Partager la publication "Procès de l’attentat de Nice : la résilience d’une ville"
“La résilience, ce n’est pas quelque chose que l’on fait seul. C’est une étape que l’on affronte ensemble. Dans le cas d’une ville, cela peut-être en raison d’une catastrophe naturelle ou, comme dans le cas de Nice, des événements violents tels que le terrorisme, l’acte politique le plus violent qui existe.” C’est ainsi que Boris Cyrulnik a introduit, le 19 septembre 2017, la table-ronde dédiée à la résilience d’une ville lors du premier Forum Sécurité & Résilience. Une table-ronde menée avec le maire de la ville, Christian Estrosi, qui a eu à gérer l’attentat de Nice et ses conséquences sur sa communauté.
On était alors un peu plus d’un an après l’attentat de Nice qui a frappé, le 14 juillet au soir, la promenade des Anglais. Un homme au volant d’un camion-bélier fonçait alors dans la foule amassée pour admirer le feu d’artifice. Il fera 86 morts – dont 10 enfants et adolescents – et 458 blessés avant d’être abattu par la police. Un acte terroriste revendiqué par l’État islamique deux jours plus tard.
Christian Estrosi : “Je suis né et j’ai grandi à Nice. Et depuis tout petit, on me racontait qu’il y avait un traumatisme resté dans la cité. C’était celui du 23 avril 1944. C’était le jour où les Américains ont bombardé Nice pour accompagner sa libération. Il y a eu ce jour-là 244 morts. Et puis est arrivé le 14 juillet 2016. Et pour la première fois, il y a de nouveau une scène de guerre. J’aurais toujours en mémoire l’image de ces cadavres. Et puis ces heures et ces nuits qui ont suivi. Ces jours en contact de tous les intervenants, toutes ces personnes [victimes directes ou collatérales, ndlr] à prendre dans ses bras… J’ai pu mesurer que ce que nos anciens nous racontaient du 23 avril 1944 était devenu une réalité des temps modernes à laquelle chacune et chacun d’entre nous pouvions être confrontés à tout instant. Mais avec une différence importante : en 1944, ceux qui avaient frappé étaient aussi là pour donner de l’espérance de jours meilleurs. En 2016, c’était une étape de plus vers une sorte d’obscurité. Le problème ne peut donc pas se traiter de la même manière.”
Boris Cyrulnik : “En effet, il faut raisonner en termes de avant, pendant, après. En 44, on espérait les Américains. Ils ont tué 60 000 Français mais en nous libérant, en nous donnant l’espoir. En 1996, on n’attendait pas cet attentat, on attendait la fête. C’est la définition même du traumatisme. Et on le sait désormais, par la neuro-imagerie, quand quelqu’un est surpris par une mort effrayante, et d’autant plus quand il y a des enfants parmi les cadavres, le cerveau est déconnecté. Il ne peut plus traiter d’information. Toutes les zones cérébrales sont éteintes. Les gens sont hébétés, ils ne comprennent pas. Dans ce cas, les deux mots-clés que je propose pour déclencher la résilience, puisqu’ici on ne peut pas parler d’espoir, c’est le soutien et le sens.”
Boris Cyrulnik : “Le soutien permet d’entrer dans le processus de résilience. À Nice, cela s’est traduit par des pompiers, des militaires, des policiers, des soldats… se promener. Car, même pré-verbalement, c’est un soutien. Sans ça, quand on est abandonné, on est sur le tapis roulant du syndrome pré-traumatique. Beaucoup de gens passeront leur vie avec ça et ne s’en remettront jamais. Quant au sens, c’est l’affaire des historiens, des psychologues, des politiciens… qui doivent chercher à comprendre ce qui s’est passé. Et là, on entre dans un nouveau problème planétaire, c’est l’apparition d’un nouveau langage totalitaire, celui des terroristes. Ce langage a exactement la même structure que celui du nazisme. Sauf que là, on commence à chercher des solutions pour s’y opposer et donner du sens à ce que l’on vit.“
Découvrez le programme détaillé du 3e Forum Sécurité & Résilience
qui se tiendra le 25 octobre 2022 à Issy-les-Moulineaux.
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