Partager la publication "Plastic Odyssey : “J’ai fabriqué une chaise avec des déchets plastiques”"
Dans un entrepôt proche du port de commerce de Marseille, on s’active à préparer un futur “zéro plastique”. En attendant d’appareiller de la cité phocéenne pour combattre la pollution plastique des océans, l’équipe de Plastic Odyssey a installé son atelier dans le hangar de Lemon Tri. Une entreprise sociale de recyclage et d’insertion.
Autour de nous, des sacs de plastique compressé. Devant moi, dix énormes machines bleues au milieu d’un fouillis de fils électriques et de paillasses encombrées d’outils. Bac de lavage, broyeuse, essoreuse, extrudeuse, compacteur, presse hydraulique, four, pyrolyseur, barillet à moules, spectroscope… Voici les prototypes de machines à recycler low-tech conçus par les membres de Plastic Odyssey après trois ans de recherche et développement.
Début 2020, je m’étais rendu au bord d’une autre mer, à Dunkerque, pour assister à la mise à l’eau du bateau de l’expédition. Un navire de 40 m et 20 membres d’équipage qui embarqueront ces 10 machines, pesant entre 200 et 1 200 kg chacune, pour un tour de France suivi d’un tour du monde de trois ans.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n° 34, paru en mai 2021. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
L’objectif : diffuser leurs plans et répliquer ces machines en les adaptant aux situations locales. Afin de créer un réseau mondial de mini-usines de recyclage et stopper la pollution des océans. “90 % du plastique rejeté en mer provient d’une trentaine de pays du Sud. La faute à une collecte déficiente et à l’absence d’outils de valorisation. Mais aussi à nos propres exportations de déchets“, observe Tom Bébien, ingénieur responsable de l’atelier de recyclage. “Si on veut que le plastique soit collecté et recyclé, il faut qu’il y ait un intérêt économique pour les populations à le faire. On peut transformer les déchets en des objets utiles : meubles, poubelles, cadres de vélos. Mais aussi des matériaux de construction comme des tuiles ou des briques. Et lorsqu’on ne peut plus les recycler, en faire du pétrole.”
Encore faut-il que ces outils soient abordables. “Il est très important de limiter les investissements pour que ces petites entreprises soient économiquement viables. Une extrudeuse industrielle coûte plus de 50 000 euros. Pour être rentable dans la valorisation du déchet, il faut un investissement de départ minimal. C’est pourquoi nous avons étudié et simplifié au maximum la conception et la fabrication des machines, tout en gardant les aspects fonctionnels et productifs, et bien sûr la sécurité lors de l’utilisation.”
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Une démarche low-tech et open source qui vise aussi à rendre les machines facilement constructibles et réparables localement. “Pour fabriquer la plupart, il suffit d’avoir quelques plaques d’acier et un poste à souder, assure Tom. Elles sont assez grosses pour faire du volume et être rentables, mais ne coûtent qu’entre 1 500 et 15 000 euros chacune, soit trois à quatre fois moins cher que leurs équivalents industriels.”
Mais sont-elles réellement efficaces et si faciles à utiliser ? Pour le vérifier, j’ai décidé de fabriquer un objet du quotidien à partir de déchets plastiques : une chaise. Une gourde aurait été plus symbolique, mais il est impossible de connaître les additifs chimiques présents dans les déchets plastiques, et donc de s’assurer qu’elle sera aux normes alimentaires, m’explique Tom d’un air désolé. Soit ! Ce sera une chaise, ce qui me permettra de tester plusieurs techniques :
Je verse un grand sac de bouchons de bouteilles dans l’entonnoir d’un mixer de 2 m de haut et récupère les copeaux à la sortie. Il faut ensuite les passer dans le bac de lavage composé d’une citerne cubique et d’une sorte de batteur à œufs géant monté sur rail.
On place ensuite les copeaux dans une essoreuse. Celle-ci est la fille bâtarde d’une machine à laver verticale, dont le tambour est un pas de vis. Il permet de séparer le plastique des déchets alimentaires et autres saletés. “À bord du bateau, nous aurons un filtre de 1,50 m de long pour dépolluer cette eau pleine de microplastiques et ne pas la rejeter en mer, assure Tom. L’eau passera à travers du sable, mais aussi des vieux collants et même des cheveux pour fixer les hydrocarbures”.
Une fois les copeaux secs, il est temps de les transformer. Pour cela, l’équipe de Plastic Odyssey a construit un four électrique qui ressemble à un gros cube bleu monté sur roulettes. Tom me montre avec fierté la laine de mouton naturelle qui en isole l’intérieur. Je dispose les copeaux dans un moule en métal et j’enfourne. Une heure plus tard, ma plaque de plastique ressemble à une pizza multicolore. Un coup de presse hydraulique et en cinq minutes, la voilà bien lisse et rigide.
J’attaque ensuite les pieds de ma chaise. Tom me guide dans l’utilisation de l’extrudeuse. Elle se compose d’un grand entonnoir, d’un moteur et d’une vis sans fin qui pousse le plastique à travers un tube chauffé par des résistances. Une sorte de machine à churros aux airs de canon laser. À sa sortie, on place des tubes métalliques dans lesquels coule le plastique fondu et on obtient des perches de 2 m de section ronde ou carrée. Malheureusement pas multicolore mais gris car les couleurs se sont mélangées dans la machine. Je note au passage que le plastique se travaille comme le bois. Quelques coups de scie et de visseuse plus tard, j’ai une belle chaise au plateau multicolore et aux longues jambes grises. Ce qui lui donne un aspect un peu plus chic que je ne l’espérais.
Satisfait de ma première fabrication de meuble en déchets plastiques, je n’ai plus qu’à parcourir les plages avec un sac-poubelle cet été pour remeubler mon appartement.
Rendez-vous dans le prochain numéro de la revue et sur notre site pour découvrir les suites de cette expédition, dont WE DEMAIN est partenaire.
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