Flore Berlingen : « Le Zero Waste devient enfin vendeur en France ! »

We Demain : Le mouvement Zero Waste est un nouveau venu en France. Pouvez-vous nous le présenter ?
 
Flore Berlingen : Le mouvement rassemble des citoyens qui veulent inciter leur collectivité à en finir avec le gaspillage et les déchets. C’est bien sûr plus une direction qu’un but en soi. Zero waste existe depuis une dizaine d’années, a débarqué en Europe il y a trois ans et en France cette année. Nous avons gardé l’anglicisme de Waste parce qu’il signifie à la fois déchet et gaspillage et qu’il faut jouer sur les deux fronts. Nous nous sommes réunis samedi a Bobigny pour le lancement du mouvement en France. Il y avait plus de 500 personnes et une vraie dynamique. D’ailleurs, on a eu beaucoup de demandes d’adhésion spontanées depuis. Le Zero Waste devient enfin vendeur !
 
On entend souvent les louanges faites aux pays nordiques à ce sujet. Mais en France, où en sont les mentalités ?
 
On part d’assez loin. Le zéro déchets avait émergé il y a dix ans en France, mais n’avait pas pris. Quand j’ai commencé à travailler au CNIID (Centre national d’information indépendante sur les déchets), il y a cinq ans, le concept semblait encore utopiste dans le milieu environnemental et associatif. On nous traitait de doux rêveurs. Et puis les choses ont changé. Des initiatives payantes en Europe ont permis de dépasser les objections. Suite au Grenelle de l’environnement, les collectivités ont été obligées faire des efforts. Surtout, les citoyens sont de plus en plus sensibles au sujet qu’auparavant, même si les marges de progression sont énormes.
« On nous traitait de doux rêveurs. Et puis les choses ont changé. »

Quels leviers doivent être actionnés pour diminuer notre production de déchets ? Moins d’emballages ? Plus de recyclage ?

Le premier impératif est de se concentrer sur la réduction à la source. Il faut savoir que le recyclage reste un gaspillage de ressources. Le 100% recyclé est très rare : il faut le plus souvent rajouter de la matière vierge lors du retraitement. Par ailleurs, le processus est gourmand en eau et en énergie.

Qui peut agir ?

Tous les acteurs ont une marge de manœuvre. Les citoyens peuvent consommer autrement, éviter les produits jetables comme les rasoirs, limiter l’usage de sacs plastiques. Les industriels doivent eux travailler sur les emballages et la durée de vie des produits. Je ne parle pas seulement de mettre un terme à l’obsolescence programmée mais bien d’allonger la durée de vie des produits, en les rendant modulables et plus facilement réparables. Coté acteurs publics enfin, il faut savoir faire preuve de pédagogie auprès du grand public en sensibilisant au tri. Mais ce n’est pas tout. Quand une municipalité choisit de traiter les déchets avec un incinérateur, elle embarque les citoyens dans une spirale infernale : c’est un équipement qui peut mettre 30 ans à être rentabilisé, 30 années durant lesquels on ne va pas être tenté de réduire ou de réutiliser les déchets produits par la ville. Il existe d’autres solutions, comme le compost des déchets organiques après collecte séparée ou bien chez soi. Nos grands-parents savaient parfaitement le faire !

Concrètement, comment comptez-vous travailler en France ?

C’est un mouvement encore naissant. Nous avons déjà posé les bases et nos principes fondateurs avec l’appel de Waste France qu’un certain nombre d’organisations ont signé. Le but est à terme d’accompagner au maximum les collectivités avec de la formation, des voyages d’étude pour voir ce qui marche, la construction d’un plan d’action à l’échelle municipale. Nous sommes aussi prêts à accompagner les entreprises qui s’engagent dans une vraie démarche, mais nous serons très vigilants vis à vis du greenwashing pour ne pas décrédibiliser notre mouvement. 

Bientôt les municipales. Quelles mesures devrait prendre un maire décidé à s’engager sur la question ?
 
L’interdiction des sacs plastiques de caisse et dans les marchés. Cette histoire traine depuis des années. Des collectivités l’ont déjà fait dans des zones touristiques et naturelles. On pourrait aussi installer des bacs à compost dans les squares et les jardins municipaux. Réutiliser certains déchets comme le marc de café. Bannir la vaisselle jetable des restaurants. Et pour la bière, il faudrait que la consigne devienne la norme !

« On pourrait installer des bacs à compost dans les jardins municipaux. Réutiliser certains déchets comme le marc de café. Bannir la vaisselle jetable des restaurants. Et pour la bière, que la consigne devienne la norme ! »

A Paris en particulier, le tri semble ne pas encore fonctionner de façon optimum…
 
C’est sûr. Mais la mairie ne peut pas tout. La responsabilité incombe à toute une série d’acteurs, comme le syndicat de traitement des ordures ménagères. Côté emballages, beaucoup de gens nous disent ne pas s’y retrouver avec les couleurs des bacs qui changent d’une ville à l’autre, et donc à chaque déménagement. Parfois, les copropriétés ne prennent même pas la peine de faire le tri et certains citoyens s’en accommodent. Chacun rejette la faute sur l’autre alors que tous devraient travailler ensemble.

Par ailleurs il faut savoir que d’ici 2016 tous les restaurateurs qui produisent plus de 10 tonnes de bios déchets par an devront s’occuper de leur tri et de leur valorisation sous peine d’amende, voire de prison. En Île-de-France, le syndicat de la restauration est déjà en phase d’expérimentation avec 80 établissements. Un camion vient chercher leur déchets pour les valoriser par méthanisation en biogaz ou digestat.

Quelles sont les villes modèles aujourd’hui ?
 
En Europe, la ville de Capanori a lancé le mouvement Zero Waste en Italie. Grâce à une approche globale, en jouant sur tous les leviers, elle a réussi à réduire de 80% ses déchets résiduels, c’est à dire ceux qui ne peuvent être ni recyclés ni évités. En France, le Grand-Besançon, a été mis en place une redevance incitative sur la production de déchets. Les pavillons paient le traitement de leurs déchets via une pesée embarquée lors du ramassage. Dans les habitats collectifs, un système de badge dans le local poubelle permet de facturer individuellement. La municipalité vend également des sacs spéciaux qui sont les seuls à être acceptés lors du ramassage. Cela demande une reconfiguration complète de la facturation, mais ça fonctionne.
 
Vous êtes également co-fondatrice du collectif Oui Share, qui fédère et accompagne les acteurs de l’économie collaborative. Qu’est-ce qui relie vos engagements ?
 
C’est en travaillant sur la problématique des déchets que je me suis intéressée à l’économie de la fonctionnalité. Posséder chacun une voiture ou une machine à laver alors qu’on en a un faible usage contribue à exercer une pression sur les ressources. Les mutualiser permet de diminuer notre production d’objets, et donc de déchets. Ce qui est intéressant c’est qu’aujourd’hui les publics commencent à s’intéresser à la consommation collaborative comme un moyen de réduire les déchets. On l’évoque même au ministère de l’environnement.

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