Partager la publication "Au Danemark, ils ont construit la doyenne des éoliennes"
Le 16 octobre 1973, des producteurs déclenchent la première flambée du prix de l’or noir. En réaction au soutien américain à Israël, pendant la guerre du Kippour, opposant l’État hébreu et une coalition égypto-syrienne, et face à un pic de production de pétrole aux États-Unis, les pays arabes membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) augmentent de 70 % le prix du baril de brut.
On assiste à un choc pétrolier, suivi d’une crise économique mondiale. De nombreux pays se mettent en quête de sources d’énergie alternatives, plus accessibles, diversifiées et à bas coût. Soucieux d’accéder à une forme d’indépendance énergétique, certains États comme le Danemark se laissent séduire par les promesses de l’atome. Mais au sein de la société civile, on voit la solution ailleurs, dans une ressource inépuisable, renouvelable et accessible quasiment partout.
Cet article a initialement été publié dans la revue WE DEMAIN n° 34, parue en mai 2021. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
Dans la petite ville d’Ulfborg, à l’est de la péninsule du Jutland, le vent souffle en moyenne trois cents jours par an. Au début des années 1970, les enseignants du réseau d’écoles alternatives de la fondation Tvind ont une idée un peu folle : construire le plus grand moulin à vent du monde et prouver qu’il est possible de produire une énergie abordable et propre.
Le chantier s’étale de 1975 à 1978. L’éolienne, de 53 m de haut et de 54 m d’envergure – de loin la plus grande jamais construite à l’époque – est mise en service le 26 mars 1978. Baptisée Tvindkraft, qui signifie “puissance double”, elle est aujourd’hui la plus vieille en fonctionnement sur la planète.
Des milliers de bénévoles, ingénieurs militants, écologistes, activistes antinucléaires, utopistes aux cheveux longs et hippies bricoleurs affluent pour épauler les 400 enseignants, écoliers et étudiants de Tvind. Qui avaient donné les premiers coups de pelle le 29 mai 1975. Le projet est entièrement financé par les enseignants de Tvind. Qui déboursent 6,5 millions de couronnes danoises, soit l’équivalent de 950 000 euros.
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Pour des raisons économiques mais aussi par souci d’indépendance, les bâtisseurs excavent eux-mêmes le sol. Apprennent à fabriquer du béton et en coulent 675 m3 pour les fondations et le mât. Quelques mois plus tard, ils moulent et fixent des ailes en fibre de verre. Selon une technologie qui deviendra la norme dans l’éolien. Quant à la conception du réseau de stockage et de distribution d’électricité, elle est confiée à des étudiants et leur prof de l’Université technique du Danemark.
Grâce à eux, les écoles de Tvind peuvent être alimentées en électricité toute l’année. Tandis que le surplus est redistribué à une société danoise. Lorsque le vent ne souffle pas ? Ladite société prend le relais en fournissant à son tour de l’énergie renouvelable (éolien et solaire).
En 2020, la part de l’énergie éolienne au Danemark représentait 47,5 % de l’approvisionnement domestique en électricité. Record de l’Union européenne pour ce pays qui vise 100 % d’énergie renouvelable en 2050 ! Pour y parvenir, le ministère du Climat et de l’Énergie a annoncé en décembre 2019 vouloir créer des “ îles énergétiques”. Entourées de parcs d’éoliennes offshore, elles devraient servir de plateformes de stockage et de distribution d’électricité. De quoi doubler la production actuelle.
“En analysant la position de leader du Danemark dans la production d’éoliennes, il est impossible d’ignorer Tvindkraft”, affirme Preben Maegaard, vice-président d’Eurosolar, l’Association européenne des énergies renouvelables et premier président de l’Association mondiale de l’énergie éolienne (WWEA) fondée en 2001.
L’éolienne de Tvind a démontré le formidable potentiel de l’énergie du vent. Et a joué un rôle majeur dans l’abandon du nucléaire. En ouvrant la voie “à certaines solutions techniques et structurelles qui deviendraient la norme et conduiraient à une percée décisive pour les constructeurs d’éoliennes industrielles danoises”, ajoute Preben Maegaard.
De 900 kWh à ses débuts, Tvindkraft en produit 22 millions aujourd’hui. Et ne s’est arrêtée que pour de la maintenance ou de développement technique. Comme, en 1993, lorsque trois ailes et leurs roulements ont été remplacés. Selon des études française et britannique, la durée de vie moyenne d’une éolienne industrielle est de vingt à vingt-cinq ans. Du haut de ses 43 ans, fêtés cette année en mars, Tvindkraft continue d’alimenter en électricité les écoles Tvind d’Ulfborg.
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