Partager la publication "“Les micro-fermes du Québec peuvent inspirer la France”"
Depuis 2012 et la publication de son best-seller Le jardinier-maraîcher, il s’est donné pour mission de partager son expérience et d’inspirer d’autres agriculteurs. Nous l’avons rencontré lors d’un voyage à Paris.
Jean-Martin Fortier : La plupart de nos méthodes s’inspirent de celles des maraîchers parisiens du 19e siècle et de leurs micro-fermes ultra-productives qui faisaient jusqu’à 8 récoltes par an, amendées avec des quantités de fumier de cheval incroyables. Les savoir-faire se sont transmis de génération en génération avant que la chaîne ne soit brisée par la mécanisation. Mais ils ont été réactivés dans les années 70-80 en Californie et popularisés à nouveau par celui qui a été mon guide en la matière, Eliot Coleman, le pionnier de l’agriculture biologique.
Comment êtes-vous parvenu à mettre en place une ferme à taille humaine à la fois écologique et rentable ?
Comme nous travaillons sur une petite surface et sans tracteur, il a fallu intensifier au maximum notre production par une planification minutieuse du temps et des espaces. On détermine à l’avance tous les légumes à faire pousser, à quelle date, en quelles quantités et par quoi ils seront immédiatement remplacés après récolte. L’espace est aussi optimisé : les légumes sont plantés très serrés, dans nos parcelles composées des bandes de terre surélevées. Celles-ci ne sont jamais labourées, jamais retournées, et alimentées régulièrement avec de la matière organique pour disposer d’un sol d’excellente qualité où les racines vont pouvoir descendre en profondeur.
Quelle est la place de la permaculture dans votre système bio-intensif ?
Nous nous inspirons de certains principes, par exemple le design des espaces : autour des zones de cultures maraichères très productives, nous conservons des zones sans intervention, composées de niches écologiques, d’habitats et de cabanes à oiseaux, de mares et de ruisseaux secs pour recycler l’eau. Mais l’écologie dans mon système n’est pas la finalité, c’est un partenaire, une approche, où il y a des compromis à faire. Mon gagne-pain est de faire pousser des légumes pour nourrir le plus de familles possibles. Tout est maximisé pour une rentabilité qui est aussi le garant d’une bonne qualité de vie.
Comment arrivez-vous à ce niveau de productivité avec les contraintes climatiques du Québec ?
Notre saison maraîchère est en effet assez courte avec les premiers gels fin octobre et les derniers mi-avril. La grosse différence avec la France, mis à part le climat plus rigoureux, c’est la fulgurance du printemps, avec un très bon ensoleillement qui fait pousser nos légumes plus vite : une carotte, par exemple, va arriver à maturité en 80 jours alors qu’ici c’est 100 jours. Pour avoir des légumes dès le printemps, on recouvre les sols à l’automne de bâches en plastique qui vont maintenir la chaleur des sols en hiver : quand on les retire, c’est sec, on peut construire des serres mini-tunnels et cultiver même s’il gèle encore dehors. On force les choses mais c’est payant d’arriver le premier sur le marché.
Les fermes familiales nourrissent déjà une bonne partie de la planète. Mais notre prétention n’est pas de nourrir le monde, ce qu’on veut c’est déjà nourrir notre communauté !
De toutes façons, notre système agricole actuel est dans l’impasse, il faut donc essayer autre chose. Notre modèle qui s’améliore chaque année grâce à des innovations permet d’obtenir des rendements exceptionnels. Il rend aussi le métier d’agriculteur accessible, il démontre qu’on peut s’établir sans investir dans des machines, et sans avoir 50 hectares. Il permet de dégager du temps pour avoir des loisirs, profiter de sa famille. Mon message c’est : en remplaçant la production industrielle de masse par une production par la masse de petites fermes à échelle humaine, nous pouvons devenir de vrais révolutionnaires !
Est-ce que votre méthode est reproductible en France ?
Mes projets en France seraient plus rentables qu’au Québec, avec un climat comme le vôtre on peut faire de l’agriculture à l’année ou presque. Vous avez beaucoup de petites surfaces agricoles. En plus, les marchés potentiels sont plus important qu’au Québec. Et les gens prennent partout de plus en plus conscience de l’importance de manger local, bio, de connaître les gens qui produisent…
Depuis 2015 vous avez lancé un nouveau projet, La Ferme des Quatre Temps, sur 65 hectares, à Hemmingford au Québec qui forme des agriculteurs. Combien de personnes inspirées de votre modèle sont-elles parvenues à le dupliquer, notamment en France ?
Il y a actuellement au Québec une centaine de fermes inspirées de mon modèle. En France, un des maraichers formés aux Quatre Temps est en train d’appliquer notre savoir-faire depuis 2019 dans les Jardins Potagers du château de Chambord. J’accompagne également le développement de la Ferme du Perche, cofondée en 2018 avec Jean-François Rial, PDG du Groupe Voyageurs du monde. Pour disséminer davantage le modèle, j’ai également lancé en 2017 The Market Gardener’s Masterclass, un cours en ligne d’expertise sur nos méthodes culturales bio-intensives dont la version française vient d’être lancée en janvier 2020. Déjà plus de 1300 élèves de 60 pays se sont inscrits, créant ainsi une communauté globale d’agriculteurs désirant avoir un impact positif !
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