas. L’expérience de la chicorée, produite localement, n’a pas été convaincante.
Manon Fleury acquiesce : “Moi aussi j’ai gardé le café mais je me passe de chocolat et de vanille. La plupart de nos choix semblent difficiles parce qu’on pense que le client va s’y opposer. En fait, on se rend compte que la société a quand même évolué. On peut oser certains choix.”
En innovant sur toute la chaîne de production, du champ à l’assiette, ces restaurateurs et producteurs créent une dynamique nouvelle où la légèreté, qu’elle soit environnementale ou humaine, est au cœur de leur démarche.
Pour Jean-François Rial, “ce n’est qu’en révisant le modèle agricole et gastronomique actuel que nous parviendrons à une transformation durable. Mais je constate quand même que, il y a 5 ou 6 ans, nos restaurateurs cuisinaient moins de saison qu’aujourd’hui. Même chose pour les consommateurs, qui font davantage attention à manger de saison, par exemple.”
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