Le sol c’est… nous. C’est là que des micro-organismes, champignons et bactéries, en décomposant la matière organique morte et en s’attaquant aux roches, libèrent les éléments qui nourrissent les plantes. Et, de là, les éléments qui nous constituent : potassium, calcium, phosphore, azote, mais aussi fer, magnésium et oligoéléments divers…
Notre lien intime et constitutif au sol se reflète dans le fait que les polluants du sol nous contaminent : c’est du sol que viennent une partie des résidus de pesticides alimentaires que nous ingérons ; c’est de là que le cadmium, un métal lourd extrêmement toxique qui contamine les engrais minéraux phosphatés, surcontamine plus d’un Français sur deux, entraînant l’augmentation des cancers du pancréas (+3 % par an) et 30 % des symptômes d’ostéoporose ! À l’inverse, un sol sain, par exemple aux mains d’une agriculture limitant les pesticides et utilisant des engrais organiques, nourrit des humains plus sainement. L’étymologie commune entre humus et humain prend un sens nouveau au regard de la vision moderne des flux de matière.
Eau fertile
Le sol nous façonne aussi par le biais de l’eau : sur les terres émergées, il la reçoit et la recueille dans les trous engendrés par la vie du sol, des vers de terre aux acariens en passant par des amibes et de petites bactéries mobiles qui le taraudent. Un mètre carré de sol peut stocker de 50 à 400 litres d’eau, selon les régions ! Là, l’eau des pluies est filtrée et les molécules qu’elle a captées dans l’atmosphère sont détruites par les microbes. Le sol est non seulement le réceptacle, mais aussi le garant de la pureté de l’eau, avant son transfert dans les nappes ou les rivières.
Certes, ce filtre est parfois encrassé : 98 % des sols français contiennent des pesticides, même s’ils n’en ont pas reçu directement, et bien que leurs microbes détruisent 80 % des pesticides reçus, certains en relâchent dans l’eau. Mais une meilleure gestion des sols peut faire une eau plus propre demain. Cette eau s’échappe finalement des sols et emporte une partie de leur fertilité. C’est elle qui nourrit algues et poissons, dans les rivières, les lacs et aussi les littoraux où se concentre l’essentiel de la pêche : nous ne mangerions pas de poisson, ou tout au moins pas autant, si les sols ne fertilisaient pas l’océan.
Air pur
On s’aperçoit enfin aujourd’hui que le sol fait aussi la qualité de l’air : après la pluie, l’atmosphère du sol s’échappe… Elle emporte notamment de la géosmine, une molécule produite par les bactéries du sol qui donne son odeur à la terre, mais aussi le parfum très particulier qui règne après la pluie. Cet air a été purifié par l’activité des microbes du sol… mais ici encore, si le sol est pollué de pesticides, ces derniers produisent des résidus qui passent dans l’atmosphère : c’est ainsi qu’on détecte des pesticides anciens (lindane interdit depuis 1998 et PCB interdits depuis 1987) dans l’air d’Occitanie, relâchés par les sols.
Mais ne vous leurrez pas, il y a une bonne nouvelle : d’habitude, et demain si nous les soignons mieux, les sols aident à purifier l’air. Imperscrutable (insondable, ndlr), noir, fait d’une vie trop petite pour être vue à l’œil nu, et surtout méprisé dans nos visions culturelles, le sol et la vie qu’il contient, c’est nous et notre vie. Notre alimentation, notre eau, notre air, notre santé : il nous faut le comprendre et, si nous aimons nos enfants, nous devons leur laisser en héritage des sols intacts, promesses de santé.
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