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Bertrand Piccard : “Nous n’avons pas besoin d’attendre le futur pour changer l’énergie”

Lors d’une conférence intitulée “Le futur de l’énergie”, Bertrand Piccard a su capter l’attention des participants à l’événement “2050, we are_ DEMAIN” en mêlant expérience personnelle et réflexion globale sur la transition énergétique. Connue pour ses projets audacieux, notamment Solar Impulse et Climate Impulse, l’explorateur prône une approche pragmatique. Pour lui, il est temps de moderniser nos systèmes énergétiques, pas simplement de les décarboner. “La question n’est plus de savoir comment nous allons remplacer les énergies fossiles, mais comment nous allons rendre notre monde plus efficient.”

Et l’explorateur de faire un parallèle, criant de vérité, pour expliquer la situation actuelle : “La situation énergétique dans le monde aujourd’hui, on peut l’illustrer par un être humain dans une baignoire. Il y a un trou dans la baignoire, donc une fuite par où l’eau s’écoule. Et que fait l’abruti qui est dans sa baignoire ? Il ouvre le robinet tout grand pour compenser. Voilà où on en est.” Plutôt que d’essayer de répondre à une demande croissante en énergie, une véritable course en avant, Bertrand Piccard appelle à une meilleure efficience.

L’efficience, clé de la transition

L’une des idées centrales de l’intervention de Bertrand Piccard est la notion d’efficience. Il rappelle notamment que 75 % de l’énergie produite dans le monde est gaspillée à cause de systèmes archaïques et mal conçus. “Nous vivons dans un monde du passé”, explique-t-il, en dénonçant la surproduction énergétique face au peu d’attention portée à la réduction des consommations. En décrivant l’exemple d’un moteur industriel qui tourne toujours à pleine puissance, même quand on n’a pas besoin de toute cette énergie, il souligne l’importance de repenser les infrastructures existantes pour mieux utiliser les ressources.

Plutôt que de parler de sobriété, terme qu’il juge souvent mal compris, Bertrand Piccard préfère évoquer l’efficience : “C’est faire plus avec moins, sans sacrifier la qualité de vie”, résume-t-il. Ce paradigme est illustré par ses projets, tels que Solar Impulse, un avion qui a réussi à faire le tour du monde uniquement grâce à l’énergie solaire, prouvant que l’efficience peut fonctionner même dans des conditions extrêmes. Prochainement, dans le cadre du projet Climate Impulse, il ambitionne de faire un tour du monde sans escale avec comme carburant de l’hydrogène vert.

“L’efficicence, C’est faire plus avec moins, sans sacrifier la qualité de vie.”

Des solutions déjà disponibles selon Bertrand Piccard

Bertrand Piccard ne cesse de le répéter : les solutions technologiques existent déjà pour mener à bien la transition énergétique. Il regrette que de nombreuses opportunités ne soient pas saisies, faute d’un cadre réglementaire et financier adapté. “On continue à gaspiller, car c’est plus facile que de changer les habitudes”, déplore-t-il.

Pourtant, les exemples de technologies efficaces et rentables sont nombreux, qu’il s’agisse de pompes à chaleur ou d’éclairage public efficient, qui permettent de réduire les consommations de 30 à 80 %. Pour lui, l’inaction ne tient pas à une absence de solutions, mais à une difficulté à les mettre en place.

L’usage plutôt que la propriété : vive la servicisation

Il appelle à une révision des modèles économiques, citant notamment la servicisation, où les entreprises vendent l’usage plutôt que la propriété des équipements, comme un levier pour encourager l’efficience sans coût initial prohibitif. “En Inde, le gouvernement a décidé d’acheter 50 000 bus électriques. Il loue ces bus électriques à des villages qui ne pourraient jamais se les offrir. Ils ne payent que les kilomètres. Et ces kilomètres sont 25 % moins chers qu’avec un bus diesel.

La servicisation est aussi une réponse à l’obsolescence programmée. “Imaginez une entreprise qui installe une pompe à chaleur en location chez quelqu’un. Si la personne qui l’utilise lui paye les calories chaque année pendant 20 ans, l’entreprise a intérêt à ce que la pompe dure 20 ans ou plus. A contrario, si vous vendez une pompe en sachant que si elle tombe en panne dans 5 ans, vous allez en vendre une autre, vous avez intérêt à ce que votre pompe ait une obsolescence. C’est pour ça que les nouveaux modèles économiques doivent être des modèles qualitatifs et pas quantitatifs.”

Les nouveaux modèles économiques doivent être des modèles qualitatifs et pas quantitatifs.”

Un changement de narratif

Bertrand Piccard plaide également pour un changement de discours autour de la transition énergétique. Il critique la tendance à présenter cette transition comme une obligation coûteuse ou un sacrifice. Au contraire, il insiste sur le fait que moderniser l’économie en adoptant les énergies renouvelables est non seulement bénéfique pour l’environnement, mais aussi pour la création d’emplois et le développement économique. “Ce n’est pas une charge, c’est une opportunité, et elle est rentable aujourd’hui. Nous n’avons pas besoin d’attendre le futur pour changer l’énergie”, affirme-t-il.

Dans sa vision, il n’est pas question de faire appel à l’émotion, mais bien à la raison économique. Pour convaincre industriels et décideurs, il faut montrer que l’efficience génère des bénéfices immédiats et des avantages pour tous, aussi bien pour les écologistes que les acteurs du monde économique ou encore les politiques publiques.

Construire l’avenir dès aujourd’hui

En matière d’énergie, le futur, c’est maintenant pour Bertrand Piccard. “Nous n’avons pas besoin d’attendre 2050 pour agir. Les solutions sont là, devant nous.” L’aviation à hydrogène, les réseaux intelligents (smart grids) ou encore le stockage de l’énergie ne sont plus des rêves lointains. Le véritable défi réside dans l’adoption massive de ces technologies.

C’est pourquoi l’explorateur nous exhorte à abandonner l’idée d’une opposition entre économie et écologie. Mais plutôt à envisager la modernisation comme la clé d’un avenir énergétique durable. “Le plus grand marché du siècle, c’est celui de l’efficience”, conclut-il. Un appel à repenser notre rapport à l’énergie, et surtout, à agir dès maintenant.

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