Partager la publication "La Ronce : ces militants prêts au sabotage “pour sauver le Vivant”"
Et hop : deux, trois bouchons dans le sac. Au supermarché, Marie, directrice d’école, n’a pas honte de voler des bouchons devant ses enfants. Pas n’importe lesquels, leur explique-t-elle : elle dérobe ceux de grandes entreprises sucrières ayant soutenu les néonicotinoïdes, des pesticides qui font des dégâts sur les abeilles.« J’ai bien plus peur de l’Effondrement que de me faire attraper avec un bouchon dans la main ! », confie-t-elle.
Marie, 31 ans, est l’une des « épines » de La Ronce, mouvement écolo apparu en octobre dernier sur les réseaux sociaux, qui ne se contente pas de petits actes bienveillants pour la planète. Ni de marches pour le climat. Ni même de désobéissance civile.
La Ronce appelle au sabotage « pour défendre le vivant » et « faire plier les multinationales qui le détruisent », explique-t-elle dans son manifeste. Parmi les gestes proposés : ouvrir les bouteilles de Coca-Cola ou de Roundup au supermarché, neutraliser les terminaux de paiement des stations Total, le QR code de trottinettes électriques, ou dégonfler les pneus de SUV (en laissant un message préventif sur le pare-brise).
Le mouvement revendique plus 50 000 actes de microsabotage au supermarché en une semaine dès le mois d’octobre. Un chiffre difficile à vérifier mais le compte Instagram du mouvement compte en tous cas plus de 30 000 abonnés. « Chaque jour, le buisson de Ronce grandit », se félicite le mystérieux collectif qui répond via messagerie sécurisée.
Une croissance qui prend racine dans les réseaux sociaux. « La Ronce n’est pas un collectif institué, elle est avant tout une idée qui se diffuse, qui peut émerger partout», nous explique-t-elle. « Tout le monde peut diffuser cette idée sur Instagram, Discord, Facebook ou Twitter, et faire en sorte que de nouvelles Epines passent à l’acte. »
L’influent Youtuber Vincent Verzat de la chaine Partager C’est sympa a notamment participé à la promo du mouvement avant même son lancement.
Le signe d’une radicalisation écolo ? En soi, le sabotage n’est pas un modus operandi vraiment nouveau : l’anarchisme en fait depuis longtemps un acte de résistance, une façon de gripper une machine dont on se sent prisonnier. Chez les écolos, on se souvient, entre autres, des faucheurs d’OGM ou des activistes antinucléaires de Bure.
Mais l’action plus directe semble bel et bien bénéficier d’un regain d’intérêt des jeunes générations. Dans un récent sondage réalisé par Arte, 82 % de jeunes écolos considèrent qu’il « faut des mesures radicales » et 27 % pensent que « désobéir aux lois pour protéger l’environnement » serait « nécessaire », 38 % « acceptable ».
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La Ronce cite d’ailleurs parmi ses références le jeune mouvement Extinction Rebellion, qui a par exemple mis hors service 3 000 trottinettes en une nuit il y a quelques mois.
« Comme moi, de nombreux soutiens de la Ronce étaient jusqu’ici des colibris mais nous avons la sensation que les petits gestes bienveillants ne suffisent plus », témoigne Marie. Depuis des années, cette blogueuse partage en ligne des recettes et des tutos écolos, fait ses achats en vrac. « Mais cela s’adresse aux plus aisés et cela n’a pas changé grand chose, notamment sur les néonicotinoïdes ». Marie, qui dit « avoir les nerfs », ne sait plus quoi faire. « Là, ce sont des actions accessibles à tous et, pour la première fois, les géants du sucre sont déstabilisés ! »
Dans une une note interne révélée par Reporterre, Carrefour s’inquiète en effet de l’augmentation des adeptes de la Ronce sur Instagram et relève que certains magasins doivent retirer les produits ciblés de leurs rayons ou les déplacer près des caisses pour mieux les surveiller.
La Ronce rapporte des répercussions plus importantes encore pour ce type d’actions : en Suède, après que quelques centaines de personnes se sont mises à dégonfler les pneus de SUV en 2007, les ventes ont chuté de 27 % et un débat public s’est ouvert sur l’usage de ces véhicules polluants.
Mais la Ronce suscite bien sûr des critiques sur les réseaux sociaux, y compris chez les écolos. En sabotant les paquets de sucre ou les SUV, le mouvement est accusée de gaspillage. Certains redoutent même que ces actions véhiculent une image de l’écologie trop « bourgeoise », qui se soucie davantage de la fin du monde que de la fin du mois. « Quelle culpabilité de gâcher une denrée que certains ne peuvent pas s’acheter 🙁 mais bon je dis ça parce que je suis travailleuse sociale… », regrette lesjardinsdezoe.
D’autres dénoncent une forme de violence, pouvant susciter un rejet encore plus fort de l’écologie, et appellent à cibler les entreprises dénoncées plus que les particuliers : « Le sabotage (même léger) de SUV va surtout empêcher ces derniers de se rendre au boulot ou emmener un enfant à un rdv médical. Serait-il possible d’envisager des actions qui ont des conséquences sur les grands groupes et non sur des particuliers pris au hasard ? », demande un internaute. « Il faudrait directement aller dans les usines pour les emmerder », renchérit leycamille
Des critiques que Marie entend. Mais si elle compatit sincèrement avec les familles qui trouveraient leur SUV dégonflé, elle leur demande de comprendre : « Ce n’est pas contre eux, c’est pour sauver le futur. »
Même discours chez la Ronce : « Quand on voit les conséquences horribles du réchauffement climatique et de la disparition des espèces, on a du mal à se dire que dégonfler un pneu ou retirer un bouchon c’est “aller trop loin”».
Pour éviter les dérapages, la Ronce rappelle que son « protocole de sécurité » prévoit de ne jamais porter atteinte à l’intégrité des personnes. Elle, en revanche, aurait reçu de nombreuses menaces de mort de propriétaires de SUV. « La “violence”, comme tout le monde aime en parler, n’est pas dans notre camp. »
Enfin, l’anonymat de la Ronce est pointé du doigt par des militants qui lui préfèrent la désobéissance civile à visage découvert, permettant de mieux encadrer et protéger les participants en cas de souci. « Alors les courageux… Qui êtes vous ? Facile d’inciter les autres à des actes délictuels mais il faudra en assumer les conséquences », interroge un internaute.
D’autres enfin y voient un mode d’action insuffisant en soi, mais un mode d’action utile parmi d’autres pour accélérer la transition écologique.
À condition bien sûr que cette Ronce, apparemment peu structurée, reste vivace dans la durée… Une prochaine action est en tout cas planifiée. Sur Instagram, la Ronce appelle graphistes et artistes à dessiner des affiches originales à placarder sur les panneaux publicitaires afin d’en dénoncer l’omniprésence, dès le mois de janvier.
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