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Sylvia Earle (océanographe) : « Pour la sauvegarde des océans, l’heure est venue de passer à l’action »

L’océanographe et biologiste marine Sylvia Earle et Titouan Bernicot, fondateur de Coral Gardeners, sont deux figures emblématiques de la lutte pour la protection de l’océan et des écosystèmes marins. Soutenus par l’initiative Perpetual Planet de Rolex, leur engagement respectif et leurs initiatives innovantes sont essentiels pour sensibiliser le public à l’importance cruciale de nos océans. L’Américaine Sylvia Earle, surnommée « Sa Majesté des Profondeurs », a consacré sa vie à explorer et à défendre les océans. Ses travaux avec son programme Mission Blue (qui a pour objectif de protéger 30 % des océans d’ici 2030) et ses 163 « Hope Spots » dans le monde, initiés depuis 2009, ont permis de mettre en lumière des zones marines vitales nécessitant une protection urgente. Son approche scientifique et pédagogique inspire des générations à agir pour la préservation de la biodiversité marine.

Le Français Titouan Bernicot, quant à lui, est un jeune pionnier dont l’initiative Coral Gardeners vise à restaurer les récifs coralliens endommagés. Originaire de l’île de Mo’orea en Polynésie française, il a grandi entouré de l’océan, ce qui a nourri sa passion pour la conservation marine. Abandonnant l’école à 18 ans pour se consacrer entièrement à son projet, il a su mobiliser des technologies avancées et créer un réseau mondial de soutien pour ses efforts de restauration. Ses actions démontrent comment une approche entrepreneuriale peut être appliquée à la conservation écologique pour des résultats tangibles et durables. Lors d’un entretien

« J’ai vu le prix payé par la nature »

Sylvia Earle, en 2016, à Cabo Pulmo, au Meixque, dans le cadre de Mission Blue. Crédit : Rolex.

Lors de leur échange, Sylvia Earle a souligné l’ignorance généralisée concernant l’océan et ses contributions essentielles à notre survie quand elle était jeune. « Au début de ma carrière, personne ne pensait que l’océan pouvait être en danger. Mais j’ai vu le prix payé par la nature et il est maintenant urgent d’agir. Avant, on avait le luxe d’étudier. L’heure est venue de passer à l’action. » Elle rappelle que l’océan, tout comme les forêts, joue un rôle crucial dans la production d’oxygène et la capture du carbone, des fonctions vitales pour notre existence. Sylvia Earle insiste sur l’urgence d’éduquer le public et de célébrer notre relation avec la nature pour mieux la protéger. « Ce n’est pas seulement les 70 % de l’océan que vous voyez depuis la surface. Ce sont les trois dimensions, les profondeurs, et c’est plein de vie de la surface aux plus grandes profondeurs. »

Et d’ajouter : « Nous avons encore la chance de pouvoir apprendre des personnes qui ont eu une relation avec un lieu sur une très longue période, comme les habitants des îles du Pacifique, prévient l’océanographe. L’ignorance que nous avons eue concernant les océans est peut-être le plus grand problème auquel nous sommes encore confrontés. Inspirons-nous de la sagesse de ces peuples, qui consiste à utiliser la nature sans la détruire. »

Une approche holistique et collaborative pour préserver les écosystèmes marins

Titouan Bernicot examine un corail. Crédit : Rolex.

De son côté, Titouan Bernicot a, lui, été immédiatement dans l’action. En 2015, à l’âge de 16 ans, il constate le blanchiment des coraux sur les spots de surf de sa Polynésie natale. Son premier réflexe est d’aller voir les scientifiques qui étudient les océans. Mais quand on lui répond qu’il faudra faire une bonne dizaine d’années d’études, il décide d’agir autrement, d’être tout de suite dans le concret. Il abandonne l’école à 18 ans et se lance. « C’est beau de pouvoir se dire, à 18 ans, que ‘mon université, c’est l’océan' », souligne Sylvia Earle.

C’est ainsi qu’il a fondé Coral Gardeners et a été amené à collaborer avec des communautés locales à travers le monde (Polynésie mais aussi Fidji, Thaïlande, Hawaï…), apprenant des méthodes traditionnelles de conservation et les adaptant avec des technologies modernes. En combinant les savoirs ancestraux et les innovations technologiques, Titouan Bernicot prône une approche holistique et collaborative pour préserver les écosystèmes marins.

