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Lappeenranta : la ville où l’on vit dans le futur

En apparence, c’est une cité tranquille comme il en existe de nombreuses en Finlande. Une université reconnue, un lac peuplé de saumons où flottent d’élégants esquifs pour les sorties dominicales, un sauna municipal pour les froides journées d’hiver, d’immenses forêts de pins et de feuillus… Une ville banale en somme, à un détail près : à Lappeenranta, en Carélie du Sud, on vit déjà dans le futur.

La 13e ville de Finlande (73 000 habitants) est pionnière dans le domaine de l’écologie. Cinq, dix, quinze ans…

Difficile d’estimer son avance prise sur le chemin de l’environnement. Il faut dire que la ville, dont l’économie repose sur l’industrie du bois et le tourisme, est partie bien à l’heure. “Le tout premier programme municipal de développement durable date du début des années 1990, se souvient le maire Kimmo Jarva. Depuis, nous n’avons cessé d’accélérer la cadence.”

Cet article a initialement été publié dans le cadre de notre dossier COP26 dans WE DEMAIN n° 35. Un numéro toujours disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

Lappeenranta : ville verte de l’année

Aujourd’hui, 100  % de l’électricité consommée par la ville est issue de sources renouvelables. Lappeenranta fut même la première ville à n’utiliser qu’exclusivement de l’électricité certifiée par leinternational EKOénergy. L’énergie est produite localement, via le vent – le parc éolien terrestre, avec ses 21 MW, est le plus puissant du pays – ou par la biomasse : une centrale alimentée avec les biodéchets de l’industrie du bois fournit 85  % de la demande de chauffage. Le taux de recyclage des déchets est de 100  %. Lappeenranta a rendu obligatoire le tri des biodéchets (séparés des déchets secs) en 2002. Quatorze ans avant que la loi finlandaise ne l’impose. Ici, même le sable qui sert à décaper les chaussées est réutilisé.

Ces performances ne sont pas passées inaperçues. En octobre 2020, une heureuse nouvelle est venue bousculer la tranquillité locale : la discrète ville moyenne finlandaise a décroché le prix de la Feuille verte européenne 2021, décerné par la Commission européenne à des villes de 20 000 à 100 000 habitants pour leur engagement en faveur du développement durable. Un coup de projecteur qui a ravi l’équipe municipale. “Il suffit de voir nos têtes sur la photo souvenir pour comprendre notre joie…, plaisante quelques mois plus tard Ilkka Räsänen, directeur de l’Environnement. Plus sérieusement, c’est une vraie fierté pour nous, et l’occasion d’un rayonnement international inespéré.”

La centrale, alimentée avec les biodéchets de l’industrie du bois, fournit 85  % de la demande de chauffage. (Crédit : Mikko Nikkinen)

Zéro carbone, zéro déchet

Grisée par cette course à la vertu écologique, Lappeenranta ne compte pas s’arrêter là. Elle s’est fixé un agenda inédit en matière d’environnement : être une ville neutre en carbone
dès 2030, et zéro déchet en 2050. “Il faudra pour cela réduire de 80  % les émissions de CO2 par rapport au niveau de 2007. Et compenser les 20  % restants par des puits de carbone”, prévient le maire Kimmo Jarva. Des objectifs qui prennent de vitesse les ambitions nationales pourtant parmi les plus fortes de la planète. La Finlande vise la neutralité carbone à l’horizon 2035… quand la France l’espère en 2050.

Lappeenranta le sait, elle a encore beaucoup à faire pour concrétiser son slogan “Lappeenranta is green for real” (Lappeenranta est verte pour de vrai). Le mode opératoire est clair : “Il n’y a pas de recette miracle, il faut travailler en réseau, encore et toujours, explique le maire. Ce sont les citoyens, les chercheurs de l’université, et les petites et grandes entreprises, qui ont le pouvoir d’agir. Nous, en tant qu’équipe municipale, nous sommes là pour piloter l’ensemble et offrir les outils de coordination.”

Ilkka Räsänen de préciser : “Ce triptyque est fondamental pour obtenir des résultats tangibles. Les citoyens contribuent par leur mode de vie, l’université par la recherche et l’innovation, et les entreprises par la création d’emplois et de solutions techniques.”

Pionnière, la politique écologique de la ville est conduite par Ilkka Räsänen, directeur de l’Environnement, ici sur son triporteur électrique. (Crédit : Mikko Nikkinen)

À lire aussi : Comment la ville de Lahti est devenue la capitale verte de l’Europe ?

