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École en forêt : de quel bois je m’éduque

Le domaine de Chantemerle est vaste : trente hectares de bois et de prairies. Davina Weitowitz, la propriétaire de ce lieu situé à Marsac (Charente), à une quinzaine de kilomètres d’Angoulême, est à l’œuvre, flattant les flancs des chevaux qu’elle a en pension. Dans cette écurie active, contrairement aux écuries traditionnelles où les équidés sont hébergés en box ou en pré, ils peuvent galoper librement toute la journée. « On ne peut pas confiner des animaux grégaires dans un box. Les enfants, c’est pareil! En les mettant dehors, on respecte leurs besoins fondamentaux », dit-elle, fougueuse.

C’est sur ce principe, en suivant son « instinct », qu’elle a imaginé créer une école en forêt en 2017, au moment de devenir mère. En Allemagne, son pays d’origine, on en recensait 2000. En France, aucune. Un an plus tard, l’unique école en forêt française ouvrait ses portes, quelques semaines après la naissance de son fils.

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Ecole hors contrat

À 8h15, ce dernier arrive dans la cour sur son tracteur en plastique, la mine guerrière. Élias vient de fêter ses 3 ans. Par-dessus ses vêtements, il porte une combinaison imperméable qui garde des traces de boue séchée des jours précédents. Dans cette école hors contrat de l’Éducation nationale, les enfants passent leurs matinées dans les bois en toute saison. L’après-midi se déroule à l’abri dans une salle de classe. Les enfants sont assis autour de petites tables, avec les outils pédagogiques de l’école maternelle.

Cette pièce d’une trentaine de mètres carrés, dans laquelle un dortoir a été aménagé, se trouve chez Davina. Avant, c’était une chambre d’amis. Majid El Ayouni, éducateur jeunes enfants et Marie-Line Bonneau, animatrice nature, accueillent les petits âgés de 3 à 5 ans avec douceur. Ils ont pris le relais l’an dernier des deux initiatrices du projet, qui s’étaient épuisées à le lancer. Avec Davina, ces dernières ont dû défricher et sécuriser plusieurs endroits de la forêt, bâtir des abris, recruter des familles et, surtout, surmonter une suite d’obstacles administratifs et financiers pour répondre aux normes d’accessibilité et de sécurité. Fin 2018, éreintées, elles ont cherché leurs successeurs. « Pour nous, c’est moins dur ! Nous sommes arrivés avec un projet clé en main », sourit Marie-Line. Elle aussi comptait ouvrir une école en forêt, à Limoges, mais s’est découragée « face à la paperasse ».

À lire aussi : “Pour faire aimer l’école, sortons les enfants dans la nature”

Matinées dans les bois

Les enfants enfilent combinaison et bottes en caoutchouc, avant de se rassembler dans la cour. La petite troupe se met en chemin vers le jardin potager en contrebas. Sous un grand sapin, on a construit un abri de fortune à l’aide d’une grande bâche en plastique. C’est ici que commence la classe, avec la date, la saison, et la météo du jour. Puis les enfants sont invités à s’ébattre dans le jardin avant d’aller en forêt.

Adrien et Louna ont mélangé de la terre et de l’eau dans une petite casserole et se « maquillent » avec une boue grumeleuse. Des garçons jouent avec des branches de bambou. Un autre s’affaire à la dînette, en remplissant les gamelles de cailloux et de brindilles trouvés par terre. L’école compte aujourd’hui 13 enfants. Elle pourrait en accueillir 16, mais il n’est pas aisé de convaincre de nouvelles familles.

Sans aucune subvention, l’équilibre est fragile. « Pour la première fois depuis janvier, nous pouvons dégager deux SMIC », se réjouit Davina. Les parents déboursent entre 300 à 700 euros par mois de frais de scolarité, selon leur tranche de revenus, la majorité se situant dans la fourchette basse. « Nous aimerions faire payer moins cher, mais ce n’est financièrement impossible », admet Marie-Line.

À lire aussi : Dans ce lycée, on s’occupe des moutons pendant la récré

Des enfants jamais malades

Les familles qui soutiennent le projet depuis le début sont engagées. La plupart viennent d’Angoulême, la ville la plus proche, et des villages environnants. Mais certaines parcourent plus de 30 km pour permettre à leurs enfants de profiter de ce cadre exceptionnel. C’est le cas de Laurent Ferron, le père de Charly, 3 ans. « Mon fils s’épanouit ! Il sait ce que sont une fourmi, une coccinelle, les essences d’arbres », explique ce restaurateur ébahi des progrès de son rejeton.

Jérémie Camus y a mis Lou cette année et compte y inscrire son plus jeune fils. «Nous ferons un prêt et resterons dans la région jusqu’à son CP. » Il admet certaines contraintes : vérifier les tics chaque soir, préparer le déjeu-ner… « Mais comme cette école a du sens, cela nous donne du courage. » Surtout cette école est bonne pour la santé. « Les enfants ne sont jamais malades, et nous non plus ! », confirme Marie-Line…

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