Partager la publication "Belgique : 16 800 citoyens attaquent l’État pour qu’il réduise ses émissions de CO2"
Tous ont signé l’appel lancé par l’association sans but lucratif (ASBL) belge, dont le nom flamand est Klimaatzaak et dont l’objectif est de contraindre l’État belge à tenir ses engagements en matière de politique climatique. Son constat, comme mentionné sur le site francophone de l’association : “Malgré l’existence d’un scénario pour une Belgique sans carbone d’ici à 2050, l’État fédéral et les régions ne collaborent toujours pas pour le mettre en œuvre.”
Une critique confirmée, selon elle, par les rapports réguliers de l’Agence européenne de l’énergie, même si le pays est parvenu à faire baisser de 22 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2014.
Mais leur demande n’est pas satisfaite, même après avoir rencontré la ministre fédérale Marie-Christine Marghem“et quatre ministres compétents” en mars 2015. Alors, en juin 2015, l’association et ses codemandeurs citoyens assignent l’État fédéral et les trois régions en justice pour “fixer sous forme d’un “accord par écrit” toutes les mesures nécessaires [qu’elles prendront], afin que les émissions (belges) de gaz à effet de serre baissent réellement de 40 % par rapport aux émissions en 1990 d’ici à 2020 et d’au moins 80 % d’ici à 2050.”
“Nous ne sommes pas contre le gouvernement, nous voulons l’aider : ce pourquoi tout le monde sortira gagnant de ce procès”, affirme Sarah Van Riel, la coordinatrice d’Alerte Climat contactée par We Demain.
“Respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris”
“Nous souhaitons influer sur le cours de la société : les hommes politiques ne font pas leur travail, nous citoyens pouvons les y forcer. Avant, c’était le protocole de Kyoto, puis de Cancun qu’ils ne mettaient pas en place, à présent, nous attendons toujours d’eux qu’ils accélèrent le processus pour respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris”, explique Olivier de Sadeleer à We Demain.
Une “class action à l’américaine”
“C’est une pétition qui prend la forme d’une procuration et qui réunit des gens de tous les milieux sociaux. Ces derniers, devenus codemandeurs, peuvent ensuite être appelés à témoigner, s’ils le souhaitent, quand commencera le procès. Un peu comme une “class action” à l’américaine”, précise Olivier de Sadeleer.
Pour l’heure, la date du procès n’est pas encore connue. Pis, son instruction a été retardée pour des raisons “inhérentes au fonctionnement de la Belgique”, comme le décrit Sarah Van Riel, et plus précisément “à cause d’un emploi des langues problématiques”, d’après l’avocat en charge de l’affaire, Denis Philippe, du cabinet Philippe and Partners. “Durant l’audience d’introduction, la Région flamande a demandé un changement de langue de la procédure judiciaire vers le néerlandais”, explique-t-il. Malgré deux plaintes devant le tribunal de grande instance, la Région flamande a introduit l’affaire en cassation. Verdict dans trois mois.
Un intérêt d’ordre général
“Ce procès sera encore plus coûteux pour l’État et les régions dans le cas où ils n’en respecteraient pas l’issue : il leur faudrait alors verser une somme non négligeable sous forme d’amendes civiles aux codemandeurs”, argue l’avocat Denis Philippe, sûr de gagner.
Et le spécialiste “de la responsabilité civile à un niveau international”, comme il se décrit lui-même, de rappeler la responsabilité de la Belgique pour un “intérêt d’ordre général, qui compte parmi les intérêts les plus primordiaux de notre société”. Ravi de défendre une “action collective majeure pour une cause”, Denis Philippe s’est associé à Roger Cox, l’avocat néerlandais qui a remporté un procès comparable contre le gouvernement néerlandais en juin 2015, obligeant son État à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Lui, comme les plus de 16 800 citoyens codemandeurs veulent y croire : en Belgique, ils sont en train de poser les jalons d’une justice climatique. La leur.