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Douze solutions pour économiser l’eau

1. Recharger les nappes phréatiques

Dans un laboratoire d’Orléans, un démonstrateur inédit est en chantier. Mis au point par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, il collectera l’eau présente à la surface du sol… pour la réinjecter dans le sous-sol ! Un principe qui pourrait permettre, demain, de remplir artificiellement les nappes phréatiques (comme celle en photo).

Deux options pour y parvenir. Creuser un puits vers l’amont de la nappe ou également acheminer l’eau sur un sol propice à l’infiltration directe. Une gestion dite “proactive” de l’eau, qui permettrait de soustraire cette dernière à l’évaporation (61 % des eaux de pluie connaissent ce sort) et de prévenir certaines inondations.

Un autre projet est en cours d’expérimentation à Agon-Coutainville, dans la Manche. Les eaux usées de cette station balnéaire sont purifiées par les roseaux et du sable, avant d’aller recharger la nappe souterraine côtière. Cette expérience, menée pendant trois ans dans le cadre du programme européen AquaNES, consiste en effet à utiliser le sol et les puissants micro-organismes qui y pullulent comme réacteurs chimiques pour dépolluer les eaux et les diriger vers les nappes.

Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n° 28, paru en novembre 2019, toujours disponible sur notre boutique en ligne.

2. Chasser le gaspillage en ville

Été 2005. Dans un département des Deux-Sèvres très dépendant des eaux de pluie, après deux années de sécheresse, les habitants de Niort sont à la limite de manquer d’eau potable. De ce traumatisme va découler tout un plan d’actions. Le réseau de canalisation a été rénové pour éliminer les fuites (20 % de l’eau passant par les réseaux publics). Le prix de l’eau, lui, a été redéfini par tranche de consommation – et à un niveau élevé. Car elle doit être traitée contre les nitrates et les pesticides très présents en Poitou-Charentes. Une meilleure gestion des arrosages publics et de la pédagogie ont fait le reste. Les comportements ont changé. Et les Niortais font aujourd’hui figure d’exemple en ayant réduit leur consommation d’eau de 40 %.

3. Arroser avec les eaux usées

“Arroser un golf avec de l’eau potable est un crime contre l’humanité !”, s’emporte Gilles d’Ettore, le maire d’Agde, dans l’Hérault. Depuis quelques mois, les eaux usées de la commune sont traitées en station d’épuration avec un système membranaire qui filtre les résidus indésirables. Elles servent ensuite à arroser, la nuit, le golf du Cap d’Agde. 200 000 mètres cubes sont ainsi économisés par an, l’équivalent de la consommation de 3 800 personnes. Prochaines étapes, utiliser ces eaux usées pour l’arrosage des espaces verts et le lavage de la voirie.

À noter que la France est très en retard sur les eaux usées réutilisées. Elles ne représentent que 60 000 mètres cubes par jour. Contre 800 000 en Italie. À Singapour, des traitements permettent même de les réinjecter dans le réseau d’eau potable. Des solutions qui laissent les écologistes sceptiques : plutôt que de réutiliser l’eau et continuer à la gaspiller, mieux vaut l’économiser !

4. Dessaler l’eau de mer comme en Israël ?

Deux unités de dessalement, pouvant traiter 25m3 d’eau par heure, ont été installées en 2006 à Belle-Île-en-Mer pour faire face aux éventuelles pénuries d’eau potable liées à la sécheresse. Mais l’expérience n’a pas été concluante  : trop chère, trop énergivore, trop polluante. On produit pourtant chaque jour, dans le monde, 98  millions de mètres cubes d’eau douce par dessalement. Principalement en Arabie saoudite, dans les pays du Golfe ou en Israël (en photo). Ce processus est particulièrement vorace en énergies fossiles, même si les renouvelables permettent peu à peu de réduire son coût. Surtout, les usines de dessalement rejettent quotidiennement 141  millions de mètres cubes de saumure, qui font exploser le taux de salinité de la mer. En Arabie saoudite, certains fonds marins sont devenus des déserts. L’ONU s’en est inquiétée début 2019.

5. Bannir le puisage en profondeur

Pratiqué aux États-Unis ou en Australie, le puisage dans les nappes très profondes (au-delà de 100 mètres dans le bassin parisien) est interdit en France. Et pour cause : en plus de coûter très cher, cette technique présente le risque d’assécher les réserves supérieures d’eau.

À lire aussi : Enquête : le scandale des cours d’eau fantômes

6. Retenir l’eau pour arroser les champs ?

Une soixantaine de retenues d’eau pour irriguer les cultures. C’est ce que veut autoriser, d’ici à 2022, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume. “On ne va pas regarder la pluie tomber du ciel pendant six mois et la chercher les six autres mois de l’année !”, argue-t-il. Déjà, seize projets de retenues collinaires dans les Deux-Sèvres, en Charente-Maritime et dans la Vienne, sont notamment contestés par des militants écologistes qui dénoncent un système pompant les ressources des nappes souterraines pour soutenir une agriculture intensive.

À Sivens, dans le Tarn, cinq ans après l’occupation de la ZAD et la mort de Rémi Fraisse, le projet d’un barrage sur le cours du Tescou refait surface après un compromis entre agriculteurs, département et associations de protection de l’environnement. France Nature Environnement assure pourtant qu’un barrage aggrave les sécheresses en aval. Le cours d’eau s’étiole, privant les populations de nombreux usages. Et provoquant des effets désastreux sur la faune et la flore. “Stocker l’eau en surface est une fausse sécurité, ça n’augmente pas la ressource. L’Espagne a construit beaucoup de barrages. Ils n’étaient en 2017 que remplis au tiers, le pays s’est retrouvé asséché”, constate Florence Denier-Pasquier chez France Nature Environnement. 

