Partager la publication "Canicules : 4 solutions pour rafraîchir Paris"
En 2017, une étude publiée dans la revue britannique Nature Climate Change annonçait une hausse moyenne de 8 °C dans les grandes métropoles d’ici à la fin de ce siècle. Contraintes de trouver des solutions pour permettre à leurs habitants d’y vivre, les communes interrogent les usages, testent de nouvelles approches et innovent. Paris est depuis quelques années un laboratoire d’expérimentations remarquable.
L’air de cette mégapole particulièrement minérale devient irrespirable l’été. « La minéralité d’une ville se mesure à la présence de matériaux comme le béton, l’asphalte ou le bitume. Ils stockent la chaleur le jour et la rejettent la nuit. Et à l’absence de végétation », explique Julien Bigorgne, ingénieur environnement à l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Ces matières qui composent sols et murs sont étanches. Elles ne permettent pas à la végétation de s’épanouir. Or, celle-ci est essentielle au rafraîchissement de l’air.
« À Paris, il n’y a plus de sols naturels, et donc de vie, sous les trottoirs et les chaussées. Les aérer, y réinjecter de la biodiversité, permet de réinstaller le cycle de l’eau, garant du maintien de la fraîcheur », précise-t-il.
Alors que la Capitale connaît ces dernières années des épisodes de canicules intenses, la situation ne devrait pas s’améliorer. Météo France et l’Agence parisienne du climat y prévoient dix à soixante jours de fortes chaleurs supplémentaires d’ici à 2100. Adapter ce territoire citadin hétérogène aux bouleversements climatiques représente un dé majeur.
Petit tour des solutions de demain pour rafraîchir la ville.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n°34, paru en mai 2021. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
Au numéro 51 de la rue de la Commune, à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, surgit une large allée peuplée d’érables, d’ormes et de chênes. Bienvenue à la Lisière d’une Tierce Forêt ! En lieu et place de celle-ci existait un vieux parking délabré en enrobé noir, encastré entre des barres d’immeubles, à la végétalisation minimale. Véritable îlot de chaleur urbain, l’air y était étouffant. Porté par l’association Alteralia, gestionnaire du foyer de jeunes travailleurs d’Aubervilliers et propriétaire du parking, le projet a remporté le prix Urban Lab en 2017. Pour Patricia Robert, directrice d’Alteralia, l’objectif était clair : « Améliorer le confort des usagers et créer un lieu de sociabilité pour les 300 jeunes que nous hébergeons.» Avec l’aide de nombreux partenaires, Lisière d’une Tierce Forêt a pu être inaugurée en septembre 2020.
« Le nom du projet évoque un endroit où ville et forêt coexistent, à la différence d’une forêt primaire ou secondaire », explique Andrej Bernik, architecte au cabinet Fieldwork, metteur en œuvre du projet à Aubervilliers. Soixante-dix arbres plantés en pleine terre forment cette canopée, dont le sol a été amendé avec du compost local. Mille mètres carrés de terrain rafraîchissent ainsi l’air grâce à l’ombrage et à l’évapotranspiration des feuilles d’arbres.
Au sol, un béton drainant alimente la réserve d’eau naturelle creusée en sous-sol et retenue par une couche d’argile. De couleur claire, ce revêtement réfléchit les rayons du soleil et évite d’emmagasiner la chaleur. L’objectif ? Instaurer un cycle de l’eau vertueux en limitant l’arrosage des arbres. Reste à déterminer la durée de vie d’un tel revêtement régulièrement piétiné, sujet à l’érosion et au colmatage. Avec le temps, il pourrait se déliter et voir sa porosité diminuée par l’infiltration de saletés.
Peut-on imiter un écosystème forestier en ville, tout en répondant à des impératifs d’usage? Le bilan semble pour l’instant positif. Consultés dans les premières phases du projet, les habitants ont rapidement adopté les tables et chaises en bois, transats et tables de ping-pong modulables disposés çà et là.
« L’espace est investi aux beaux jours par les jeunes du foyer du matin au soir, et par les salariés de l’association le midi », se réjouit donc Patricia Robert. Un partenariat avec Météo France a permis de mesurer une baisse des températures ressenties de 2 à 6 oC sur site, avant et après réalisation du projet.
Plus au sud, dans le 15e arrondissement de Paris, la cour de l’école maternelle Emeriau a été réaménagée, l’été passé, en cour Oasis. Au menu, retrait du bitume, rivière pédagogique, semis de pelouse et copeaux de bois au sol, plantation d’arbres, matériaux clairs et naturels, récupération d’eau de pluie. Le chantier s’inscrit dans une politique municipale, menée depuis 2018, pour transformer des cours des écoles maternelles, primaires et des collèges en îlots de fraîcheur. Et, à terme, les rendre aussi accessibles au public certains jours.
