Partager la publication "La startup qui veut vous libérer du réseau EDF grâce à l’énergie solaire"
Lorsqu’en France, un particulier installe des panneaux solaires sur son toit, ils ne servent pas directement à alimenter sa maison. L’énergie produite est revendue à EDF à un tarif d’achat garanti, avant d’être redistribuée autre part. « Or, le transport de l’énergie représente environ 50 % du prix payé par les consommateurs. Il serait beaucoup plus logique de consommer et produire l’énergie localement », explique Grégory Lamotte, PDG de Comwatt. « Chef d’entreprise et militant », il entend montrer que la troisième révolution industrielle n’est pas qu’un concept pour prospectiviste américain optimiste. Son crédo, c’est l’autoconsommation électrique, ou « énergie potagère », comme il l’appelle.
Le problème, reconnaît Grégory Lamotte, c’est que les pics de production d’énergie renouvelable ne coïncident pas avec les pics de consommation.
« Les panneaux solaires ont un rendement maximum l’après-midi, lorsque les gens sont au travail, et arrêtent de produire de l’énergie à 19 h, au moment les foyers en ont le plus besoin.
» Pour satisfaire ce besoin éphémère, le réseau électrique national est sollicité. Mais l’utilisation de ce réseau tentaculaire coûte cher.
L’objectif de Comwatt est, au contraire, d’adapter la demande électrique à l’offre locale : autrement dit de faire coïncider la consommation électrique des foyers et la production d’énergie renouvelable. Pour cela, l’entreprise a mis au point l’
Indepbox, un boitier connecté qui permet d’affecter en temps réel l’électricité produite par les panneaux solaires d’un foyer : chauffer l’eau du cumulus, démarrer une machine… Autant de tâches qui pourront donc être effectuée au moment où l’énergie solaire est disponible. L’Indepbox peut aussi, en cas de pénurie d’énergie, « déconnecter » brièvement certains appareils électroniques comme le congélateur, dont l’inertie thermique permet de fonctionner quelques heures sans alimentation. Oublié, le pic de consommation de 19 h. Lorsque le réseau électrique prend le relai des panneaux solaires, il se retrouve infiniment moins sollicité, ce qui engendre des coûts de transport d’électricité bien moindre.
Tant qu’à viser l’autonomie énergétique, pourquoi ne pas s’affranchir totalement du réseau électrique, en utilisant des batteries pour stocker l’énergie ?
« Trop cher, répond sans hésiter le PDG.
Et au bout de quelques années, leurs capacités commencent déjà à faiblir. » Mais déjà, le système proposé par Comwatt permettrait de réduire de 70 % les factures.
Reste à convaincre la France de se convertir à un tel système. « J’ai beaucoup de copains de promo qui bossent dans le pétrole ou le gaz des schiste et qui me charrient. On nous répète que l’écologie, c’est bien, mais qu’on a pas les moyens. Or l’écologie est rentable ! » À défaut de ses copains de promos, l’ancien ingénieur et son boitier connecté ont convaincu la BPI (lauréat du concours Émergence 2013), le Salon International des énergies renouvelables 2013 (médaille d’or), le Salon Smart grids 2014 (médaille d’or)
Réseau local d’énergie
Comwatt, qui a déjà équipé 500 foyers dans le sud de la France, prévoit de quadrupler la mise en 2015. Selon l’entrepreneur, l’environnement économique et législatif va favoriser l’autoconsommation dans les années à venir. D’abord, parce que le coût des panneaux solaires baisse pendant que leur capacité de production augmente.
« Aujourd’hui, la seule énergie moins chère que le solaire, c’est le charbon. Et encore, les courbes devraient se croiser autour de 2019. » Ensuite, parce que le tarif de rachat de l’énergie renouvelable garanti par EDF devrait bientôt disparaître, sous la pression de l’Union Européenne, rendant la revente au réseau beaucoup moins intéressante.
« De grand opérateurs d’énergie renouvelables, comme Quadran, troisième producteur de solaire en France, se demandent déjà à qui ils vont pouvoir vendre leur production. » Si l’autoconsommation s’impose dans les dix ans à venir, Comwatt sera prêt pour la seconde étape : la distribution intelligente et décentralisée de l’électricité, grâce à un Internet de l’énergie. « Aujourd’hui, c’est encore compliqué de revendre à voisin car le transport du courant fonctionne en France sur le modèle du timbre poste : on paie le même prix quelle que soit la distance, un mètre ou un kilomètre. » La situation, là aussi, va changer : si les réseaux basse et moyenne tension appartiennent aux collectivités, les concessions que ces dernières avaient accordé à EDF et RTE (réseau de transport d’électricité) arrivent à expiration. Certaines collectivités pourraient choisir de reprendre le contrôle de leur réseau pour mieux gérer la production et la distribution d’énergie à l’échelle locale.
« C’est déjà ce qui se passe en Allemagne, analyse Yves Heuillard, rédacteur en chef de développement durable magazine.
À Hambourg, l’organisme public Hamburg Energie alimente la ville en électricité 100 % renouvelable et locale. » Si l’Allemagne inspire Gregory Lamotte, elle est aussi un marché à conquérir :
« Lorsque les énergies renouvelables se mettent en route là-bas, c’est monstrueux, les prix de l’énergie s’effondrent et deviennent parfois négatifs ! Si nos box étaient vendues là-bas, on pourrait chauffer des millions de cumulus pendant les pics de production et optimiser le marché. » Pour favoriser l’échange local d’énergie, l’Allemagne a d’ailleurs instauré l’utilisation gratuite du réseau électrique dans un rayon de trois kilomètres autour du lieu de production.
Le nucléaire discrédité
Les intérêts de Comwatt et d’EDF ne sont toutefois pas si divergents qu’il n’y parait. D’un côté, la startup créé un manque à gagner pour l’opérateur national. « La réduction des factures, c’est un peu pour eux comme les campagnes anti-tabac pour les buralistes », commente Grégory Lamotte. De l’autre, EDF pourrait trouver son compte dans des réseaux locaux qui lui permettent d’alléger le coût faramineux du transport d’électricité et la taille de ses canaux de distribution.
Surtout, chez les patrons de l’énergie, la transition est aussi en marche, estime le PDG de Comwatt.
« Il y a une prise de conscience du coût faramineux de l’énergie nucléaire, avec des chantiers comme celui de l’EPR construit par Areva et EDF en Finlande qui devrait coûter huit milliards au lieu des trois prévus. Sans parler des retards de livraison. » Selon Gregory Lamotte, les récents
changements de têtes à la direction d’EDF, GDF ou Areva n’y seraient pas étrangers… Le plafonnement de la production nucléaire, récemment inscrit dans la loi de transition énergétique, sera-t-il le point de départ d’une nouvelle ère énergétique pour la France ? Comwatt veut y croire.