7. Fermer les centrales nucléaires

“Sur certains sites, il y a un risque que, d’ici quelques décennies, le niveau d’eau des rivières soit systématiquement trop faible pour qu’une centrale fonctionne”, avertit Tristan Kamin, ingénieur en sûreté nucléaire. Car chaque centrale pompe et rejette environ 50 m3 d’eau par seconde et par réacteur ! La question se pose notamment pour Golfech, Tricastin et surtout Civaux, qui dépend de la Vienne. Civaux peut disposer en cas de sécheresse des réserves du lac de Vassivière… Mais il arrive à ce lac de manquer d’eau. Comme à l’automne 2018, ce qui compromet ses autres activités comme la fourniture d’eau potable, le tourisme ou l’agriculture… 

À lire aussi : “À l’avenir, il y aura plus de sécheresses, et donc plus d’inondations”

8. Changer le modèle agricole

En convertissant à la polyculture et à l’agroforesterie l’exploitation de son père, qui cultivait jadis du maïs fortement irrigué, l’agriculteur Benoît Biteau (en photo), en ­Charente-Maritime, a économisé annuellement l’équivalent de la consommation en eau d’une ville de 7 000 habitants… Cette histoire est extraite du livre L’Eau que nous sommes, un élément vital en péril (éditons Presse du Châtelet, 2018).

Ses auteurs, Pierre Rabhi et Juliette Duquesne, précisent en effet que l’agroécologie permet de multiplier de cinq à dix fois la capacité de rétention des sols. Les alternatives à l’agriculture intensive – qui représente près de la moitié de la consommation d’eau en France – sont diverses. Développement des prairies ; préservation des haies ou des talus qui freinent le ruissèlement des eaux; et aussi diversification des cultures en optant pour les moins gourmandes en eau…

9. Cesser de pisser dans l’eau potable

Une chasse d’eau, c’est en moyenne 9 litres d’eau potable qui partent à l’égout. Multipliez ça par quatre passages quotidiens aux toilettes, cela donne 36 litres par personne ! Pour stopper ce gâchis, préférez les eaux usées. Celles de la douche, en y faisant directement pipi ; ou encore les eaux de pluie, grâce à un système de récupération relié à vos WC. Plus simple, pour moins de 200 euros, investissez dans un réservoir de chasse d’eau avec lave main intégré. L’eau du lavage alimentera la chasse. Mais rien ne sera jamais plus sobre en eau que les toilettes sèches (en photo) et leur absorbant végétal. Réservé aux maisons individuelles avec jardin ? Pas forcément. La coopérative d’habitants l’Ôôôberge, à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) inaugurera en 2020 un petit immeuble qui en sera équipé.

À lire aussi : 20 % de notre eau potable finit dans les WC ! Voici 3 solutions pour réduire ce gâchis

10. Réduire sa conso à la maison

Réparer les robinets qui fuient ; prendre des douches plutôt que des bains (100 litres d’eau économisés en moyenne) ; éviter de laisser couler l’eau du robinet (12 litres par minute) ; installer une chasse d’eau à double débit ; récupérer les eaux de pluie ; utiliser le lave-vaisselle uniquement quand il est plein ; utiliser du papier recyclé… 

Et prendre conscience qu’avec ce qu’il contient en minerais et terres rares, votre Smartphone pèse 3 à 5 tonnes d’eau. Pour en changer moins souvent !

À lire aussi : Burger, jean, voiture… combien de litres d’eau pour les produire ?

11. Arrêter de bétonner

Qui dit sols naturels, dit eau de pluie qui s’infiltre dans les sols et finit dans les nappes phréatiques. Qui dit sols bétonnés, goudronnés, bref, artificialisés, dit eau de pluie qui finit dans le réseau d’assainissement pour, une fois traitée, repartir dans les rivières sans alimenter nos précieuses ressources en eau souterraine. Sans parler du ruissellement des eaux, des risques d’inondation accrus, et des conséquences multiples sur la biodiversité. C’est pourquoi, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) au gouvernement qui a créé, en juillet au cœur de l’épisode de sécheresse, un groupe de travail pour lutter contre la bétonnisation, tout le monde semble se mobiliser pour freiner ce phénomène qui condamne chaque année entre 20 000 et 60 000 hectares d’espaces naturels ou agricoles (selon les sources) en France.

À lire aussi : Combustible, isolant, bio-béton… connaissez-vous le miscanthus ?

12. Cultiver un jardin zéro arrosage

Restrictions d’eau obligent, il va falloir “revoir notre conception du beau jardin”, prévient Olivier Filippi. À la tête d’une pépinière à Loupian, dans l’Hérault, ce botaniste est spécialiste des plantes adaptées aux conditions difficiles : celles qui résistent aux fortes chaleurs et ne nécessitent que peu (ou pas) d’arrosage. Il existe une multitude ! Pas moins de 25 000 autour de la Méditerranée – soit 1/10e de la flore mondiale – et 75 000 si on inclut toutes les régions du globe où elles sont présentes. Pour les choisir, il vous faudra connaître la nature du sol de votre jardin (argileux, limoneux, sableux…) et le type d’hiver local. Plutôt frisquet ? Plantez donc de la Lavandula x intermedia, très résistante au froid.

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