Partager la publication "Au cœur de l’École Hermès des savoir-faire à Pantin : l’artisanat comme vecteur d’excellence"
“Dextérité, savoir-être et savoir-apprendre”, tels sont les maîtres mots de l’École Hermès des savoir-faire à Pantin. Pour intégrer cette formation aux portes de Paris, ou l’une des huit autres écoles réparties dans toute la France, inutile de fournir un CV. Ici, ce sont l’attitude et l’état d’esprit qui priment. Qu’on ait 18 ans sans diplôme ou qu’on soit en reconversion à 50 ans avec un Bac+5, le profil recherché reste le même : exigence et passion en quête de réalisation. Le savoir-faire viendra au cours de la formation… et après. L’école dure en moyenne 18 mois, passage du CAP Maroquinerie compris, mais il faut en moyenne 5 ans pour qu’un artisan Hermès devienne réellement autonome.
Dans les vastes ateliers de l’École Hermès des savoir-faire à Pantin, tout commence par les gestes. Ici, chaque aspirant artisan – environ 70 formés chaque année – reçoit dès son premier jour une caisse d’outils personnalisée, un prolongement de ses mains tout au long de sa carrière. Alène, marteau, roulette, pince, cire d’abeille, aiguilles… Cette caisse, véritable prolongement de leurs mains, les accompagnera du premier jour de formation jusqu’à leur dernier sac au sein de la Maison. “C’est une manière de leur transmettre non seulement un métier, mais aussi une culture du soin et de la précision”, explique Emmanuel Pommier, directeur général du pôle artisanal Hermès maroquinerie-sellerie.
Avec une moyenne d’âge de 32 ans et une majorité de femmes, les élèves, pour 90 % en reconversion professionnelle, viennent d’horizons variés. Il y a quelques décennies, ils étaient pour la plupart âgés de 18 ans à leur entrée chez Hermès. Ces nouvelles recrues rejoignent ce centre de formation unique pour apprendre l’art du cuir, guidés par des artisans chevronnés qui transmettent bien plus que des techniques : une philosophie.
Durant cet apprentissage multifacette, deux constantes se dégagent : la répétition et le perfectionnisme. À l’instar des athlètes de haut niveau, les apprentis répètent inlassablement leurs gestes pour atteindre une précision remarquable. “Quand les gestes sont intégrés, la main finit par travailler presque seule. C’est une mémoire musculaire qui se construit avec le temps”, explique Angelo, 31 ans, tandis qu’il nous montre ses progrès dans le travail du cuir et la couture en quelques mois d’apprentissage.
À lire aussi : Au sein des ateliers Opinel, un savoir-faire au secret bien gardé
“En 18 mois, ils atteignent un niveau nettement supérieur au CAP”, souligne Emmanuel Pommier. Et ce, grâce à une formation intense et personnalisée. À raison d’un encadrant pour sept élèves, l’École Hermès des savoir-faire passe en revue toutes les connaissances nécessaires. Travail du cuir, piquage, coupe, perlage et astiquage… autant d’étapes qui exigent patience et rigueur. L’accent est rapidement mis sur l’autonomie. Au bout de quelques mois, chaque élève va commencer à fabriquer ses premiers sacs du début à la fin. C’est là l’une des singularités d’Hermès : chaque artisan réalise un article de A à Z.
Cette approche tranche avec l’industrie classique, où le travail est souvent morcelé. “Ce que je fais, c’est moi, c’est mon objet. S’il est réussi, j’en suis fière. S’il y a un défaut, une erreur, c’est à moi de corriger le tir”, confie Louanne, une apprentie en pleine réalisation d’un sac Kelly. Sa formatrice Julia, à ses côtés, surveille de près son travail et lui donne quelques conseils quand elle voit la jeune femme, 25 ans, à la peine dans les finitions des tranches d’une bandoulière. Une fois recrutés, ces artisanes et artisans apposeront leur sceau sur chaque sac réalisé de leurs mains. À la fois une fierté et une responsabilité.
Sans imposer de prérequis académiques, l’École Hermès s’ouvre à des profils aux parcours atypiques. Certains étaient cadres, infirmiers, chauffeurs routiers ou vendeurs en magasin, d’autres n’ont aucun diplôme. “On retient environ un candidat sur dix. Ce processus rigoureux assure que les futurs artisans ont vraiment envie d’exercer ce métier”, précise Emmanuel Pommier. Cette diversité enrichit les ateliers, créant un collectif où chacun trouve sa place. “Je n’avais jamais imaginé travailler dans un environnement si créatif et technique”, confirme Julia, désormais formatrice après avoir travaillé douze ans comme artisane chez Hermès.
