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Hopaal, le fabricant de vêtements qui veut produire moins

Quand on parle de sobriété, les entreprises stoppent bien souvent leur réflexion à la question “doit-on moins produire ?”. Tabou ultime de la décroissance, ou en tout cas de ne produire que le strict nécessaire, les industries, quelles qu’elles soient, ne savent toujours pas comment faire face à cette problématique, pourtant essentielle si on veut réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Mais une entreprise française du secteur textile, Hopaal, a fait sienne depuis quelques mois la trilogie “produire bien, produire moins, produire mieux”.

Imaginée en 2016 par deux étudiants, cette marque, qui a son siège à Biarritz, a été lancée en 2017 avec un parti-pris : ne produire que des vêtements à partir de matériaux recyclés. Et une fabrication française ou portugaise. Tout se passe dans un rayon de 1000 kilomètres de Biarritz maximum. Hopaal se fait vite un nom parmi les marques éthiques et écologiques et se développe bien. Son site compte bientôt plus d’une centaine de références. Des chemises, T-shirts, shorts, pulls… aux couleurs chatoyantes et aux imprimés joyeux. Jusqu’à la prise de conscience.

Le nouvel atelier Hopaal à Socoa, au Pays Basque. Crédit : Hopaal

Produire différemment, produire durable

“À un moment, nous nous sommes posés tous ensemble pour discuter de l’avenir de la marque et nous avons réalisé que nous étions devenu une partie du problème, se souvient Clément Maulavé, cofondateur d’Hopaal, dans le cadre de l’événement OSV Explore, dédié à la filière outdoor, jeudi 12 octobre 2023. C’était bien ce qu’on faisait mais à quel moment avons-nous dénaturé nos ambitions initiales ? Nous produisions beaucoup trop et des pièces forcément utiles. Il fallait cesser la dissonance entre ce qu’on souhaite et ce qu’on fait.”

Aperçu de l’ancien vestiaire d’Hopaal. Crédit : Hopaal.

Alors que faire ? La première décision a été de chercher à produire davantage localement. Hopaal a donc ouvert un atelier dans la baie de Socoa (Saint-Jean-de-Luz, Pays-Basque). Un atelier qui n’est pas exclusif à la marque et peut donc produire pour d’autres marques. Mais c’est surtout son positionnement qui a été profondément revu. “Pour une entreprise, produire moins, c’est contre-intuitif. C’est pourtant ce que nous allons tenter avec Hopaal. Notre priorité, c’est de produire durable et de refuser le superflu”, explique Clément Maulavé.

Il faut cesser la dissonance entre ce qu’on souhaite et ce qu’on fait.”

Clément Maulavé, Hopaal.

Un vestiaire de 7 pièces essentielles

Depuis l’été dernier, Hopaal ne ressemble plus à Hopaal. Si l’ADN de la marque s’en est trouvée renforcé, les clients ont pour le moins été surpris. D’un catalogue de 150 à 200 pièces, le site ne vend plus que sept pièces essentielles aujourd’hui. 7 pièces noires pour un vestiaire le plus durable possible. Des pièces ultra-fonctionnelles et très résistantes avec l’ambition d’aboutir à trois déclinaisons : essentiel, polyvalent et technique (pour la pratique sportive). “Avait-on besoin de vendre six chemises d’hiver différentes, quatre pantalons pour le quotidien ? Nous sommes repartis d’une feuille blanche pour produire le strict nécessaire. Et nous avons créé un outfit pour couvrir 70 % de vos aventures quotidiennes”, détaille Clément Maulavé.

Un vestiaire épuré pour le quotidien, tel est le nouveau mantra d’Hopaal. Crédit : Hopaal.

Et d’ajouter : “Si on produit moins, on doit produire mieux. Si on a qu’un pantalon, il ne faut pas se rater, que ce soit en termes de design, de qualité, de matière, pour quelle pratique, pour quelle durabilité… S’est aussi posée la question de la couleur. Nous avons choisi le noir en pensant aux taches, à la réparation, à la durabilité. Mais nous allons sans doute diversifier un peu car c’est quand même un peu triste.” Pour faire les bons choix, la marque fait beaucoup de co-création avec notre communauté. À plusieurs endroits sur le site, elle essaie de collecter les besoins de ses clients et de leur demander leur avis. Via leurs newsletters aussi, la communauté est régulièrement interrogée.

Produire moins et rester rentable ?

“Nous sommes une SAS avec des employés donc on se doit d’être rentable, rappelle Clément Maulavé. Avec Hopaal première version, nous avions environ 50 000 clients. Nous avons essayé et nous essayons d’embarquer un maximum de ces personnes dans cette nouvelle aventure mais il est certain que le Hopaal d’hier est très différent du Hopaal aujourd’hui et de demain. Il va falloir bâtir une nouvelle communauté et expliquer notre démarche en détail. Et la question est encore en suspens : allons-nous réussir ? Les prochains mois le diront.”

Outre le style très différent et beaucoup plus sobre, les prix ont aussi évolué. À la hausse. 180€ pour un pantalon, 120€ pour un sweat, 60€ pour un T-shirt… “Davantage de soin est apporté au choix des matériaux, aux coutures, aux finitions… Tout est pensé pour que le vêtement soit le plus durable possible et le plus réparable aussi.” La marque a fait sienne la citation d’Antoine de Saint-Exupéry : “La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.” Chaque poche, zip, bouton… est donc analysé et doit se justifier pour entrer dans le cahier des charges. Les pièces créées sont donc très épurées.

Le nouveau vestiaire d’Hopaal. Crédit : Hopaal.

Un pari pour les mois qui viennent

“Le niveau d’exigence est hardcore pour faire un produit qui vise la perfection. Nous avons aussi conscience que nous ne pourrons pas être une marque grand public, mainstream. Mais ce n’est pas notre but de toute façon. Ce que nous espérons, c’est avoir une communauté qui comprend et adhère à notre démarche”, résume Clément Maulavé.

“Nous avons supprimé notre ancien vestiaire en mai dernier. Depuis quelques mois, nous commençons donc à nous confronter au marché. Il faut redoubler d’effort pour expliciter la démarche. C’est notre chantier des trois prochains mois.” Prochaine étape aussi : proposer des solutions pour la réparation. Car qui dit durabilité, dit réparabilité. “Nous mettons toujours des bouts de rouleaux de côté, donc ce n’est pas un problème.” L’entreprise envisage plusieurs solutions, comme la prise en charge directe ou via des acteurs spécialisés, comme l’application Goodloop, par exemple. Reste encore une question : réparation gratuite ou non ? Hopaal n’a pas encore tranché.

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