COP21 : pour s’adapter, les pays les plus vulnérables en appellent à la solidarité financière

Construction de digues, sélection de semences, habitations surélevées, systèmes d’alerte météorologiques… Les pays en voie de développement exigent que le futur accord de Paris prenne en compte leurs immenses besoins pour faire face aux impacts du changement climatique.

“L’adaptation (au réchauffement), c’est s’organiser pour éviter tout ce qui peut être évité”, résume Harjeet Singh, d’Action Aid. L’insuffisance de l’engagement sur ce sujet des pays riches a été à l’origine lundi 19 octobre, au premier jour de l’ultime session de négociations avant Paris, d’une bronca de 134 pays émergents et en voie de développement, qui ont refusé de discuter avant d’avoir amendé le projet d’accord.

De nouveaux défis

Absente des discussions au début des négociations internationales sur le réchauffement climatique il y a une vingtaine d’années, “la reconnaissance de l’importance de l’adaptation a grandi”, admet Amjad Abdulla, porte-parole des petits États insulaires. Mais “il y a un grand écart” entre besoins et moyens, affirme Alix Mazounie, du Climate Action Network (900 ONG), pour qui “la crise de lundi aura permis d’attirer l’attention sur ces attentes”.

“Il y a des défis nouveaux à relever, mais les populations n’ont pas l’argent pour y faire face, d’où la bagarre à ce sujet ici”, explique Harjeet Singh. “Nous avons lancé des plans d’adaptation à court terme, mais que seront les impacts à long terme ?”, interroge Giza Gaspar-Martins, négociateur de l’Angola et président du groupe des Pays les moins avancés (48 pays).

Responsabilité des pays développés

En Angola, la moitié de la population vit au bord de l’océan et l’élévation de la température de la mer affecte les stocks de poissons et les pêcheries. “Nous avons besoin d’instruments pour observer et analyser l’évolution du climat localement”, explique Giza Gaspar-Martins. Aux Bahamas, frappé début octobre par l’ouragan Joaquin, les infrastructures doivent désormais tenir compte d’un “niveau de la mer (qui) a crû de 30 cm !”, s’exclame Philip Weech, le négociateur national, rappelant la responsabilité historique des pays développés dans le réchauffement.

Dans les négociations sur le futur accord, l’inscription d’un engagement de principe en faveur de l’adaptation fait à lui seul l’objet d’âpres batailles sémantiques. “Répondre aux besoins d’adaptation est un défi pour la communauté internationale”, juge Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique (54 États).

Des garanties sur des transferts de savoir-faire et de technologies et une augmentation de l’aide financière à partir de 2020, date de l’entrée en vigueur du futur accord, sont aussi au coeur des discussions. En 2009, les pays riches se sont engagés, à Copenhague, à augmenter le financement des projets sur le climat, jusqu’à atteindre 100 milliards de dollars annuels en 2020. Mais ni la part respective des dons et des prêts, ni le montant de l’engagement à partir de 2021 n’avaient été définis.

Solidarité à deux facettes

Un récent rapport de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), commandé pour la COP21, a tenté de clarifier le débat, évaluant l’aide Nord-Sud pour le climat à 62 milliards en 2014. Mais, pour arriver à cette somme, l’OCDE a inclus des prêts, ce qui a eu pour effet de crisper pays du Sud et ONG. Le rapport a montré une autre réalité : seuls 16 % des 62 milliards mobilisés sont allés aux mesures d’adaptation aux impacts du réchauffement.

“La solidarité a deux facettes : la réduction des émissions de gaz à effet de serre” pour limiter le réchauffement, via des investissements dans des énergies non fossiles, et “l’adaptation des plus vulnérables”, rappelle Romain Benicchio, d’Oxfam International ,“Or, l’adaptation capte une faible partie des financements climat”. Fait aggravant : les dons n’ont atteint que deux milliards, le reste étant des prêts ou des crédits à l’exportation, peu accessibles aux États les plus pauvres, souligne Oxfam.

Dans ce contexte, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, futur président de la COP21, a reconnu mardi 20 octobre à Bonn qu’il y avait “de nouveaux efforts à faire”. Après les dernières annonces des institutions bancaires multilatérales (15 milliards supplémentaires par an d’ici à 2020) et de pays (France, Allemagne, Grande-Bretagne), “il sera utile, avant la conférence de Paris, de faire une nouvelle évaluation” de la réalité de cette promesse de 100 milliards, a-t-il estimé.

La rédaction (avec AFP)

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