Partager la publication "Habiter le monde avec légèreté : repenser l’architecture… et la consommation"
Le premier Forum de l’Économie Légère, qui s’est tenu jeudi 3 octobre, a été l’occasion d’aborder la question de l’architecture et de l’habitat. Notre journalitse, Adrien Rivierre, a échangé avec l’architecte Philippe Madec, l’urbaniste et philosophe Marion Waller, directrice générale du Pavillon de l’Arsenal et Rozenn Nardin, responsable de la prospective sociétale chez Citeo, entreprise à but non lucratif spécialisée dans le recyclage des emballages ménagers et des papiers graphiques.
Pour “habiter le monde avec légèreté”, telle qu’était intitulée cette table ronde, les intervenants soutiennent une même vision commune : l’avenir réside davantage dans la réhabilitation et le réemploi des structures existantes que dans des constructions nouvelles.
“Il est nécessaire de poser la question de to build or not to build, explique Philippe Madec. Il ne s’agit plus seulement de construire du neuf, mais de penser à comment utiliser ce qui est déjà là.” Une démarche essentielle face à l’empreinte environnementale des nouveaux bâtiments. Comme le souligne Marion Waller, “le béton pollue énormément, et personne ne sait d’où il vient. Il n’y a pas vraiment de traçabilité. C’est pourquoi nous devons avant tout privilégier la réutilisation de ce qui existe déjà.“
L’importance de réinventer ce qui est déjà construit, plutôt que d’ajouter toujours plus de mètres carrés et d’artificialiser davantage de sols, est une des pistes clés pour réduire notre empreinte écologique. Cela passe par une réflexion sur les matériaux, les usages… mais aussi sur l’imaginaire collectif.
Une autre des grandes batailles à mener est culturelle, comme le fait remarquer Adrien Rivierre : “L’imaginaire des villes est aujourd’hui dominé par des projets ultra-modernes et high-tech, comme ces villes de 170 kilomètres de long construites en plein désert.” Ces visions futuristes, souvent inaccessibles et déconnectées de la réalité, créent un décalage avec la réalité de l’habitat pour la majorité des gens. Et vont à l’encontre d’une économie légère.
Au contraire, Marion Waller propose de valoriser l’existant : “Pourquoi ne pas plutôt réutiliser la masse de constructions déjà présentes sur Terre ?“. L’idée ici est de montrer que la légèreté, ce n’est pas toujours la nouveauté, mais parfois la capacité à mieux utiliser ce que l’on a déjà. Le réemploi a du bon… et de l’avenir.
Au-delà de l’architecture, la question de la consommation importe aussi. Cela a un impact au sein de l’habitat, sur la nécessité du tri et du recyclage. Citeo travaille sur des solutions visant à faciliter le tri, le recyclage, et la réduction des déchets à la source. Toutefois, un point crucial souligné par Rozenn Nardin est celui des effets rebonds : “Chaque innovation doit être pensée pour éviter d’ajouter de nouvelles contraintes aux consommateurs. Par exemple, si l’on introduit le réemploi, il ne doit pas se traduire par un fardeau supplémentaire en termes de logistique pour les ménages.“
Les intervenants appellent ainsi à une réflexion systémique sur le design des espaces de vie. Il ne s’agit pas seulement de penser le logement en lui-même, mais aussi l’ensemble des flux entrant et sortant, de l’eau à l’électricité, en passant par les déchets. “Un éco-quartier, par exemple, doit intégrer des solutions techniques qui facilitent ces transitions pour les habitants“, précise-t-elle.
Le défi est immense, mais les solutions existent. Comme le résume Philippe Madec, “nous devons apprendre à faire plus avec moins. Ce changement de paradigme doit être porté par une volonté collective et une transformation de nos imaginaires.”
Pour les intervenants, la légèreté est apparue non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité. Elle invite à la créativité, au réemploi et à une nouvelle forme de responsabilité partagée entre architectes, citoyens et entreprises. “Le bonheur de demain se trouve dans l’exemplarité de nos choix d’aujourd’hui“, a conclu Philippe Madec, rappelant que, face aux défis écologiques, chaque geste compte.
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