Partager la publication "Les étudiants d’AgroParisTech vont-ils sauver Grignon de la bétonisation ?"
“Cette école, c’est un peu le domaine d’Harry Potter. Un lieu magique qu’il est impensable de laisser disparaître”, lance Mathieu Baron, ancien élève d’AgroParisTech. Fondé en 1826, à Thiverval-Grignon, dans les Yvelines, la plus prestigieuse école d’agronomie française est entourée d’un château classé, de 140 hectares de forêts, de 140 hectares de terres agricoles, d’un arboretum, d’une réserve ornithologique. Il héberge aussi les archives de René Dumont, l’un des pères de l’écologie politique…
Un patrimoine à l’avenir incertain. Avec le déménagement prochain de l’école à Saclay (Essonne), l’État a décidé de vendre le campus. Et cette privatisation suscite bien des inquiétudes.
En mars 2021, alors que la vente se confirme, plus de 200 élèves, rejoints par des anciens et des amis de l’école, occupent le site. Et créent une association de défense du domaine, dont Mathieu Baron est élu Délégué général.
Ce qu’ils redoutent : que le domaine soit racheté par des promoteurs immobiliers peu soucieux de sa valeur historique et écologique.
En 2015 déjà, le PSG s’était dit intéressé par le domaine. Premier vent de panique. Aujourd’hui, deux candidats au rachat restent en lice.
D’une part le promoteur Altarea Cogedim qui imaginait initialement construire plusieurs centaines de logements et bureaux sur le domaine. “Donc une artificialisation des sols qui ne va pas du tout dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique“, pointe Mathieu Baron. Au vu de la résistance, le projet a été corrigé. Il ne comporte moins de logements. Pour l’heure. “Mais une fois le domaine vendu, d’ici quelques années, l’entreprise pourrait faire ce qu’elle veut”, redoute Mathieu Baron.
Le second promoteur est Grand Paris Aménagement (GPA), dont le projet est plus respectueux du patrimoine local mais qui prévoit de revendre le domaine dans douze ans. “Ce qui n’est pas rassurant, il pourrait être démantelé en lots notamment.”
L’association décide donc de déposer elle-même un projet de rachat, Grignon 2026. L’idée : “Créer un lieu entièrement consacré à l’agriculture et l’alimentation durable“, explique Clothilde Caron, élève en troisième année et membre de l’association. Un lieu où tous les étudiants agronomes pourraient venir faire leurs expérimentations de terrain. Il accueillerait aussi un musée, des MBA en transition écologique pour dirigeants, des startups du secteur, un hôtel, un restaurant en circuit court..
“Il manque en France un lieu fédérateur qui puisse faire dialoguer tous les acteurs de la chaine agro-alimentaire pour construire ensemble un avenir durable. Et pour assurer notre sécurité alimentaire. Un sujet crucial comme l’a montré la crise sanitaire”, poursuit Clothilde Caron. “Grignon, qui a déjà une réputation internationale, est le mieux placé pour cela.”
Et ce projet séduit. L’association a recueilli 200 000 euros en crowdfunding, ce qui lui a permis de répondre à l’appel d’offre. Puis 10 millions d’euros de promesse de dons auprès d’un millier de souscripteurs, pour racheter le domaine, et ensuite lancer un prêt.
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“Le projet est viable économiquement, et ce grâce à des projets tournés vers l’agriculture et l’environnement”, fait aussi valoir Nadine Gohard, la maire de Grignon, qui soutient le projet depuis le départ. De même que la communauté de communes. “Nous ne voulons pas d’immobilier lourd sur le domaine. En cette époque de crise, il est temps en effet de s’occuper un peu de la transition écologique !”
Bien d’autres soutiens sont aussi arrivés à la rescousse de Grignon. Des politiques comme Delphine Batho, Gérard Larcher, une vingtaine de députés et sénateurs, des personnalités comme Cyril Dion, plus de 200 scientifiques dont le climatologue Jean Jouzel, des associations dont France Nature Environnement ou La ligue de protection des oiseaux (LPO)…
“On nous prenait pour des rigolos au départ. C’est du passé”, se félicite Mathieu Baron.
L’État devait trancher le rachat en mai, et semble aujourd’hui tergiverser. “Nous n’avons pas de nouvelles”, s’étonne la maire de Grignon. Toutefois la bataille n’est pas gagnée. La promesse de vente doit être signée au plus tard fin septembre 2021.
Un compromis pourrait être trouvé, suggère Grignon 2026 : par exemple la simple annulation de la vente, en confiant à l’association un bail de longue durée.
“Nous sommes ouverts au dialogue”, précise Mathieu Baron, tout en soulignant que l’association est prête à redescendre dans la rue si le projet choisi n’était pas à la hauteur de la longue histoire du Poudlard français.
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