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Fast fashion et mode non éthique : bonjour la culpabilité

Il est bien connu aujourd’hui que l’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement est considérablement néfaste. Il a notamment été montré qu’il faut l’équivalent de 285 douches pour produire un jean. En 2030, les émissions de gaz à effet de serre produit par l’industrie de la mode atteindront 2,7 milliards de tonnes. C’est l’équivalent de 230 millions de voitures roulant pendant un an. Ces dernières décennies, la croissance de l’industrie de la mode, en mettant l’accent sur la rentabilité, a encouragé un désir accru de faibles coûts, de flexibilité dans la conception et la qualité, et de rapidité de mise sur le marché au nom des détaillants, aggravant encore le problème.

La fast fashionmouvement reposant sur une surproduction et un renouvellement ultrarapide des collections (jusqu’à 50 collections différentes par an, soit quasiment une collection différente par semaine) est ainsi souvent pointée du doigt quant à son impact environnemental et social. Cette fast fashion nécessite une baisse des coûts de production et une rapidité de production qui mène parfois à des drames. Le 23 avril 2013, au Rana Plaza à Bangladesh, une usine de fabrication de vêtements, des vêtements portés par les occidentaux, s’est écroulée sur ses employés faisant 1134 morts et 2500 blessés.

Une prise de conscience réelle

Face à la pollution produite par l’industrie de la mode, beaucoup de marques et d’initiatives se sont développées. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus accès à une mode plus propre, plus transparente, plus éthique. Des mouvements de contestation de consommateurs boycottant des marques ou le Black Friday naissent.

Les consommateurs montrent eux aussi une prise de conscience et un intérêt accru pour l’écologie la mode durable et responsable. Comme le souligne l’Ipsos dans un étude de 2019, “près de deux Français sur trois (65 %) affirment aujourd’hui que l’engagement des marques et des entreprises en matière de développement durable constitue un critère de choix important au moment de leurs achats mode/habillement”.

A lire aussi : Shein, enquête sur les dessous de l’hyper fast fashion

Fast fashion : des ventes en hausse de 40 % en 10 ans

Cependant, le comportement des consommateurs tarde à se concrétiser. Le besoin d’apparat et de changement de look quotidien n’a pas disparu. Pour preuve, les ventes ont augmenté de 40 % ces dix dernières années. En cause : un manque de confiance dans les marques de mode, un manque de compréhension de ce qu’est la mode durable ainsi qu’une méfiance envers le greenwashing. La question du prix et le manque d’informations sur les noms des marques de mode durable freinent aussi l’engouement des consommateurs.

Il est donc indispensable de développer de nouvelles approches pour encourager les individus à acheter et à porter une mode plus durable, tout en s’engageant concernant l’origine de leurs vêtements. Dans cette optique, un travail de recherche mené par notre équipe, récemment publié, propose une nouvelle approche qui repose sur les émotions.

Impact sur les émotions

Nous avons demandé à trois groupes (39 personnes – 26 femmes, 13 hommes au total) de venir passer deux heures dans notre laboratoire. Le premier groupe devait venir avec sa propre tenue vestimentaire ; le deuxième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et éthique, produit de manière respectueuse avec l’environnement ; et le troisième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et étiqueté comme non-éthique (fast fashion). Les tee-shirts fournis aux deuxième et troisième groupes étaient similaires, seule l’étiquette changeait.

Nous avons mesuré les émotions positives et négatives de chaque participant grâce à l’échelle SPANE. Ce questionnaire bref mesure les expériences positives et négatives des participants en leur demandant d’évaluer la fréquence à laquelle ils vivent divers états comme sur le plaisir physique, l’engagement, l’intérêt, la douleur, l’ennui, etc. Les émotions de chaque participant ont été évaluées juste avant l’expérience, puis au bout de deux heures de port du tee-shirt.

Nos résultats ont montré que les participants portant des vêtements durables avaient une augmentation des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements non durables.

Davantage d’émotions positives avec des vêtements éthiques

De plus, les participants portant des vêtements non durables ont montré une baisse des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions positives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 23) au début de l’expérience, le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une augmentation des émotions positives (avec une médiane de 26) et les participants portant le tee-shirt de mode non-durable ont montré une baisse des émotions positives (avec une médiane de 20).

Malgré la prise de conscience des enjeux de durabilité, le comportement des consommateurs tarde encore à se concrétiser. Cparks/Pixabay, CC BY-SA

Nos résultats ont également montré que les participants portant des vêtements durables observaient une baisse des sentiments négatifs par rapport aux participants portant des vêtements non durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions négatives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 14), le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une baisse des émotions négatives (avec une médiane de 7).

Ce que nous portons a un impact sur ce que nous ressentons

Cette étude met donc en évidence l’existence d’une relation entre ce que nous portons et ce que nous ressentons, renforçant l’importance de connaître la source de nos vêtements. Les résultats, établissant un lien entre le port de vêtements durables ou non durables et des sentiments positifs et négatifs, renforcent le pouvoir et l’influence des vêtements sur les processus psychologiques, ce qui peut aider à encourager les gens à s’engager davantage avec la mode durable et connaître davantage l’origine de leurs vêtements.

Les résultats de cette étude pourraient être utilisés pour montrer aux consommateurs de mode que les impacts néfastes de l’achat de vêtements non durables s’étendent au-delà de la sphère environnementale et sociale, et incluent dont la sphère individuelle à travers les sentiments et les émotions. Cette recherche espère aider ainsi à étendre les découvertes actuelles et donner au sujet de la durabilité dans l’industrie de la mode l’attention dont il a besoin pour promouvoir et susciter le changement.

A propos de l’autrice : Aurore Bardey. Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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