Partager la publication "Ombre climatique : arrêtons de nous focaliser sur l’empreinte carbone !"
Ce n’est pas parce qu’une personne a pris l’avion le mois dernier qu’elle pollue davantage la planète qu’une personne qui n’a pas bougé de chez elle et se déplace la plupart du temps à pied. Pourquoi ? Parce que cette première personne est peut-être une scientifique spécialisée dans le climat et qu’elle a voyagé loin pour donner une conférence sur les dangers des émissions de gaz à effet de serre. Et que l’autre, celle qui a opté pour une mobilité douce, travaille en réalité pour un énergéticien comme Total Energies ou pour une agence de publicité qui imagine des messages 100 % greenwashing.
Cet exemple permet de mettre en lumière le concept imaginé par Emma Pattee en 2021. Dans un article de cette journaliste indépendante et écrivaine de l’Oregon (USA), elle évoque pour la première fois l’idée d’une “ombre climatique” qui serait propre à chacun. Elle diffère de l’empreinte carbone, imaginée dans les années 90 par William E. Rees et Mathis Wackernagel qui évaluent pour la première fois le nombre de “Terres” nécessaires pour continuer à consommer comme nous le faisons. Au début des années 2000, le pétrolier britannique BP a ensuite imaginé un calculateur d’empreinte carbone, dans l’espoir de se faire passer pour les champions de la décarbonation… et de reporter la responsabilité sur les individus.
Ombre climatique, kézako ?
Dans son article, Emma Pattee définit l’ombre climatique comme “une forme sombre qui s’étend derrière vous. Partout où vous allez, elle va aussi, comptabilisant non seulement votre utilisation de l’air conditionné et la consommation d’essence de votre voiture, mais aussi votre vote, le nombre d’enfants que vous choisissez d’avoir, votre lieu de travail, la manière dont vous investissez votre argent, les discours que vous tenez sur le changement climatique, et si vos paroles amplifient l’urgence, l’apathie ou le déni.”
Ainsi, contrairement à l’empreinte carbone, l’ombre climatique inclut, aussi, des actions qui ne sont pas faciles à calculer. Décider de ne pas faire d’enfant, de souscrire à une formation 100 % énergies renouvelables chez son fournisseur d’électricité, reposter un message sur les réseaux sociaux pour diminuer son impact sur la planète… autant d’exemples qui ne sont généralement pas comptabilisés dans les calculateurs d’empreinte carbone. Mais qui ont pourtant un effet non négligeable.
3 aspects à prendre en compte
Emma Pattee explique : “Je visualise mon ombre climatique comme étant composée de trois parties : ma consommation, mes choix et mon attention.”
- Ma consommation comprendrait mes attentes en matière de mode de vie – comme faire fonctionner l’air conditionné tout l’été ou souhaiter une livraison en deux jours lorsque je fais des achats en ligne. Mais aussi ma participation à la culture de la consommation (poster ses nouveaux achats sur Instagram, dépenser de l’argent qui va à une entreprise ou à une chaîne d’approvisionnement durable à long terme) et, bien sûr, mon empreinte carbone.
- Mes choix incluraient la manière dont je fais des dons et investis mon argent, le nombre d’enfants et d’animaux de compagnie que j’ai, et le type d’entreprise pour laquelle je travaille et le type de travail que je fais pour elle.
- Mon attention est probablement la plus nébuleuse, mais peut-être la plus importante. Quelle est la part de mon attention consacrée à la crise climatique ? Combien d’heures est-ce que je consacre à l’action climatique ? Est-ce au moins autant que ce que je passe à regarder Netflix, à planifier mes prochaines vacances ou à suivre un cours de sport ?
En suivant ce principe, son ombre climatique reste un concept assez flou et très personnel alors que les résultats d’un calculateur d’empreinte carbone semblent plus objectifs. Emma Pattee a interrogé Susan Joy Hassol, directrice de l’ONG Climate Communication, qui souligne : “Les gens ont l’impression que les chiffres et les grilles de notation sont le graal, mais je pense que le plus important est qu’une personne sache en son for intérieur qu’elle fait tout ce qu’elle peut. Nous devons faire tout ce que nous pouvons, aussi vite que nous le pouvons.”
Les 5 actions les plus efficaces pour la planète
Susan Joy Hassol liste également les cinq actions qui auront, à titre individuel, les plus forts bénéfices pour le bien de la planète. Les voici :
- avoir moins d’enfant
- ne pas utiliser de voiture
- éviter les voyages en avion
- utiliser des énergies vertes
- adopter un régime alimentaire à base de plantes
Pour rappel, en 2022, l’empreinte carbone par habitant en France est estimée à 9,2 tonnes CO2 eq, soit quasiment les mêmes niveaux qu’en 2019 (9,3 tonnes CO2 eq) après une baisse due à la pandémie en 2020 et 2021. Pour rester dans les limites planétaires, il faudrait que notre empreinte soit de 2 tonnes seulement (la moyenne mondiale est de 4 tonnes). Au lieu de se décourager face à un fossé aussi grand et pour se détacher de la tyrannie des chiffres, l’ombre climatique semble donc une piste à explorer.
Plutôt que des mesures, il est ici question de morale : est-ce que je fais le maximum pour la planète ? C’est un voyage introspectif auquel nous invite Emma Pattee. Notre mode de vie n’est sans doute pas parfait d’un point de vue écologique, mais cela ne doit pas nous empêcher d’essayer de l’améliorer année après année.
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