On retrouve cependant une constante chez les aspirants artisans de Pantin : des passe-temps pour la plupart manuels, parfois aussi artistiques. Louanne, qui a fait des études de communication, a appris à travailler le cuir avec son grand-père. Angelo, formé aux Beaux-Arts et qui a quitté son métier de formateur à l’écriture de paroles, travaillait le papier. Romain a fait des études de piano et était responsable de production pour un orchestre de musique baroque. Il a pris des cours du soir en maroquinerie avant de tout plaquer pour entrer à l’école Hermès des savoir-faire.
Encore en formation, il a déjà décroché son CDI et va bientôt rejoindre l’atelier de Pantin, situé dans la même rue. “Au cours de la formation, j’ai déjà réalisé moi-même plusieurs dizaines de sacs [des Kelly, un des modèles iconiques de la Maison avec le Birkin, NDLR]. Je suis extrêmement fier de me dire que je les ai fabriqués de mes propres mains et que ces sacs ont ensuite trouvé un foyer.” Une fois ce modèle maîtrisé, place aux autres. En fin de carrière, un artisan va maîtriser au moins cinquante modèles de sacs différents. Qui a dit qu’il s’agissait d’un travail monotone ?
Face à des profils très variés, il a fallu repenser la pédagogie au sein de la Maison Hermès. Former une quadragénaire en reconversion avec un riche passé professionnel n’a rien à voir avec l’apprentissage d’un jeune de 18 ans. Les formatrices et formateurs, toutes et tous anciens artisans, sont formés à la transmission. “Transmettre, ce n’est pas juste copier un geste, c’est comprendre et donner du sens”, insiste Emmanuel Pommier. Ce que confirme Caroline, entrée en 1990 : “On est dans un métier du temps long, qui mérite une certaine humilité. C’est aussi un métier très enrichissant de par ce qui fait la spécificité de la maison Hermès : fabriquer chaque article de bout en bout.”
Pour ses débuts, Caroline a commencé dans l’atelier situé au-dessus du tout premier magasin Hermès, Faubourg Saint Honoré à Paris. Après y avoir fait ses armes pendant une petite quinzaine d’années, elle s’est tournée vers le métier de formatrice. Depuis 20 ans, elle pratique un tutorat qui s’apparente à une véritable passation de métier d’art. “Nous leur faisons découvrir la diversité des cuirs, la manière de les travailler. Ils découvrent les outils et comment les entretenir, les affûter, etc. C’est aussi un métier physique, il faut donc leur apprendre dès le début la bonne ergonomie à leur poste de travail, la posture correcte pour ne pas se blesser.”
Avec près de 200 personnes impliquées dans la formation sur 9 pôles en France, Hermès investit massivement dans la transmission de son expertise artisanale. Une nécessité pour accompagner la croissance de l’entreprise. “Notre bien le plus précieux chez Hermès, c’est notre savoir-faire”, souligne Emmanuel Pommier. Négliger la formation serait donc une grave erreur. Et d’ajouter : “Nous avons choisi d’aller au-delà des standards pour garantir que nos métiers perdurent”.
La formation, gratuite pour les aspirants artisans, est rémunérée “un peu au-dessus du Smic” dès le premier jour. Ensuite, les salaires peuvent “monter assez haut” selon l’expérience, les responsabilités mais aussi les profils. Certains, par exemple, vont se spécialiser dans la réparation. Dès leur conception, chaque sac est pensé pour être durable et réparable, dans une logique d’artisanat responsable.
À Pantin, au cœur de l’École Hermès des savoir-faire, l’excellence n’est pas seulement une ambition, elle devient un geste. Un geste précis, fruit d’un savoir-faire intemporel, qui traverse les générations et donne naissance à des objets uniques, symboles d’un artisanat d’art en constante réinvention
SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.
Le second mandat de Donald Trump, qui débutera le 20 janvier prochain avec son investiture,…
François Siegel, fondateur et directeur de la rédaction de WE DEMAIN, nous a quittés le…
La perte de biodiversité atteint des sommets historiques, menaçant un million d’espèces et notre propre…
Urgentistes de la sécurité publique, les gendarmes sont en première ligne lors des catastrophes. Le…
Mark Zuckerberg enterre le fact-checking ? Un retour aux origines s’impose. Inventée en pleine guerre…
Malgré leur rôle clé dans la transition énergétique, les énergies renouvelables font face à une…