Depuis que j’ai rejoint la National Geographic Society en tant qu’explorateur et la famille Rolex Perpetual Planet, c’est mon école. J’ai accès à un réseau de personnes qui sont tout simplement fantastiques. Je suis à un coup de fil de Sylvia pour parler des mérous ou de ce que je vois sous l’eau chez moi. Je suis à un coup de fil de Cristina Mittermeier, que j’appelle ma maman océan, ou de Paul Nicklin. Ils ont parcouru l’océan et la planète plus que moi au cours des dernières décennies. Chaque fois que j’ai une question, je me tourne vers eux et cela me donne de nouvelles perspectives. » Et aussi, cela remet en question les perspectives. »

Technologie et conservation : un duo gagnant pour les océans

Des coraux sous haute surveillance avec une caméra autonome qui surveille leur état de santé. Crédit : Rolex.

Les technologies modernes offrent des opportunités inédites pour la conservation marine. Sylvia Earle et Titouan Bernicot sont unanimes : l’innovation technologique est un outil précieux pour la préservation des océans. Pour Sylvia Earle, cela facilite l’exploration des profondeurs marines grâce à des submersibles avancés. Des engins qui permettent de découvrir et de protéger des écosystèmes jusque-là inaccessibles. Tout comme les caméras sous-marines autonomes : « Lorsque vous n’êtes pas dans l’eau, les poissons se comportent différemment, souligne l’océanographe. J’adore cette idée que la technologie peut être comme de nouveaux yeux. Vous regardez la même chose, mais vous la voyez différemment parce que vous avez une technologie qui vous permet de la voir différemment.« 

Titouan Bernicot, de son côté, a mis en place des fermes coralliennes semi-automatisées utilisant l’intelligence artificielle et des robots pour surveiller et entretenir les coraux. « Pour cela, nous avons recruté des grands noms de la Silicon Valley, des personnes qui travaillaient chez SpaceX, Tesla ou Google. Maintenant, ils travaillent à concevoir l’avenir de la restauration des coraux afin de réduire les coûts et le temps de production des fragments de coraux. Tout en augmentant leur efficacité. » L’homme qui a inventé le pilote automatique des voitures Tesla d’Elon Musk est devenu le directeur technologique de Coral Gardeners. Par exemple, il a mis au point un bras robotique qui vient nettoyer les coraux, non pas avec une brosse à dents comme cela pouvait être fait jusqu’à présent, mais avec un jet d’eau automatique. Des caméras surveillent aussi l’aspect des coraux et leur température pour s’assurer qu’ils sont en bonne santé. « C’est la première fois dans l’histoire que vous avez des jardiniers qui ont sept-huit ingénieurs et scientifiques à leur service pour les aider.

« Notre économie est basée sur l’extraction de la nature, et ne tient pas compte des coûts »

Pour Sylvia Earle, l’espoir est un catalyseur d’action. Elle insiste sur le fait que la connaissance et la technologie disponibles aujourd’hui nous placent dans une position unique pour restaurer et protéger les écosystèmes marins. Des milieux où tous les éléments sont interdépendants. « Imaginez New York. Ce n’est pas seulement les bâtiments, les taxis, le métro… C’est une communauté. Tous les ingrédients sont importants », pointe la biologiste marine. Mais pour garder espoir, il importe de passer à l’action : « Nous devons intensifier la protection de l’océan sauvage. En ce moment, seulement 3 % est hautement ou entièrement protégé. 97 % est ouvert à l’exploitation minière, à la pêche industrielle. Il faut que cela change. Et vite. »

Titouan Bernicot inspecte une nurserie de corail. Crédit : Rolex.

Pour cela, elle insiste sur le fait de mieux valoriser la nature : « Notre économie est basée sur l’extraction de la nature, et ne tient pas compte des coûts. Un poisson vivant doit valoir plus qu’un poisson mort. Un arbre vivant doit valoir plus qu’un arbre mort. C’est sur cette base qu’on parle d’économie bleue. »

Titouan Bernicot partage cette vision optimiste, soulignant que chacun peut contribuer, à sa manière, à la protection des océans. Il encourage le public à s’informer, à s’engager et à utiliser les outils technologiques pour participer activement à la conservation marine, même à distance. « Même si la technologie a détruit notre planète, bien utilisée, elle peut nous aider à la restaurer. » Son credo ? « Protégez l’océan comme si votre vie en dépendait, parce que c’est le cas. » Et de conclure : « Je suis un homme d’affaires pour l’océan. Je rends compte à l’océan. Mon patron, c’est l’océan. »

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