Partager la publication "Ce qu’il se passe quand vous faites un retour produit Amazon"
Si le commerce électronique peut faciliter les achats, il possède également un côté obscur. Une face cachée que la plupart des consommateurs ne voient jamais. Supposons que vous profitiez d’une promotion pour commander une brosse à dents électrique et deux chemises sur Amazon. Vous déballez votre commande et découvrez que la brosse à dents électrique ne se recharge pas. Et qu’une seule des deux chemises vous convient. Vous décidez donc de renvoyer la chemise à la mauvaise taille et la brosse à dents électrique.
Les retours de ce type peuvent sembler simples, et ils sont souvent gratuits pour le consommateur. Mais leur gestion peut s’avérer si coûteuse pour les détaillants que de nombreux articles retournés sont tout simplement jetés. En 2022, les retours ont représenté 743 milliards d’euros de ventes perdues aux revendeurs, rien qu’aux États-Unis. C’est presque autant que l’argent public alloué aux écoles et collèges publics. Et c’est quasi deux fois le coût des retours en 2020.
Le processus de retour, avec le transport et l’emballage, a généré en 2022 environ 24 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone réchauffant plus encore l’atmosphère.
Ces coûts comme ces émissions créent un problème de durabilité pour les détaillants et la planète.
En tant que chercheuse en gestion de la chaîne d’approvisionnement, je suis de près l’évolution de la logistique du commerce de détail. Voici ce que l’on trouve lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore des retours de produits.
Vous avez donc remballé la chemise et la brosse à dents électrique dont vous ne voulez plus et vous les renvoyez gratuitement grâce aux accords passés entre Amazon et les transporteurs (UPS aux États-Unis). Et maintenant ?
Vos articles sont acheminés vers les entrepôts d’Amazon dédiés au traitement des retours. Cette seule étape du processus coûte de l’argent au détaillant – 66 % du coût d’un article de 50 dollars selon une estimation. Elle émet aussi du dioxyde de carbone car les camions et les avions transportent les articles sur des centaines de kilomètres. Le plastique, le papier ou le carton de l’emballage de retour deviennent également des déchets.
Le traitement d’un retour prend deux à trois fois plus de temps que l’expédition initiale de l’article. Pourquoi ? Parce que celui-ci doit alors être déballé, inspecté, réemballé et réacheminé. Ces opérations augmentent encore plus le coût pour Amazon, en particulier dans un marché du travail tendu. Les employés doivent ouvrir manuellement les colis, les étudier et, en fonction de la raison du retour, décider de la suite des opérations.
Si un magasinier décide que la chemise trop grande pour vous peut être revendue, elle sera alors remballée et renvoyée dans un autre entrepôt. Lorsqu’un autre consommateur commandera la chemise, celle-ci sera prête à être emballée et expédiée.
Si l’article est défectueux, comme la brosse à dents électrique de notre exemple, le magasinier peut la retourner au fabricant pour qu’il la répare et le remette à neuf. L’article est alors remballé et chargé dans un camion, voire un avion, pour être renvoyé au fabricant. Cela entraîne donc davantage d’émissions de dioxyde de carbone.
Si la brosse à dents électrique peut être réparée, le produit remis à neuf est prêt à être vendu à nouveau sur le marché de la consommation, souvent à un prix inférieur.
La remise à neuf des produits retournés permet de mettre en place une chaîne d’approvisionnement en boucle fermée. Une chaîne dans laquelle les produits sont réutilisés au lieu d’être éliminés comme des déchets, ce qui rend le processus plus durable que l’achat d’un nouvel article.
Il arrive cependant que les réparations coûtent plus cher que le prix de revente du produit. Lorsqu’il est plus coûteux de réapprovisionner ou de remettre à neuf un produit, il peut être plus économique pour le détaillant de jeter l’article.
Si l’entreprise ne peut pas revendre la chemise ou remettre à neuf la brosse à dents électrique de manière rentable, les perspectives s’amenuisent pour ces articles. Certains sont vendus en vrac à des magasins discount. Souvent, les produits renvoyés finissent tout simplement dans des décharges, parfois à l’étranger.
En 2019, plus de deux milliards de kilos de déchets provenant des retours ont ainsi atterri dans des décharges, selon une estimation de la plate-forme technologique de retour Optoro. En 2022, ces déchets estimés auraient presque doublé pour atteindre environ 4 milliards de kilos.
Il y a quelques années, les clients qui souhaitaient renvoyer des articles par la poste devaient souvent le faire à leurs propres frais. Cette situation a changé quand Amazon a commencé à offrir des retours gratuits et à mettre à disposition des points de dépôt faciles à utiliser. D’autres détaillants ont alors emboîté le pas pour faire face à la concurrence. Ils ont considéré que ces retours gratuits étaient un moyen de fidéliser les clients. Faire incomber au client la tâche de retourner lui-même un colis en se rendant dans un magasin physique permet certes de réduire les coûts de transport et d’entreposage, mais cette option n’est pas toujours considérée comme pratique pour le consommateur. De ce fait, seul un quart environ des achats en ligne sont retournés en personne au magasin.
Mais ce temps est peut-être en passe d’être résolu. En effet, le pourcentage de détaillants facturant l’expédition des retours est passé de 33 % à 41 % en 2022.
Les détaillants essaient plusieurs autres techniques pour réduire le taux de retour, les déchets et les pertes. Car tout cela revient finalement aux consommateurs sous la forme de prix plus élevés.
Certains détaillants ont raccourci la fenêtre de retour, limité les retours fréquents ou cessé d’offrir des retours gratuits. D’autres stratégies incluent des cabines d’essayage virtuelles et des guides d’essayage plus clairs. Cela peut contribuer à réduire les retours de vêtements. Tout comme des photos et des vidéos de haute qualité qui reflètent fidèlement la taille et la couleur. Si les consommateurs utilisent ces outils et font attention à la taille, ils peuvent contribuer à réduire l’empreinte climatique croissante du commerce de détail.
À propos de l’autrice : Simone Peinkofer. Assistant Professor of Supply Chain Management, Michigan State University.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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