Partager la publication "À Lima, « le clivage Nord-Sud n’a permis qu’un accord a minima »"
Jean-Baptiste Poncelet : Un élan et une dynamique avaient été engagés à partir de septembre, avec trois éléments : l’appel de Ban-Ki-Moon, Secrétaire général des Nations Unies, à agir, le paquet climat adopté par l’Union Européenne et l’accord historique entre la Chine et les États-Unis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. De ce point de vue, l’accord est bien en deçà de ce qu’on pouvait attendre. Ceci étant posé, on est passé à côté du pire. On a bien failli ne pas avoir d’accord du tout.
Alors venons-en au fond. Sur quoi les États ont-ils réussi à s’accorder ?
Sur un minima. On a défini un périmètre aux contributions des États – atténuation du changement climatique, adaptation, financement de la transition – mais son contenu reste vide. Chaque État pourra fournir des informations hétérogènes sur les efforts fournis, ce qui va complexifier l’analyse de ces contributions et leur harmonisation pour les inscrire dans une trajectoire de réduction des gaz à effet de serre. Ils ont jusqu’au premier novembre 2015 pour décider, ce qui laisse moins d’un mois avant la COP 21 pour réagir aux annonces. Certains s’étaient engagés sur un protocole additionnel au protocole de Kyoto. On espérait rehausser ces ambitions, mais il n’en a rien été. C’est un très mauvais signal, le GIEC dit qu’on a plus le temps d’attendre et qu’il faut prendre des mesures radicales dès aujourd’hui.
Qu’est ce qui a fait obstacle aux négociations ?
On a senti un clivage entre les pays du Nord et du Sud et un certain nombre de sujets. Les négociations se sont cristallisés là-dessus. En particulier autour de la notion de responsabilité « commune mais différenciée », qui pose que les États du Nord ont plus contribué au réchauffement climatique depuis la première révolution industrielle. Ils doivent donc participer davantage au financement de la transition. Les pays du Sud ont insisté sur ce point. Mais personne n’est arrivé à savoir précisément comment.
Il y aussi des inerties issues du fonctionnement interne des états, du poids des lobbies, des industries qui reposent sur un modèle carboné, notamment la pétrochimie et l’automobile. Bon nombre de pays occidentaux ne sont pas encore dans une vraie optique de changement. L’UE a montré une certaine ouverture mais n’a pas pris le leadership qu’elle aurait du.
Les États doivent prendre leurs responsabilités. En commençant par balayer devant leur porte. Mettre en œuvre des actions phares et radicales pour évoluer vers un modèle décarboné. Par exemple, stopper le financement des projets basés sur le charbon – aujourd’hui 600 milliards de dollars sont dépensés chaque année en subventions publiques pour les combustibles fossiles dans les pays riches. On pourrait les rediriger vers l’efficacité énergétique.
Il faut également impliquer les entreprises et la société civile, notamment via l’Agenda des solutions mis en place par l’ONU. Enfin, il s’agit de prendre nos responsabilités en terme d’aides financières vis-à-vis des pays du Sud. Sur les 100 milliards d’aides annoncés à Copenhague, seuls 10 ont été débloquées en 2014 dans le cadre du fond vert lancé à Durban. Au delà du financement, il y a la question du transfert de compétences. Nord et Sud doivent faire des pas l’un vers l’autre faute de quoi la COP 21 sera un échec de plus.
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