Partager la publication "Le “crowdbutchering”, une solution au gaspillage de viande?"
Après les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suisse, la pratique s’implante doucement sur le territoire français. À Montpellier, les deux fondateurs de la startup Pig’s Daddy sont les premiers à s’être lancés en 2018.
“Nous avons grandi à la campagne, où il était tout à fait normal de se rendre chez le producteur d’à côté pour acheter sa viande”, se souvient Clément Thollot, l’un de ses co-créateurs. “On réservait un cochon à plusieurs avec la famille et les amis, puis le producteur se chargeait de l’abattre une fois qu’il avait atteint le poids nécessaire. On en avait pour six mois de viande, tout en sachant d’où elle provenait, comment la bête avait été élevée, ce qu’elle avait mangé. C’était totalement transparent.”
“Le crowdbutchering permet de remettre ce principe au goût du jour tout en le rendant accessible à ceux qui vivent en ville”, poursuit-il.
Lutter contre le gaspillage
Chaque année en France, près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées, dont 13 % sont d’origine animale (viande, lait, oeufs).
Une option encore réservée aux plus aisés
En un an, la petite entreprise Pig’s Daddy a vendu une dizaine de porcs provenant de deux élevages partenaires. Le procédé est toujours le même : une fois qu’une bête est arrivée à maturité, les clients achètent en ligne des caissettes de 3 ou 6 kilos de viande, auxquelles ils peuvent rajouter des pièces à l’unité (tête, pied). Une fois que tout a été vendu, le cochon est abattu, et la viande est livrée sous vide. Entre la commande et la livraison, il peut s’écouler jusqu’à trois semaines.
Cette attente est aujourd’hui l’un des points noirs du concept, tout comme l’impossibilité de vérifier les conditions dans lesquelles l’animal a été abattu. “La longueur des délais freine malheureusement le développement de cette manière de consommer”, appuie l’équipe suisse de HappyMeat. Dans cette boucherie 2.0 basée à Renens, et convertie au crowdbutchering en 2016, les clients doivent attendre en moyenne quatre semaines pour recevoir leur commande de viande.
Le client-type ? Un Parisien flexitarien, qui n’a pas d’exploitation près de chez lui mais les moyens de se fournir chez de petits producteurs.
Le prix peut aussi freiner les plus indécis. Le boeuf partagé HappyMeat tourne autour de 34 à 42 euros le kilo, le porc entre 22 et 30 euros ! Chez Pig’s Daddy, le kilo de porc se vend entre 16 et 18 euros. Soit bien au-dessus de la moyenne du marché français, où la côtelette s’écoule autour de 7,3 €/kg et la saucisse 8,6 €/kg selon le Meat Price Index.
Pour Clément Thollot, ce différentiel se justifie quand on s’attache à la qualité de la viande et aux conditions dans lesquelles l’animal a été élevé. “Nos éleveurs partenaires n’utilisent ni antibiotiques ni OGM. Les animaux vivent à 100 % en plein air, ils sont nés et engraissés en extérieur. La viande est traçable de la naissance du cochon à l’assiette, et a un goût exceptionnel.”
Leur client-type ? Un Parisien flexitarien, “qui n’a pas d’exploitation près de chez lui mais les moyens de se fournir chez de petits producteurs”. Le crowdbutchering reste donc pour l’instant l’apanage d’une classe plutôt aisée.
Mais Pig’s Daddy compte bien diversifier et agrandir son offre. Le site devrait bientôt proposer de l’agneau et de la volaille sur le même principe, ainsi que des races de cochons originales, d’appellation AOP. En incitant à manger moins, mais mieux de viande, l’offre s’inscrit dans une tendance de fond : dans une étude publiée par le Crédoc en 2016, 47 % des personnes interrogées estimaient qu’il fallait réduire la consommation générale de produits carnés.
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