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Le gouvernement crée un délit d’écocide

Barbara Pompili et Eric Dupond-Moretti ont annoncé ce dimanche la création d’un “délit d’écocide” dans le droit français. Une mesure accueillie plutôt fraîchement par les militants écologistes.

Le 23/11/2020 par Pauline Vallée
L'écocide avait déjà fait l'objet d'une proposition de loi en 2019, avant d'être rejeté par le Sénat. Crédit : Shutterstock
L'écocide avait déjà fait l'objet d'une proposition de loi en 2019, avant d'être rejeté par le Sénat. Crédit : Shutterstock

Les militants voulaient en faire un “crime”, ce sera finalement un délit. La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti ont annoncé dimanche 22 novembre, dans un entretien publié par le Journal du dimanche, la création prochaine d’un “délit d’écocide”. 

Cette annonce survient cinq mois après le rendu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui appelait à légiférer sur la question, et un mois après la création d’une alliance parlementaire internationale dédiée.

Plus précisément, deux nouveaux délits vont être créés. Un premier “délit général de pollution” prévoit des peines allant de trois à dix ans d’emprisonnement et 375 000 euros à 4,5 millions d’euros d’amende. “Aujourd’hui, certains choisissent de polluer car cela leur coûte moins cher. Par exemple, il est moins onéreux d’ouvrir ses silos à béton et de polluer un fleuve que de les faire nettoyer par des professionnels. Ça va changer”, assure Eric Dupond-Moretti dans le JDD.

Le second délit “de mise en danger de l’environnement” sanctionnera le non-respect d’obligations de sûreté pouvant entraîner une pollution, et ce “même si la pollution n’a pas lieu“. Le fautif risque alors une peine d’un an d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Quant à requalifier l’écocide en “crime”, comme le souhaitait la Convention Citoyenne, le Garde des Sceaux a souligné que c’était impossible “pour des questions de proportionnalité entre l’infraction commise et la sanction encourue”.

Le délit d’écocide, “bonne nouvelle” ou mesure incomplète ?

L’écocide avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi en 2019 du groupe des députés socialistes et apparentés, avant d’être rejeté par le Sénat.

Cette nouvelle mesure a fait l’objet de réactions mitigées dans la sphère militante. “Même si c’est une amélioration du droit à saluer, […] la proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la [Convention citoyenne] et ne correspond pas aux définitions internationales de l’écocide”, déplore le réalisateur Cyril Dion sur Twitter.

La juriste Valérie Cabanes s’est également fendu d’un tweet très critique vis-à-vis de la proposition du gouvernement.

L’eurodéputée Marie Toussaint, à l’origine de la campagne L’Affaire du siècle et de l’Alliance parlementaire internationale pour la reconnaissance de l’écocide, salue pour sa part, dans une tribune publiée par le JDD ce dimanche, une décision “salutaire” mais qui ne constitue finalement qu’une “mise à jour et une application (tardive) d’une directive européenne de 2008”.

D’autres personnalités qualifient les déclarations des ministres de “bonne nouvelle”. “La mise en place d’un tel délit permettrait de sanctionner un fait avant même qu’un dommage environnemental ait eu lieu. On serait donc dans de la prévention, ce qui manque cruellement dans le droit pénal de l’environnement”, explique l’avocat Arnaud Gossement dans Libération. Avant de tempérer : “Dans certaines affaires, prouver le fait en question ne sera pas forcément simple. Il faudra aussi apporter la preuve du risque de ce futur dommage environnemental.”

Reste la question des moyens qui seront mobilisés pour faire respecter le droit. Les deux ministres ont indiqué vouloir créé une “juridiction spécialisée de l’environnement”. Cela se traduira notamment par l’implantation d’un tribunal dédié aux questions environnementales dans chaque cour d’appel, mais aussi la création d’un statut d’officier de police judiciaire pour les inspecteurs de l’environnement.

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