Partager la publication "Ces “magiciens du compost” transforment les bio-déchets de Paris en ressource"
Leur création : une grande cuve en inox qui permet de transformer la matière organique (comme vos restes de repas) en un terreau fertile en seulement 12 jours contre 6 à 18 mois en plein air. Cette technique, baptisée compostage électro-mécanique, a été inventée au Japon mais demeure méconnue en France.
Une fois les bio-déchets collectés par les Alchimistes (avec leur vélo électrique, évidemment !), ceux-ci sont broyés dans la machine grâce à des pales et mélangés à des copeaux de bois et à l’oxygène de l’air.
Ce cocktail transforme des détritus putrescibles en une ressource précieuse :
“Avec des déchets qui puent, on peut faire pousser des fleurs, des tomates, des fraises !” résume Alexandre Guilluy, cofondateur des Alchimistes.
Ramener la nature dans la ville
Ces prestidigitateurs de la terre ont conçu ce qu’ils appellent “un système de circuit court des bio-déchets”. L’initiative est née il y a un an, de l’union des forces d’Alexandre Guilluy, de formation commerciale, et de Kenzo Sato, polytechnicien. Tous deux âgés de 39 ans, les entrepreneurs se sont accordé sur un credo : “Mimer la nature, mais en l’adaptant à la ville”, résume Alexandre.
Les deux alchimistes ont alors allié bon sens économique et sagesse écologique : 80% des Français sont citadins et génèrent ainsi leurs déchets en ville. “Transporter une matière qui n’a pas de valeur économique, c’est un non-sens”, rappelle Alexandre. Enfin, cette absurdité économique promène avec elle particules fines, CO2 et pollution sonore inutiles.
“Il imite la nature, reproduisant ce qui se passerait dans n’importe quelle forêt du monde, mais en l’accélérant, et en le replaçant au cœur de Paris.”
Un « super concierge de quartier » pour collecter les déchets
“Qui n’a jamais eu d’empathie pour un éboueur ? Quant aux opérateurs sur une chaîne de tri sélectif, 30% ont une tendinite dès leur première semaine”, constate-t-il. Outre l’environnement malodorant, le morcellement des tâches entrave toute compréhension du travail accompli.
“En transformant les détritus en fleurs ou en légumes, la personne qui collecte les déchets au quotidien chez les restaurateurs ou dans les magasins transforme un problème en solution”.
“Et en rencontrant chaque jour les habitants, la personne est intégrée au quartier. Nous tenons beaucoup à ce nouveau métier, qui désindustrialise la filière”, souligne Alexandre avec fierté.
Un composteur sous le métro
“Rendre notre activité visible et visitable est essentiel pour nous, note Alexandre. Depuis quatre mois, 850 personnes sont passées nous voir : des écoliers, des investisseurs, des collectivités locales, des maires… “
« Nous nous sommes collectivement déresponsabilisés »
“On a tendance à se dire que les déchets, ce n’est pas notre affaire. On s’est collectivement déresponsabilisés, déplore Alexandre. En créant des lieux proches des Parisiens, le but est aussi de les sensibiliser”.
Que leur grand animal de ferraille soit au vu et au su de tous, c’est pour Alexandre “la condition pour que les citoyens s’approprient le sujet, et que les mentalités changent”. Une distance géographique et symbolique sépare les citadins et les usines où leurs déchets terminent leur voyage.
“Maintenant qu’on a un peu cracké le système, se réjouit Alexandre, d’autres voies s’offrent à nous. Nous rencontrons des porteurs de projets dans de nombreuses villes françaises, et nous sommes sollicités par les hypermarchés, qui produisent une tonne de bio-déchets par jour.”
À la fois nostalgique et lucide, Alexandre rappelle qu’en 1900, l’autonomie alimentaire régnait à Paris, grâce au retour à la terre systématique des matières organiques. Alexandre et consors ressuscitent cet idéal, mais en isolant la matière pour éviter que les maladies prolifèrent. “C’est de l’autonomie alimentaire de Paris dont je rêve ! Mais sans le choléra, si possible.”
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