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De la finance à la ferme : Benedikt Bösel ou la révolution de l’agriculture régénérative

Benedikt Bösel est un agriculteur pas comme les autres. Il est devenu un champion de l’agriculture régénérative. Pourtant, à l’origine, cet Allemand était un banquier d’affaires. La crise financière l’a incité à changer de vie. En 2016, il revient à la ferme de ses parents après avoir passé une maîtrise en économie agricole à l’Université Humboldt. Cette exploitation de 3000 hectares près de Berlin, à Alt Madlitz, dans le Brandebourg, appartient à sa famille depuis 300 ans.

Après deux années consécutives de sécheresse, il a compris que la technologie ne pourrait pas l’aider. Il fallait se transformer et basculer dans l’agriculture régénérative pour faire fructifier l’exploitation. Un défi car la ferme est située sur un sol très sablonneux et pauvre en nutriments avec de faibles précipitations. “Cultiver le sol, c’est cultiver la biodiversité”, assure Benedikt Bösel, venu à Paris dans le cadre de ChangeNOW qui se tient du 25 au 17 mars 2024 au Grand Palais éphémère.

De banquier à spécialiste en agriculture régénérative

Pour transformer sa ferme, il a investi tout ce qu’il avait (y compris l’argent de la vente de sa voiture) et s’est appuyé sur le travail de divers pionniers de l’agriculture régénérative à travers le monde. Comme Auma Obama, Jean-Martin Fortier et Ernst Götsch. Il achète 20 têtes de bétail et crée une petite équipe pour imaginer de nouveaux modèles multifonctionnels d’utilisation des sols sur l’exploitation. Et créer une grande exploitation agroforestière régénérative.

J’ai appris à améliorer la santé des sols et la biodiversité à l’aide de nutriments. Mais aussi comment le compostage et la fermentation peuvent aider les plants et améliorer la santé des sols. J’ai découvert ce qu’est l’agroforesterie, comment les sols peuvent absorber l’eau, la stocker Et j’ai appris comment l’intégration des vaches et une gestion holistique dans la production agricole peut m’aider à préserver les cycles de la nature. C’est ainsi que j’ai pris conscience de l’incroyable potentiel qui existe.”

La ferme de Madlitz teste différentes solutions pour régénérer les sols, la biodiversité et abandonner la monoculture forestière. Crédit : gutundboesel.org.

Un changement de paradigme pour que l’agriculture devienne la solution

“Ce processus m’a montré que la chose la plus importante que je puisse faire en tant qu’agriculteur est de considérer la nature comme la solution, ajoute l’agriculteur. C’est la façon dont je traite le sol qui compte pour que mon exploitation soit durable. Nous travaillons donc sur diverses méthodes d’agriculture multifonctionnelle pour construire des écosystèmes sains et résilients.” Cela passe par de l’agroforesterie syntropique (grande diversité de plantes cultivées à haute densité), du compostage, de la fermentation ou encore une gestion holistique des pâturages.

“L’agriculture est l’outil le plus important dont nous disposons pour surmonter les plus grands problèmes de notre époque. Je parle de la biodiversité, la santé, l’adaptation au climat mais aussi l’éducation et l’égalité”, assure Benedikt Bösel. Mais pour cela, il explique qu’il faut arrêter d’avoir peur et d’angoisser.

“Aujourd’hui, j’emploie 30 personnes sur la ferme. Nous avons 200 vaches – Salers et Angus – qui se promènent librement dans nos champs agricoles. Elles construisent les cycles des nutriments, la santé des sols et la biodiversité. Notre système de compostage et de fermentation vient enrichir les sols et améliorer leur santé. Nous avons construit une pépinière agroforestière qui fournit des arbres de grande valeur. Nous avons planté plus de sept systèmes agroforestiers et entropiques avec des pruniers, des poiriers, des pommiers, des châtaigniers, des noisetiers… Je ne vous dis pas cela pour me vanter. Je vous explique cela pour vous encourager à cesser d’avoir peur et d’envisager l’avenir avec beaucoup de résilience.”

La chose la plus importante que je puisse faire en tant qu’agriculteur est de considérer la nature comme la solution.

Benedikt Bösel.

Nous devons regarder l’avenir avec espoir

Est-ce que le modèle développé par Benedikt Bösel et ses équipes est rentable et extensible ? Pouvons-nous réellement nourrir le monde de cette manière ? “La réponse est oui, nous le pouvons, affirme-t-il. Mais nous devons nous détourner des systèmes agricoles d’exploitation extensive pour nous tourner vers des systèmes régénératifs qui sont pleins de vie. Nous avons le choix. Vous avez le choix. Vous pouvez soit choisir la colère, avoir peur d’échouer, avoir peur de perdre, avoir peur d’être blessé. Ou nous pouvons choisir la vie, l’espoir, l’amour. Je suis incroyablement optimiste.”

Aujourd’hui, la ferme possède un compost, une pépinière, pratique l’agriculture sylvopastorale et sans labour, possède un jardin maraîcher… Rien qu’au cours de l’hiver 2021, l’exploitation a posé un total de 17,5 km de bandes d’arbres et de graines, semé 1,5 million de graines et suspendu plus de 250 nichoirs pour inciter au retour des effraies des clochers (une espèce de chouettes), des huppes, etc. Sans oublier pour autant la technologie : courant 2022, la ferme a construit un jumeau numérique de ses systèmes agroforestiers pour un suivi précis et une projection dans l’avenir. Et continuer à apprendre sur les cycles de la nature, encore et toujours.

Le travail de Benedikt Bösel est présenté dans un documentaire, “La révolte agricole”, disponible sur AppleTV+, sur Disney+ ou encore sur myCanal.

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