Partager la publication "Après la COP21, le maire de Grenoble enclenche un “green new deal”"
En novembre 2014, Grenoble adopte une première mesure inédite en Europe : l’interdiction des panneaux publicitaires. Un an après, où en est la ville ? Quelles sont les retombées économiques, écologiques et sociales de la politique d’Éric Piolle ? We Demain s’est entretenu avec lui à l’occasion d’une conférence organisée à l’UNESCO, à Paris, en marge de la COP21.
Éric Piolle : Il s’agit d’un ensemble de mesures, prises à l’issue de la COP21, visant à faire de Grenoble, dès 2016, la ville la plus verte possible sur le plan énergétique. Cela passe par exemple par la création d’une nouvelle unité de production pour étendre notre réseau de chauffage, le deuxième réseau français. Il fonctionne déjà avec 50 % de sources d’énergies renouvelables, c’est une petite victoire ! Pour l’améliorer encore, nous comptons produire davantage de biomasse, fabriquée à partir des déchets de la station d’épuration de la métropole.
Quelles sont les autres mesures environnementales que vous allez mettre en place à l’issue de la COP21 ?
À partir du premier janvier 2016, nous allons profiter de l’ouverture des marchés de l’énergie pour les collectivités, afin de nous fournir en énergie auprès de Gaz Électricité de Grenoble (GEG) et aller vers une consommation d’énergie mêlant hydroélectrique, photovoltaïque et éolien. Avec ce changement de fournisseur, l’objectif est que les 165 sites municipaux ainsi que le Centre communal d’action sociale (CCAS), le deuxième plus gros de France avec 1200 agents, réduisent leurs émissions de CO2 de près de 1 400 tonnes par an.
En parlant avec ses habitants. Des valeurs telles que la sobriété ou l’efficacité nous tiennent à cœur, mais ces changements verts passent aussi par un important travail sur la précarité énergétique. Notre tissu associatif nous permet d’aider et d’accompagner les foyers identifiés, qui n’ont toujours pas un accès facile à l’énergie. Rappelons qu’actuellement, l’énergie représente en moyenne 7,7 % de la consommation des ménages français. Cela reste un niveau important, quand on sait que le seuil de précarité énergétique se situe à 10 % des revenus.
Est-ce facile de convaincre les Grenoblois de participer aux efforts ?
Plutôt, oui. Cela se passe sur plusieurs volets. Un bon indicateur ? En 18 mois, nous avons pu vérifier, par exemple, que la location de Métrovélos, les vélos municipaux de Grenoble, a augmenté de 50 % ! Nous disposons de 6 000 vélos, soit un tiers de la flotte des Vélibs parisiens, sur une population vingt fois plus petite. Il y a une réelle appétence des citoyens pour ce moyen de transport !
Qu’en est-il des autres transports en commun ?
En un an, leur utilisation a augmenté de 10 %. Nous misons énormément sur le tram et sur notre réseau de bus. Depuis le premier novembre, le syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération grenobloise et la SEMITAG, l’exploitant du réseau, travaillent ensemble pour alimenter les trams en électricité produite à partir d’énergies renouvelables. De plus, depuis juin 2014, nous n’achetons plus aucun bus roulant au diesel seul, à part des nouveaux bus hybrides (électricité et diesel, NDLR). Pour l’heure, sur notre parc de 300 bus, seul un tiers roule au gaz naturel, mais au delà de 2020, plus aucun bus diesel n’aura droit de circuler à Grenoble. Nous allons à terme vers le tout électrique de ce côté là également. Un objectif encore malheureusement trop cher à réaliser en peu de temps.
Depuis juin dernier, la ville de Grenoble a été choisie pour expérimenter les certificats de qualité de l’air introduits par le gouvernement. Ces derniers doivent permettre de gérer la pollution avant qu’elle n’atteigne des pics. Quand ils surviennent tout de même, nous abaissons les vitesses autorisées, et informons les Grenoblois que les transports en commun sont accessibles avec un seul ticket par jour.