Entreprises et étudiants mobilisés

Et Lappeenranta de multiplier les efforts pour embarquer tout ce petit monde dans sa verte aventure. Les entreprises, d’abord, sont incitées à rejoindre le Greenreality Network, la plateforme des acteurs économiques pro-environnement. 

La ville leur fournit alors une assistance gratuite pour mieux gérer leur consommation d’énergie et d’eau, réduire leurs déchets, rationaliser leur logistique, et communiquer sur leurs progrès auprès des citoyens. Compagnie de taxi, restaurateurs, magasins d’alimentation ou de vêtements, usines, imprimeur ou brasserie… des dizaines d’entreprises ont adhéré.

L’université de technologie de Lappeenranta (LUT), ensuite, a été placée au cœur du dispositif. Elle s’est progressivement spécialisée, au point de concentrer aujourd’hui 40  % de la recherche scientifique nationale en matière d’énergie. Pour capitaliser sur cette matière grise, la ville l’a dotée d’une mission stratégique : bûcher, en lien avec les entreprises locales, sur des innovations et des solutions aux questions énergétiques, de propreté de l’air et de l’eau. Est ainsi née la petite turbine à gaz la plus efficace sur le marché mondial pour la production d’énergie renouvelable.

Ou les plus grandes éoliennes de la planète. Ou encore le système de transmission électrique du plus puissant e-ferry (100  % électrique) jamais bâti. La LUT est par ailleurs pionnière dans la recherche sur les carburants synthétiques, basés sur la technologie “Power-to-X”. Ou produire, à partir de CO2 et d’hydrogène, un nouveau combustible neutre en carbone.

La dépollution des eaux à Lappeenranta

Pour être dans le ton, l’université de Lappeenranta s’est imposé une exemplarité redoutable : viser un bilan carbone négatif dès 2024. C’est-à-dire dans trois petites années. “Et ce, sans planter d’arbres, comme tout le monde aime à le faire ces temps-ci…, précise le recteur Juha-Matti Saksa. Mais en agissant à la source : sur la mobilité, l’électricité et la restauration.”

La stratégie de la ville est maligne : une telle concentration de véloces cerveaux booste l’emploi (12  % de la main-d’œuvre locale travaille dans des entreprises à visée environnementale) et fait de son territoire le terrain de jeu des innovateurs… 

Les retombées sont concrètes. La station high-tech de Kivisalmi, conçue à l’université, dépollue à toute vitesse les eaux du lac Saimaa, quatrième plus grand d’Europe et joyau touristique (2  millions de touristes russes y viennent chaque année) et écologique de Lappeenranta où s’ébat une espèce rare de phoques d’eau douce, le phoque annelé…

L’université est mise à contribution à une autre échelle : l’éveil des plus jeunes à l’environnement, grâce au programme Junior University. L’idée ? Les écoliers du primaire, des collégiens et lycéens sont invités sur le campus, où ils sont pris en charge par des scientifiques de haut vol. “Plus de 150 professeurs, 100 experts et jusqu’à 10 000 jeunes y participent chaque année, se réjouit Kati Koikkalainen, gestionnaire de durabilité à la LUT. Propreté de l’eau, énergie verte, économie circulaire… les sujets sont multiples et leurs applications très concrètes.”

Transparence des résultats

“L’un des buts de ce programme est d’atteindre, en passant par leurs enfants… les parents, précise Ilkka Räsänen. Formé aux gestes utiles, l’enfant transmet à la maison les bons réflexes pour économiser l’eau ou trier des déchets.” Car ce sont bien eux, les citoyens de Lappeenranta, qui complètent le trio gagnant. “Les convaincre n’est pas toujours aisé, car nous leur imposons des contraintes, concède Ilkka Räsänen. Mais le récent prix européen nous aidera à augmenter encore un peu plus l’acceptabilité de notre politique environnementale.”

Le tempérament des autochtones aide. “En politique, les Finlandais ont globalement le sang moins chaud que vous autres, Français”, sourit le maire Kimmo Jarva, dont les équipes communiquent par tous les canaux : réseaux sociaux, événements thématiques en ville, défis citoyens, budget participatif, festival zéro carbone, le premier de Finlande…

Et dans un souci de transparence, l’avancement des mesures et les résultats sont affichés en continu sur une page web dédiée, baptisée le Moniteur du climat. On peut y suivre 
le rythme de baisse des émissions de CO2 et leur corrélation avec l’objectif 2030 de neutralité de la ville, l’objectif sacré du maire : “Nous sommes déjà à mi-chemin.” 

À lire aussi : COP26 : l’Écosse, bon élève de la transition écologique

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