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Nantes, le cap vert pour un nouveau mode de ville

Parmi les herbes hautes, l’écarlate des coquelicots plage et de l’impasse des Civeliers, un petit tunnel permet au piéton de rejoindre la rive droite de la Loire. Le fleuve étire vers l’ouest la bourgade, les rails, la piste cyclable, au-delà desquels il prend ses aises dans les prairies riveraines. Et devient visible au passant. À 15 kilomètres à l’est de Nantes, Mauves-sur-Loire est une porte d’entrée de la métropole (24 communes, 678 000 habitants).

Il faut être à pied ou en vélo pour suivre le dernier fleuve sauvage du pays. L’auto est renvoyée à son enfer urbain, sans paysage ligérien. Comme ceux de Mauves, les ponts-cages de Thouaré sont de métal peint en bleu clair, rappel des événements estivaux (guinguettes, cabines de plage, pétanque) orchestrés sur les berges par Le Voyage à Nantes, le joli nom de l’office de tourisme de la Métropole. Thouaré assure sa part du gîte et du couvert pour la faune et la flore sauvages avec la conservation d’une forêt de rive (une ripisylve disent les savants).

Une continuation écologique le long de la Loire

La continuation écologique ménagée par la Loire offre aussi une jolie promenade où personne ne s’offense d’un buisson de ronces ou d’orties. Cette attention nouvelle à la nature trouve un écho en centre-ville où, en 2021, le premier budget participatif de la municipalité a voté la création de la forêt du Pré Poulain – une miniforêt de 900 arbres – îlot de fraîcheur et de biodiversité. Le fleuve nous amène à Sainte-Luce au lieu-dit Bellevue qui porte bien son nom. Face au fleuve, 150 maisons nichées dans des impasses aux noms évocateurs – Boucaniers, Frégate, Cap- horniers, Matelot, Corvette, Caravelle… – admirent la Loire.

Ombres d’un passé effacé par l’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle qui assécha la navigation fluviale. Plus tard, le train, la bicyclette et les congés payés permirent aux ouvriers nantais de venir ici à la plage ou de cultiver un lopin. Une mémoire exhu-mée par La Sablière, une buvette-restaurant qui a installé chaises longues, parasols, bancs, tables, à la place d’une ancienne trémie utilisée pour l’extraction du sable. Cette réoccupation d’un lieu industriel par une activité ludique, touristique ou une œuvre d’art est un signe caractéristique de la manière dont Le Voyage à Nantes investit habilement l’histoire d’un lieu.

La petite Amazonie, une jungle urbaine

À Bellevue, entre deux marées, le niveau de la Loire peut varier de 4 mètres, bien qu’à 80 kilomètres de son embouchure. Cette qualité d’estuaire favorise la pêche artisanale, réapparue en 1989. On peut désormais se fournir ici en sandre, brochet, anguille, mulet, silure. Le tissu pavillonnaire de Sainte-Luce finit sur le petit vallon boisé du ruisseau de l’Aubinière, affluent de la Loire, à l’extrémité orientale de ce que les élus métropolitains nomment « l’Étoile verte », c’est-à-dire la mise en connexion des coulées vertes que sont la dizaine de cours d’eau de ce territoire avec la centaine de grands parcs et espaces verts.

Nous l’explorerons plus loin. La Loire conduit à Malakoff. Cette « zone à urbaniser en priorité » construite au tournant des années 1970 a profondément changé. Les célèbres « bananes » (nom local des immeubles courbes) sont toujours là mais des logements ont été détruits, cédant la place à des habitation neuves jouant des variations de style, de hauteurs et de couleurs avec le vieux quartier sensible.

Une rénovation en concertation avec les habitants

L’ensemble des façades a été rénové et le quartier autrefois isolé est désormais désenclavé par des lignes de bus, par un pont le reliant à « l’île de Nantes », le nouveau centre-ville, et par la nouvelle passerelle de la gare qui enjambe les voies. La concertation avec les habitants a défini leurs besoins : rénovation des écoles, maison de quartier, bibliothèque, piscine. Logements en accession abordable à la propriété, un dispositif métropolitain permettant, sous conditions de ressources, d’avoir un « prêt social location-accession » ou de bénéficier d’un « bail réel et solidaire » aux termes duquel le terrain est dissocié du bâti afin de n’acheter que les murs.

Derrière les immeubles de Malakoff, enchâssé dans l’entrelac des voies ferrées, un délaissé marécageux est devenu, en trente ans, une véritable jungle urbaine, baptisée la Petite Amazonie, classée zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floris- tique (Znieff) – elle est interdite au public sauf lors de visites en petits groupes, organisées par la Ligue de protection des oiseaux (LPO).

Un petit paradis pour la biodiversité

Sous la voûte des chênes, ormes et frênes, on y admire en silence les bonds graciles d’un chevreuil ou le feu d’un renard. À l’approche des saules, s’offrent, à qui sait patienter, la flèche bleue d’un martin-pêcheur, le gris élégant du héron cendré. Les eaux calmes sont le refuge de ragondins, de tritons palmés, de grenouilles vertes. Les herbes bruissent de grillons, fourmillent de sauterelles et de mantes.

Les conditions d’humidité et de salinité font prospérer l’angélique des estuaires, plante endémique française, protégée. Elle ne fleurit qu’une fois, ses ombelles blanches signent la mort de la plante mais façonne chaque fleur en un bouquet qui, en lui confiant 100 000 graines, font de la Loire la messagère de son futur.

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