François Gabart : “L’écologie est dans l’ADN des jeunes marins”

L’état des océans que vous parcourez à longueur d’année vous inquiète-t-il ?

Je ne navigue pas depuis assez longtemps pour tirer des conclusions : je suis ingénieur de formation et ce serait un abus scientifique ! Mais il m’est arrivé de devoir slalomer entre des sacs plastique près des côtes en général et de celles de la Méditerranée en particulier. Je n’ai pas vu la “soupe plastique” du fameux septième continent mais j’ai souvent croisé des billes de bois sur ma route. Il y a aussi ce chiffre effrayant de 15 000 conteneurs qui tombent dans la mer par an. C’est une source de pollution et un danger pour nous, marins, même si le fret maritime est l’un des plus propres au monde.

Comment gérez-vous vos déchets pendant les courses ?

L’avitaillement pour un tour du monde équivaut à cinq Caddie. Une fois ôtés les cartons et emballages plastique, le volume diminue déjà de moitié. Cette étape nous évite d’avoir à trier nos déchets à bord. Sur un Vendée Globe [en 2013, il a gagné ce tour du monde en solitaire et sans escale en 78 jours, ndlr], je reviens avec un seul sac-poubelle de 90 litres. Cela dit, il est facile de tirer sur le plastique, dont la filière de recyclage est plutôt bien organisée chez nous. On est bien contents d’y avoir recours pour reconditionner nos vivres !

Vos confrères skippers sont-ils conscients de leur impact sur l’environnement ?

La jeune génération est bien éduquée, l’écologie est dans notre ADN. Je pense qu’on fait tous en sorte de rentrer propres. Quand on a la chance d’évoluer dans une nature si belle, on n’a pas envie de l’abîmer.

L’usage du carbone, le matériau essentiel mais pas du tout écolo de vos bateaux, ne vous semble-t-il pas un total contresens ?

Oui, c’est compliqué de trouver un équilibre avec des données a priori contradictoires. On peut aussi se demander si c’est raisonnable de naviguer alors qu’on risque d’abîmer les animaux marins qui sont chez eux, après tout. Quand on est un peu responsable, on s’interroge aussi sur cette traque du poids qui nous fait, en effet, utiliser des fibres de carbone pour la construction de nos bateaux. Mais on est dans un rôle de divertissement. Quel est, finalement, le prix du rêve ? Avec nos Formule 1 des mers, on peut quand même dire que notre consommation journalière est assez faible. Ce serait intéressant de faire une évaluation de notre bilan carbone en course.

En matière d’écologie plus terre à terre, qu’est-ce qui vous choque ?

Au quotidien, ce sont les déchets, sacs plastique ou mégots, jetés dans la rue. Autant isoler une maison n’est pas à la portée de tous financièrement, autant faire attention ne coûte rien. Ces comportements sont de très mauvais signaux envoyés aux enfants. Dans ma rue, je ramasse régulièrement les saletés. Mais je m’investis aussi dans des campagnes de ramassage collectif. Chez moi, je fais également très attention aux lumières. Je constate que c’est une question de culture et d’éducation. Quand j’entends dire que toutes ces initiatives simples ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan, ça me rend fou.

Propos recueillis par Patricia Oudit.

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