Comment parler du réchauffement aux enfants (sans les traumatiser)

Montée des océans, extinction des espèces, incendies… Le réchauffement climatique et ses conséquences peuvent être anxiogènes pour les adultes mais aussi pour les enfants – on parle même d’écoanxiété. Et si Greta Thunberg tombée en dépression après avoir vu un documentaire sur le sort des ours polaires est un cas extrême, il incarne bien la préoccupation d’une génération pour un phénomène désormais traité sur tous les écrans, les réseaux, et qui s’invite même dans les cours de récré. Comment en parler aux enfants et les sensibiliser au développement durable, sans trop les angoisser ? Réponses de spécialistes. 
 
1. Préserver les plus petits
Pour des parents, il peut être tentant d’aborder tous les sujets avec les enfants…  mais attention à ne pas leur transmettre vos peurs ! “Il faut les laisser vivre un peu leur enfance si possible jusqu’au collège, car les plus petits prennent tout au premier degré et ont tendance à tout amplifier : s’ils entendent parler de “fin du monde”, ils n’ont pas la distance nécessaire pour comprendre qu’il s’agit d’une expression !”, souligne Florence Millot, pédopyschiatre et auteur de Comment parler à ses enfants – Les conseils d’une psy pour aborder les sujets délicats (Ed. Albin Michel, 2019).

Elle poursuit : “Parler de chômage, de famine ou de réchauffement, leur donne une image du monde très négative, une image d’un futur incertain dans lequel il n’est pas souhaitable de grandir, mais aussi un sentiment d’impuissance puisqu’ils ne peuvent y répondre.”  Si un enfant utilise beaucoup de feuilles pour dessiner donc, inutile de lui dire “qu’il menace la planète”. Il ne comprendra pas. Mieux vaut lui expliquer qu’elles peuvent être utilisées recto-verso car elles sont précieuses. Jusqu’à 6 ans notamment, c’est l’âge des super-héros, les enfants se pensent forts. Ne brisez pas cette image. “Sinon, on se retrouve en consultation avec des enfants angoissés et très vite désabusés !”
 
2. Sensibiliser aux merveilles de la nature
Sans culpabiliser et pointer les problèmes, on peut toutefois montrer très tôt aux enfants les merveilles de la nature, leur en parler de façon positive et leur expliquer les services qu’elle nous rend. “Jusqu’à 3-4 ans, les enfants ont une ‘pulsion épistémophilique’, c’est l’âge des ‘pourquoi’, ils veulent tout comprendre, et jusqu’à 7 ans ils restent très curieux, avec un intérêt marqué pour le vivant et notamment pour les animaux. Il est donc tout à fait possible de leur parler des étoiles, du rôle des nuages, des insectes, des océans, et de la nécessité de protéger cette nature, de lui rendre ce qu’elle nous donne”, ajoute Florence Millot.

Rappelons que la sensibilisation, comme avec les adultes, passe souvent par le plaisir : “Des études ont d’ailleurs prouvé qu’il valait mieux montrer de beaux paysages pour récolter de l’argent afin de les préserver que des images de ces même paysages dévastés… “
 
3. Avec les ados, rationaliser 
Avec les ados et pré-ados, en revanche, il est intéressant d’aborder les problèmes, dont ils entendent ou entendront forcément parler dans la cour de récré, à la télé ou sur YouTube, parfois sans filtre, ce qui peut créer des angoisses. Des enfants sinistrés chez eux du fait des inondations, et qui entendent des mots chocs comme “alerte rouge” peuvent penser qu’ils vont vivre cette situation toute leur vie…
 
“Pour les aider, il faut leur expliquer l’origine des problèmes, en soulignant les liens de cause à effet. Cela permet de les circonscrire. Si l’on précise par exemple que la consommation de boeuf a plus d’impact que celle de poulet, l’enfant comprend qu’il n’est pas obligé d’arrêter de manger de la viande du jour au lendemain. Cela l’aide à établir des hiérarchies, à structurer sa pensée”, explique David Groison, responsable des titres ados chez Bayard Jeunesse (Okapi, Phosphore, I love english).

4. Passer à l’action
Autre clé essentielle de l’éducation au développement durable : montrer aux enfants qu’il y a des choses sur lesquelles ils peuvent agir, et que des éco-gestes sont possibles à l’échelle individuelle, au sein de leur école, dans leur famille, au niveau des entreprises. “Les enfants ont naturellement envie d’aider, dès le plus jeune âge, ils peuvent par exemple  participer à des colos écolos ou s’engager dans des associations, faire du jardinage. Grâce à ces actions concrètes, ils se sentent moins impuissants”, explique Florence Millot. 
 
“Avec les ados, ce qui est génial c’est aussi qu’ils ont plein de bonnes idées, on peut donc leur demander de faire des propositions”, ajoute David Groison. Et si beaucoup vont naturellement proposer d’interdire drastiquement ce qui pose problème, par exemple le plastique, cela peut être l’occasion d’expliquer que les choses sont parfois plus complexes…

5. Montrer des exemples positifs et inspirants
“Il ne faut pas non plus les laisser penser qu’on va dans le mur, et que les adultes laissent la charge de trouver des solutions aux seuls enfants !”, poursuit David Groison. Pour les rassurer, il est intéressant de leur montrer des exemples d’adultes engagés dans leur entourage ou dans le monde. Les parents en premier lieu peuvent d’ailleurs montrer la voie, à travers des petits gestes du quotidien, dans leurs achats, leurs transports, “cela peut donner de l’optimisme et éviter de tomber dans le catastrophisme !”

Florence Millot encourage enfin à parler d’autres jeunes qui s’engagent, des YouTubers, ou par exemple des jeunes héros du documentaire Bigger Than Us, “des exemples extraordinaires auxquels les enfants s’identifient plus facilement !”

C’est d’ailleurs dans cet esprit que We Demain, Phosphore et Okapi viennent de lancer We Demain 100 % Ado, dont le premier numéro consacré au réchauffement climatique propose dans toutes ses pages des solutions et des exemples pour passer à l’action. 

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