Nettoyage des déchets du Pacifique : le projet fou de Boyan Slat débutera en 2018

Depuis l’âge de 16 ans et une plongée dans les eaux grecques, où il se souvient avoir vu “plus de sac plastique que de poissons”, Boyan Slat n’a qu’une obsession : débarrasser l’océan de ses déchets plastique.

Jeudi 11 mai, le jeune PDG de 22 ans, à la tête de la fondation néerlandaise The Ocean Cleanup annonçait le lancement de son système pour l’année 2018, soit deux ans avant la date prévue.

Lancée en 2013, sa fondation développe des technologies de pointe pour débarrasser les océans du plastique, en exploitant les courants marins naturels.

À l’origine, il s’agissait de déployer, au niveau des vortex de plastique, un cylindre flottant de 100 kilomètres en forme de “V” fixé au plancher océanique par des amarres. Sous l’eau, des écrans verticaux immergés à trois mètres de profondeur devaient bloquer les déchets plastique qui évoluent à la surface des océans, tout en laissant le plancton et les poissons poursuivre leur route.

De petites barrières récolteuses de plastique

Au cours de leurs essais, les ingénieurs de la fondation néerlandaise ont réalisé qu’il serait plus efficace de récupérer le plastique à l’aide de plusieurs petites barrières mobiles — une cinquantaine —, mesurant chacune un à deux kilomètres, au lieu d’en utiliser une seule de 100 kilomètres de long.

Voici comment l’idée a cheminé dans l’esprit des membres du projet :

C’est en s’intéressant à la relation qui existe entre la vitesse du courant et la profondeur que l’équipe de Boyan Slat a décidé d’adapter son système. “À la surface, le courant est relativement rapide : 17 à 18 centimètres par seconde. En allant seulement à quelques centaines de mètres de profondeur, la vitesse passe à 3 centimètres par seconde”, a expliqué le jeune PDG lors de sa présentation.

En observant que la vitesse de l’eau varie depuis la surface jusqu’au fond, les membres de Ocean Cleanup s’interrogent : “Si au lieu de fixer notre système au plancher océanique, nous le ‘fixions’ à cette couche d’eau profonde ?”

Pour ralentir et stabiliser ces barrières récolteuses de plastique, l’équipe envisage de les relier à des ancres de douze mètres de long, elles-mêmes suspendues à cette couche d’eau profonde.
 

 Cela signifie que nous n’avons plus besoin d’aller en profondeur [] que nous n’avons pas besoin de comprendre de quoi est se compose le fond marin, s’il s’agit de roche, d’argile ou encore de sable, se réjouit Boyan Slat.

Un système “plus simple, moins coûteux et plus efficace”

Libre de pivoter, le dispositif de The Ocean Cleanup évolue, à l’instar des déchets plastiques, au gré des courant. Pour attraper le plastique, il faut agir comme le plastique, résume Boyan Slat, qui précise que son dispositif se déplace plus lentement que ces détritus – grâce à la variation de vitesse des courants selon – permettant ainsi de les capturer.

Ce système a l’avantage, selon l’entrepreneur néerlandais, d’être “plus simple, moins coûteux et plus efficace”. The Ocean Cleanup n’aura plus à financer un seul grand projet à 700 millions de dollars (environ 630 millions d’euros) mais pourra produire ces plus petits modules au fur et à mesure.

Le dispositif peut aussi mieux faire face aux intempéries. Pensez à ce qu’il se passerait si un tel système était touché par une tempête. À l’origine, lorsque l’ancien système était encore fixé au fond marin, il devait résister à la force de l’océan le frappant. Mais maintenant que le système de nettoyage dérive il doit absorber seulement une fraction de ce force.”

The Ocean Cleanup espère nettoyer 50 % de la grande plaque de déchets du Pacifique d’ici cinq ans, contre 42 % en dix ans, comme son fondateur l’envisageait au départ. Concernant le plastique récupéré, ils espèrent le recycler.

The Ocean Cleanup laisse certains scientifiques sceptiques

Le jeune PDG néerlandais a beau avoir perfectionné son invention, il continue à faire des sceptiques. “Mettre l’accent sur le nettoyage de ces vortex, selon de la plupart des scientifiques, est un gaspillage d’effort”, estime le biologiste marin Jan van Franeker de l’institut Wageningen Marine Research aux Pays-Bas au magazine Science. Et d’ajouter : “c’est beaucoup d’argent pour réduire quelque chose qui disparaît dans 10 à 20 ans, si vous stoppez son arrivée dans les océans.”

Comme pour répondre à ces critiques, Boyan Slat a montré lors de sa présentation plusieurs morceaux de plastique récupérés par The Ocean Cleanup en 2016, dont le dos d’une console Gameboy datant de 1995. Ce morceau de plastique est aussi vieux que moi. Après deux décennies, il n’a quasiment pas changé”, constate-t-il.
 
À long terme, ces gros morceaux se désagrègent en micro plastiques, très dangereux pour les animaux marins. Chaque année, les déchets plastique causent la mort de plus d’un million d’oiseaux marins et de plus de 100 000 mammifères marins selon l’UNESCO.

C’est la dangerosité de ces plastiques pour la santé des animaux qui préoccupe le plus Boyan Slat. Le plastique s’accumule, il ne disparaît pas. La seule façon de le réduire est de nettoyer les océans.

Les critiques s’inquiètent également du fait que ce projet de nettoyage de haute technologie puissent ruiner les efforts déjà accomplis pour limiter l’utilisation du plastique : changement des modes de production, des habitudes de consommation, emploi de matériaux biodégradables. “Nous devons faire les deux”, assure Boyan Slat au magazine Science.
 

“Nous devons intercepter le plastique avant qu’il ne devienne un plastique océanique. Et nous devons nettoyer ce qui est là-bas”.

Le test du premier système débutera sur la côte ouest américaine d’ici fin 2017. Avec un premier déploiement dans le vortex de déchets de l’Océan Pacifique prévu en 2018, The Ocean Cleanup commencera sa mission deux ans avant l’échéance prévue.

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