En concertation avec les équipes éducatives, la ville envisage aussi une personnalisation des solutions. Paris compte plus de 850 établissements scolaires, un levier de rafraîchissement à l’échelle locale pour la municipalité et un projet surveillé de près.
« Ces écoles représentent 600 000 m2 de sols et nous y espérons un rafraîchissement de 3 à 4 oC », détaille Dan Lert, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la transition écologique, du plan climat, de l’eau et de l’énergie. Pour l’instant, les relevés de températures confiés à Météo France et à plusieurs laboratoires de recherche se poursuivent. À ce jour, 45 écoles ont déjà été rénovées, et l’élu espère que la moitié des établissements auront été réaménagés d’ici à 2026. Toutefois l’ouverture des écoles au public hors temps scolaire reste un enjeu majeur.
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S’il est possible de transformer les cours d’écoles en îlots de fraîcheur. Qu’en est-il des rues ? Sous le bitume parisien coulent de nombreuses gaines techniques. Électricité, gaz et eaux usées transitent sous nos pieds et nos roues. « Dès lors, il semble difficile d’engager des travaux de voirie profonds», explique Nicolas Londinksy, adjoint du chef de service de l’eau et de l’assainissement à la Mairie de Paris. Et pourtant, l’ingénieur des travaux publics dévoile une expérimentation en cours: Cool & Low Noise Asphalt. Sous l’égide d’un projet européen, la Ville-de-Paris teste trois revêtements innovants. Ils se situent rues Frémicourt et Lecourbe (Paris 15e) et rue de Courcelles (Paris 17e).
Le bitume a été remplacé par des enrobés légèrement poreux. Installés sur des tronçons de 200 m, ces matériaux stockent de petites quantités d’eau en surface. Le but : diminuer la chaleur émise par l’asphalte en rafraîchissant la chaussée par la présence d’eau à sa surface. Pour l’instant, ces rues sont arrosées par les laveuses du service propreté.
L’eau utilisée, issue de l’Ourcq et de la Seine, est celle du réseau d’eau non potable de la ville. Elle est employée pour nettoyer le macadam, et drainer les caniveaux. Diminuant ainsi la pression sur la ressource en eau potable – ce qui est plutôt vertueux du point de vue écologique. Si les mesures des stations météorologiques en place valident l’efficacité de l’expérience, un système d’arrosage sera intégré aux chaussées. La performance attendue est une baisse de la température de 2 à 3 °C.
« Le plus vertueux reste la végétalisation en pleine terre », affirme Nicolas Londinsky. Mais à défaut de pouvoir ôter le bitume, l’équipe se « rabat sur les côtés ». De nombreuses pistes cyclables, plus perméables encore, ont vu le jour. Ce qui permet une meilleure présence de l’eau. Lors des travaux du tronçon nord-ouest du tramway, les concepteurs ont aussi intégré des tranchées drainantes de part et d’autre des rails. « L’eau de la chaussée et des trottoirs y est récupérée, autorisant le développement de noues [petits fossés] végétalisées », ajoute l’adjoint.
Au sud-est de Paris frémit un projet de grande ampleur: l’émergence de la Bièvre. Pensée dès les années 2000, l’idée propulsée par l’association les Amis de la vallée de la Bièvre avait été abandonnée en raison de son coût. Recouverte au début du XXe siècle, cet affluent de la Seine serpente sur cinq kilomètres sous les 5e et 13e arrondissements. La Mairie de Paris a relancé des études sur la faisabilité technique et financière de son rétablissement en surface. De nouveaux résultats sont attendus cet été.
Une rivière s’écoule naturellement selon une pente, on parle d’écoulement gravitaire, et peut parfois présenter de hauts-fonds. Les scénarios non gravitaires, ceux où il faudrait relever l’eau par pompage, ont été écartés. La Bièvre n’affleurerait que là où son cours existant le permet. Les préconisations évoquent une émergence à ciel ouvert sur 150 à 200 m dans le parc Kellermann (Paris 13e). Le square René-Le Gall (Paris 13e). Et éventuellement dans les annexes du Muséum d’histoire naturelle (Paris 5e).
Si l’idée est enchanteresse, d’aucuns pourraient questionner son efficacité. Avec un coût de travaux estimé à 100 millions d’euros, et déjà 900 000 euros d’études de faisabilité engagés au budget assainissement de 2021, le projet Renaissance de la Bièvre devra démontrer la réalité de son impact climatique. Circulation de l’air à l’échelle du quartier, surcroît de végétalisation, baignade… La baisse numérique de température n’est pas le seul indicateur de l’amélioration du vivre en ville en été, et c’est bien là toute la complexité.
Article de Maud Martin & Lilas Pépy
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