Et lorsque la pollution perdure ?
Nous imposons les vignettes et instaurons des zones à circulation restreinte. On distingue quatre vignettes de couleurs différentes, qui s’appuient sur les émissions polluantes des voitures particulières, de leur motorisation et de leur âge. D’ici à 2020, l’objectif est de réduire de 40 % les émissions de particules fines par rapport à 2014.
En janvier 2016, à Grenoble, la plupart des voies de la circulation vont également être limitées à 30 km/h. La transition passe-t-elle nécessairement par la chasse aux automobilistes ?
Non, notre but n’est pas d’éradiquer la voiture ! Simplement de proposer des solutions alternatives. La généralisation du 30 km/h participe aussi à la construction d’une métropole plus apaisée, plus sécurisée… En ville, on roule rarement à plus de 50 km/h de toute façon. Ce que nous faisons, c’est inverser la logique : Plus que quelques unes d’entre elles seront limitées à 50 km/h.
L’amélioration de la qualité de l’air ne passe pas uniquement par des mesures visant les transports…
Ce projet s’inscrit plus largement dans notre plan de renouvellement urbain. Celui-ci prévoit notamment la division par deux de l’éclairage public en deux ans (l’objectif étant que la pollution lumineuse baisse de 80 % d’ici 2020, NDLR) et la revégétalisation de nombreux quartiers. Ou encore le développement d’éco-quartiers, avec par exemple l’amélioration des objectifs de réglementation thermique des habitations.
Je propose un plan d’action pour la confiance et la transition énergétique, aussi appelé Green new deal. Les municipalités sont actuellement bridées par les normes comptables et nous avons besoin d’une relance de l’investissement public, spécifique aux énergies renouvelables. Or, la commande publique se casse la figure – c’est un cercle vicieux ! Les emprunts consacrés à des projets liés aux économies d’énergie ou à la production d’énergies renouvelables ne doivent donc plus être comptabilisés dans la dette publique. À court terme, ils seront de toute évidence remboursés par les économies réalisées et l’énergie produite ! Il nous faut une réforme de la comptabilité publique. C’est très important pour moi que le gouvernement s’en rende compte : si, après la COP21, les acteurs publics n’aident pas les acteurs publics, qui le fera ?
Dans ce contexte économique difficile, n’est-ce pas une trop grande perte de revenus pour la ville que d’avoir supprimé tous ses panneaux publicitaires ?
Non, c’est “peanuts”. La pub apportait en moyenne 600 000 euros par an à la ville et le contrat avec JC Decaux arrivait de toute façon à son terme. En outre, avec des affiches d’alcool et de bagnoles, elle ne servait pas au développement du commerce en ville mais bien davantage celui de la périphérie. On ne peut pas critiquer une société ultra-consumériste et polluante et laisser nos enfants passer devant des panneaux publicitaires tous les matins. C’est une question d’éthique, de qualité de vie et de travail de l’espace public : chaque décision politique a un coût. Nous avons préféré baisser nos indemnités de 300 000 euros, supprimer la vingtaine de voitures qui servait aux élus et remplacer les panneaux par des arbres, des supports d’infos culturelles, de quartier, ou d’expression libre.
Vous étiez à Paris lors de la COP21. Que retenez-vous de l’accord obtenu par la diplomatie française ?
Ce n’est pas un échec. L’accord évite de fermer les chemins et permet aux sociétés civiles de faire pression pour arriver aux financements nécessaires. Il a également le mérite de remettre sur la table des questions fondamentales : quid de la taxation financière ? Quid de la taxation des poids lourds ? L’étape d’après, c’est d’intégrer les collectivités territoriales dans la discussion. Car à ce niveau, c’est moins compliqué qu’au niveau international ou étatique, on a plus de marge de manœuvre… Maintenant, tout l’enjeu post COP21 est de voir ce que nous allons en faire : je crois résolument en l’action citoyenne, et je pense que cet accord peut nous aider à remettre une dimension politique dans la démocratie. Et ainsi, d’atteindre ses objectifs.
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