Respirer  > Ces musiciens qui se mobilisent face à l’urgence écologique

Written by 11 h 43 min Respirer • One Comment

Ces musiciens qui se mobilisent face à l’urgence écologique

Coldplay, Massive Attack, Shaka Ponk ou Roméo Elvis… Des artistes se mobilisent pour réduire l’impact de leurs tournées sur l’environnement, et n’hésitent plus à user de leur image pour sensibiliser le public.

Le 12/12/2019 par Amaury Lelu
à€ Barcelone, les prix des loyers n’ont cessé d’augmenter depuis cinq ans, alors que plus de 13 000 logements sont vides, selon la mairie. (Crédit : Shutterstock)
à€ Barcelone, les prix des loyers n’ont cessé d’augmenter depuis cinq ans, alors que plus de 13 000 logements sont vides, selon la mairie. (Crédit : Shutterstock)

Le 21 novembre dernier, le groupe de Pop Coldplay faisait sensation : les musiciens britanniques annonçaient l’annulation de leur prochaine tournée, repoussée d’un ou deux ans, afin de la rendre plus éco-responsable et de réduire leur bilan carbone. Au même moment, le leader de Massive Attack commissionne des chercheurs du Tyndall Centre, afin d’apporter des solutions écologiques à l’industrie musicale.

“Les chercheurs vont cartographier l’empreinte carbone complète des cycles de tournées typiques et examiner en particulier les trois principaux domaines où les émissions de CO2 sont générées dans notre secteur : les déplacements, le transport du public et les lieux de concert”, précise Robert del Naja, porte-parole du groupe, dans une tribune publiée dans le Guardian. 

Et ces musiciens ne sont pas les seuls à se préoccuper de leur empreinte écologique. Un peu partout, des artistes commencent à se mobiliser, et associent même leur image à cette cause consensuelle, comme d’autres l’ont fait par le passé pour les Restos du coeur ou le Sidaction.

Tournées en avion et sols jonchés de déchets

Il faut dire que, rien qu’au Royaume-Uni, les concerts génèrent chaque année 405 000 tonnes de CO2, selon la BBC. 34 % de ces émissions de carbone sont produites pendant les événements, 33 % proviennent des déplacements des spectateurs pour s’y rendre, et 9 % sont causées par les voyages des groupes de musique. En plus de ces émissions, festivals et concerts sont le théâtre d’autres nuisances environnementales : sols jonchés de détritus, bouteilles en plastique vendues par milliers, voitures entassées sur un parking…

Mais les temps changent, y compris dans le milieu de la fête. Cette semaine, 1 500 Dj’s de musiques électroniques ont rejoint le mouvement Bye Bye Plastic, qui émerge sur Twitter avec le #PlasticFreeParty. Ils s’engagent à ne plus avoir de plastique à usage unique dans les loges, et le préciseront sur leur rider (liste des demandes d’un artiste pour les organisateurs, ndlr) .

En France, un collectif engagé

En France aussi, la prise de conscience à bien lieu. Aux dernières Victoires de la musique, le chanteur des Shaka Ponk livrait un discours écologiste remarqué à des milliers de téléspectateurs. Le groupe a d’ailleurs créé le collectif The Freaks qui réunit 68 artistes et personnalités, dont Zazie, Soprano ou Jean-Louis Aubert. La semaine passée, ils signaient aussi une tribune dans Le Monde pour expliquer leur démarche. Tous se sont engagés à adopter de nouveaux comportements pour lutter contre la crise climatique, et invitent le public à faire de même. Leur site permet notamment de réaliser un quizz pour évaluer son empreinte carbone. 

Rappeur engagé dans la promotion de la gourde dans les établissements scolaires et publics, Roméo Elvis est un autre artiste francophone engagé. À l’échelle européenne, l’organisation The Green Room à lancé une cagnotte pour la réalisation de son projet : créer un “toolkit” a destination des musiciens et techniciens pour développer des tournées bas-carbone. 
 

Une mini-tournée écolo en voilier

Au Canada, un guide regroupe justement plusieurs pratiques éco-responsables que les artistes peuvent adopter : refuser les bouteilles d’eau dans les loges et sur scène, transporter un gobelet réutilisable, apporter son shampoing… Cette initiative est le fruit de l’association Artistes Citoyens en Tournée (ACT), fondée en 2017 par Laurence Lafond-Beaulne, chanteuse du groupe québécois Milk & Bone. Malbouffe, produits jetables… les pratiques des tournées heurtaient ses convictions écolos.
 
“ACT n’est pas été crée pour être moralisateur ou culpabilisant, c’est plutôt un outil qui proposent aux artistes interessés plein de gestes possibles. On les invite à discuter avec leur équipe, pour choisir ceux qui leur parlent le plus”, développe Aurore Courtieux-Boinot, co-fondatrice d’ACT.
 
L’association a aussi mis au point un calculateur d’émissions de gaz à effet de serre, afin que les artistes adaptent leurs comportements. En fonction des résultats fournis, ils peuvent par exemple choisir de compenser leurs émissions de GES par la plantation d’arbres ou adopter des menus véganes et plus variés.
 

 
“On encourage aussi les artistes à communiquer sur ce qu’ils font car ça finit par percoler dans le reste dans la société. Quand un artiste demande à être accueilli de façon plus écolo par une production, cela peut faire changer la manière dont un festival accueille le public”, poursuit Aurore Courtieux-Boinot.
 
Parmi les artistes engagés dans l’association ACT, Qualité Motel s’est distingué par une action éco-responsable inédite au Québec. Cet été, les membres du groupe de musiques électroniques ont réalisé la première mini-tournée écolo sur le fleuve Saint-Laurent. Ils ont notamment organisé moins de concerts, se sont associés à des producteurs de bières locales et se sont déplacés… en voilier ! Qualité Motel espère ainsi ouvrir la voix à d’autres artistes, et recommencera son initiative l’année prochaine.
 
“Lorsque Coldplay annule sa tournée, on trouve ça louable. Mais le plus important est de repenser la manière de faire des spectacles, conclut Aurore Courtieux-Boinot. Pour l’immense majorité des artistes, il est impensable qu’ils annulent leurs concerts car c’est leur principale source de revenus.”

A lire aussi :