L’inventeur de la capsule de café regrette son œuvre

Il y a quelques mois, une vidéo virale sur Internet dénonçait la pollution engendrée par les capsules d’expresso, en mettant en scène des machines à café géantes détruisant une ville. Selon les auteurs de cette vidéo, Keurig (le leader américain de ce secteur) produirait chaque année assez de capsules K-cup pour, si on les plaçait bout à bout, faire 10,5 fois le tour de la Terre.  
 
L’entreprise a en effet vendu près de 9 milliards de capsules en 2014, dont seulement 5 % étaient recyclables. Ces produits sont composés d’un mélange d’aluminium, de plastique et de papier, qui rend le tout très difficile à recycler. Le message de la vidéo est clair : « Tuez les K-cup avant qu’elles ne tuent la planète. »
 

John Sylvan n’aura pas besoin de visionner ce clip pour en être convaincu : il est l’ancien dirigeant de Keurig et l’inventeur de la K-cup. Dans une interview récente donnée à The Atlantic, il reconnaît ne s’être jamais attendu à ce que ses capsules deviennent si populaires et dit « regretter l’impact environnemental de son invention ».

Dans les années 1990, cet ingénieur a quitté son travail pour se dédier à sa passion du café. Pour cela, il a fondé Keurig : « excellence » en néerlandais, car, selon lui, « tout le monde adore cette langue ». Le succès n’a pas immédiatement été au rendez-vous. Pendant plusieurs années, John Sylvan n’a même connu que l’échec, se faisant littéralement mettre à la porte  par de nombreux investisseurs. Il fut même une fois hospitalisé après avoir bu plus de 40 cafés dans la journée en testant ses prototypes.

40 % DES FOYERS FRANÇAIS ONT UNE MACHINE À CAPSULE

Il savait pourtant son concept valable. Car si la machine à expresso assure une meilleure expression des arômes, le café moulu a, quant à lui, tendance à s’oxyder. En le protégeant au sein d’une capsule, il créait un produit pertinent, et surtout il s’inspirait d’un modèle économique valable : celui de Gillette, avec ses lames de rasoirs, ou bien encore celui des cartouches d’imprimante. Le client achète une machine peu chère, mais se retrouve ensuite dans une situation de dépendance envers les consommables.
 
D’abord destinée aux entreprises, John Sylvan n’avait jamais imaginé que son invention envahirait bientôt les foyers. Lorsque ses anciens brevets sont entrés dans le domaine public en 2012, tous les concurrents de Keurig se sont jetés sur le secteur. Selon le magazine Que choisir, 40 % des foyers français sont déjà équipés de telles machines à café. Et il se vend 500 millions de capsules chaque année sur notre territoire.

4,7 MILLIARDS DE DOLLARS DE CHIFFRE D’AFFAIRES

Face à un tel succès, John Sylvan affirme certes avoir « quelques regrets » pour avoir vendu ses parts de la société pour 50 000 dollars en 1997. Une fraction des 4,7 milliards de dollars de chiffres d’affaires générés en 2014 par Keurig. Il admet aussi ne pas posséder de machine à capsules. Pas tant par esprit de revanche que pour des raisons écologiques, mais surtout… parce qu’elles sont « assez chères à l’usage, et ce n’est pas comme si c’était compliqué de faire tourner une cafetière ». Il est vrai que le café en dosette coûte entre 40 et 70 euros le kilo, soit en moyenne 35 centimes la tasse. Le tout, en générant beaucoup de déchets.

Alors What else ? Comment concilier passion du bon café et protection de la planète ? La solution est peut-être à chercher du côté de l’inventeur… du frisbee. Alan Adler, son créateur génial, est en effet connu dans le petit monde du café pour une autre invention. L’AeroPress  : un bidule en plastique à 30 dollars, moitié seringue moitié cafetière à piston, et qui ferait le meilleur café du monde selon certains baristas.

John Sylvan, de son côté, a changé de secteur. Peut-être pour compenser son impact environnemental, il a créé une entreprise de photovoltaïque : Zonbak, qui se traduit par « boîte solaire »… toujours en néerlandais.

Jean-Jacques Valette
Journaliste We Demain

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