Partager la publication "Comment la Corse a réduit par six les feux de forêts depuis les années 80"
Pour la philosophe Joëlle Zask, chercher à préserver la nature ne suffit plus : il faut réapprendre à l’entretenir… sans quoi la planète pourrait basculer dans le Pyrocène, une ère d’incendies permanents.
La coopération avec la nature porte ses fruits, comme en témoigne l’exemple de la Corse. Les feux de forêt y ont été réduits par six entre les années 1980 et 2010 : leur bilan est passé de 118 000 à 20 000 hectares brûlés. Le résultat d’un travail de prévention et de gestion des risques mené par la collectivité territoriale, en collaboration avec des habitants de l’île et des chercheurs de l’Université de Corse.
Des citoyens au service des pompiers
En 2004, alors qu’on dénombre une trentaine de CCFF, la majorité de ces derniers est remplacée par des Réserves communales de sécurité civile (RCSC). Elles remplissent les mêmes missions, tout en travaillant aussi sur d’autres risques comme les inondations.
12 de ces réserves sont aujourd’hui réparties sur l’Île de Beauté, offrant un statut particulier à leurs membres : “les réservistes disposent d’une couverture de risques. Ils ont notamment le droit à une protection en cas d’accidents et une couverture juridique renforcée. Ce qui n’est pas le cas des bénévoles des CCCF”, ajoute Jean-Pierre Mazzi, coordinateur des RCSC 2B.
Si les CCFF ont donc pratiquement tous disparu de l’île (3 sont encore en activité en Corse, Ndlr), ils se sont largement répandus en région PACA. 19 CCFF y étaient dénombrés en 2019.
Utiliser le feu pour lutter… contre le feu
Pour définir les emplacements de ces pare-feux, les forestiers-sapeurs prennent notamment en compte les vents dominants et l’historique des incendies. Ils utilisent ensuite des engins (bulldozer, gyrobroyeurs) pour débroussailler le maquis, qui est un combustible dangereux.
Des zones restent toutefois inaccessibles pour les véhicules, comme en montagne. C’est alors que les forestiers-sapeurs emploient la technique du “brûlage dirigé”. Comprenez la destruction par le feu des herbes, broussailles, branchages…
À noter qu’en cas de feux de forêt, les forces au sol sont aujourd’hui appuyées par des moyens aériens plus conséquents que dans les années 1980 : hélicoptère bombardier d’eau, hélicoptère de secours, avions Canadair, avions Tracker…
L’informatique, un autre pare-feu
En fonction de sa spécialité, chaque chercheur met au point un outil. Le logiciel Forefire, accessible en ligne, permet par exemple de comprendre l’impact de l’atmosphère sur la propagation des feux. Il a été créé par Jean-Baptiste Filippi, chargé de recherche en simulation informatique à l’Université de Corse.
“Un autre outil est actuellement en cours de développement pour dimensionner les zones d’appui à la lutte. Aujourd’hui, leur largeur est déterminée par des experts et nous voulons les aider avec des recommandations”, précise Lucile Rossi, chercheuse membre du projet “Feux”.
Le 1er janvier 2020, le projet GOLIAT (Groupement d’Outils d’Aide à la Lutte Incendie et Aménagement du Territoire) a été lancé pour financer les technologies de l’Université de Corse, afin que les sapeurs-forestiers puissent les utiliser. Et le temps presse…
“Il y a deux ans, on a eu des feux qui ont détruit des maisons. Ils sont moins nombreux qu’auparavant mais restent tout aussi dangereux, conclut Lucile Rossi. On a aussi affaire à des feux au mois de janvier, et je n’ai pas le souvenir que cela soit déjà arrivé. C’est sans doute du au réchauffement climatique et à des conditions de déshydratation. Nous sommes désormais dans une situation où il faut maitriser les feux tout au long de l’année.”