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Faut-il donner un prix à la nature ? Les risques de la finance verte

Faut-il donner un prix à la nature pour mieux la protéger ? Alors que cette idée progresse, une étude ranime le débat. “Donner une valeur financière à la nature revient à donner un permis de détruire aux entreprises”, estime le groupe des Verts au Parlement européen, dans un rapport paru ce mercredi 13 octobre, en pleine COP15 biodiversité

Une étude menée à la suite de la “Stratégie biodiversité” présentée par la Commission européenne en mai 2020, visant à stopper la 6e vague d’extinction des espèces. L’un des objectifs de cette Stratégie biodiversité est d’apporter une protection juridique à un minimum de 30 % des terres et 30 % des mers de l’Union.

“La Stratégie biodiversité 2030 prévoit que la Commission européenne sortira en 2021 une proposition de loi introduisant des objectifs de restauration obligatoires”, explique le rapport.

Or, cette restauration obligatoire passe notamment par le fait de donner une valeur à la nature. Et donnerait la possibilité de compenser financièrement sa destruction, plutôt que de l’éviter, selon cette étude rédigée par le chercheur Frédéric Hache.

Le tout selon un système assez similaire à celui de la compensation carbone

Comment donner un prix à la nature ?

La valeur monétaire donnée à la nature est calculée grâce à l’ensemble des “services” rendus à l’être humain, rappellent les écologistes ; comme la pollinisation ou la prévention des inondations. 

Cette notion de service rendu pose toutefois problème selon l’étude. “Les fonctions des écosystèmes et espèces qui ne contribuent pas au bien-être des humains sont implicitement ignorées. Comme les plantes qui ne sont ni comestibles ni considérées comme ‘jolies’. Ou les espèces définies par certains comme ‘nuisibles’“. “De même, les services fournis par les écosystèmes requièrent des bénéficiaires pour être pris en compte. La prévention des inondations fournie par une forêt est ainsi considérée nulle si personne ne vit aux alentours. Et ne peut bénéficier de ce service par exemple.”

(Crédit : Finance verte et biodiversité – Les dérives d’un marché des “droits à détruire la nature”)

À lire aussi : Une nouvelle “Affaire du siècle” pour la biodiversité ?

Compenser, mais comment ?

Autre danger, toujours selon l’étude : “Nous sommes incapables d’attribuer une valeur monétaire significative à la nature ; sous-estimant au mieux le coût représenté par sa destruction.” De plus, nous n’avons pas assez de compréhension et de connaissance scientifique des écosystèmes. Nous ne connaissons donc pas tous les bénéfices fournis par telle espèce ou par tel écosystème. 

De plus, ce système de compensation fonctionne de deux manières. Soit avec une compensation “directe” : un habitat est détruit, il doit être “recréer” localement. Soit via le système d'”Habitat Banking”. Qui consiste à payer un droit de détruire compensé, non pas localement, mais quelque part en Europe. Si, par exemple, un projet d’aéroport en Espagne est prévu dans un lieu où se trouve un habitat de flamants roses, l’entreprise pourra “compenser” cette destruction en finançant un projet pour planter des arbres en Roumanie. L’habitat des flamants roses disparaitra donc. 

Un constat d’échec dans le monde

Ce système de compensation biodiversité existe déjà dans d’autres pays du monde, comme l’Australie, le Canada ou encore les États-Unis. Mais l’étude montre que le bilan est plutôt négatif dans une majorité des cas. 

Par exemple, au Canada, les chercheurs ont estimé que 63 % des projets de compensation de la perte d’habitat des poissons échouaient à atteindre leur cible. En Australie, un rapport du Nature Conservation Council a conclu que “dans 75 % des cas, les compensations donnaient lieu à des résultats ‘pauvres’ ou ‘désastreux’ pour la vie sauvage et les terres non cultivées, avec 25 % seulement de résultats ‘adéquats’. Aucune n’a donné lieu à un résultat ‘bon’ pour la nature”

Durcir la législation plutôt que donner un prix à la nature

Pour les écologistes, l’une des solutions est de mettre en place des législations contraignantes. Visant en priorité à freiner la destruction de la nature plutôt que sa restauration.

“Selon nous, une législation contraignante est plus efficace que les solutions fondées sur le marché. Et devrait être considérée en priorité dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie biodiversité européenne 2030.

Les Verts citent également l’exemple de la “loi littoral” en France, entrée en vigueur en 1986. Elle permet d’encadrer l’aménagement de la côte pour la protéger de l’artificialisation et de l’urbanisation.

“Bien qu’imparfaite, la loi littoral est un exemple d’une politique publique permettant la préservation de la biodiversité sans passer par un mécanisme de marché, tout en garantissant l’accès des zones naturelles au grand public”, précise l’étude.

Ces sujets seront abordés lors de la COP15, qui se tient en ce moment virtuellement, puis en présentiel du 25 avril au 8 mai 2022 à Kunming en Chine ; mais aussi lors de la COP26, qui se tiendra du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow en Écosse. 

À lire aussi : “Il faut arrêter d’opposer biodiversité et climat”

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