Pollution des sols : 50 citoyens attaquent grâce à la justice collaborative

Cultiver son potager, laisser ses enfants jouer en plein air… Autant de plaisirs simples que les habitants de Carrières-sous-Poissy doivent désormais éviter, sous peine de souffrir de saturnisme.
 
Comme 19 autres communes des Yvelines et du Val d’Oise, Carrières-sous-Poissy est en effet contaminée par les métaux lourds, dont le plomb. La faute à l’épandage des eaux usées de Paris, pratiquée de 1895 à 1999 sur ces terres afin de les rendre plus fertiles.
 
C’est ce que révèle une étude publiée en octobre par l’Agence régionale de santé (ARS). Et qui pourrait déclencher l’une des premières actions collectives grâce à une plateforme de justice collaborative : V pour Verdict.

Écoles et potagers contaminés

“On savait qu’il y avait une pollution sur ces terres car le préfet des Yvelines a signé un arrêté en l’an 2000 qui y interdit l’agriculture”, explique Anthony Effroy, président de Rives Seine Nature Environnement. Une association écologiste locale qui mène notamment des dépistages du plomb sur les populations à risque.
 

“La question, c’est pourquoi n’a-t-on pas empêché l’urbanisation, et notamment la création de jardins ouvriers ou de groupes scolaires ? Comment a-t-on pu en arriver là, avec des taux de plomb cinq fois supérieurs au seuil de risque sanitaire et sans information des populations locales ?”

 
Pour y répondre, Anthony Effroy et une cinquantaine de citoyens ont décidé de faire pression sur les pouvoirs publics. Pour cela, ils se sont tournés vers V pour Verdict. Une plateforme en ligne lancée en juillet dernier qui permet de mener des actions collectives en justice de façon simplifiée.

“Il y a un problème d’accès à la justice en France, notamment dans le droit de l’environnement, où il y a beaucoup de complexité et donc de coûts. Quand il faut payer 250 euros pour simplement consulter un avocat, c’est un peu le combat de David contre Goliath”, constate Bruno Aguiar, qui a cofondé V pour Verdict avec la juriste Elisabeth Gelot.
 
Grâce à son site, les plaignants peuvent désormais se regrouper afin de partager les frais d’un avocat. La plateforme automatise de plus toutes les tâches administratives comme la facturation ou la remontée des preuves.
 
Et la différence sur l’addition est de taille : “Pour une demande d’information comme celle-ci, il faut compter environ 1 200 euros, explique Maître Duverneuil, en charge du dossier. Si nous atteignons notre objectif de 600 requérants, cela ne coutera que deux euros par personne !”

“Briser ce silence coupable”

“Pendant un siècle, les industries ont rejeté directement leurs effluents toxiques dans les égouts. Des bouches en béton permettaient aux agriculteurs de récupérer ces eaux usées afin de les épandre dans leurs champs. Aujourd’hui, nous en payons les conséquences et des enfants sont gravement malades”, s’indigne Anthony Effroy, qui espère grâce à cette requête obtenir des données sur l’ensemble des polluants présents dans le sol.
 

“L’État a mené des études, mais les résultats n’ont pas été rendu publics. Nous souhaitons par cette action briser ce silence coupable et exiger l’application du droit à l’information en matière environnementale qui est garanti par la Constitution”.

 
Un processus fastidieux, bien que simplifié par les outils de la justice collaborative. Mais nécessaire pour déterminer les responsabilités, les préjudices… et permettre aux victimes d’exiger justice.

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