Respirer

Pour garder la forme cet automne, prenez un bain de forêt

Cette chronique a initialement été publiée dans le numéro 30 de la revue WE DEMAIN. Retrouvez la chronique du nutrithérapeute Jean-Paul Curtay dans chaque numéro.

Avec beaucoup de lenteur, la médecine se trouve forcée de reconnaître que les seuls moyens médicaux ne suffisent ni à conserver sa santé ni à guérir des maladies. Ainsi font leur chemin dans les recommandations de santé publique – et plus difficilement dans les prescriptions – des conseils d’alimentation, d’activité physique, d’optimisation du sommeil, de pratiques comme le yoga ou la méditation… Ces pratiques complémentaires finissent même par intéresser les services hospitaliers. 

Parmi elles, la sylvo­thérapie consiste tout simplement à sortir en forêt, au contact des arbres. Une discipline validée par de nombreux travaux. Pionnier, le docteur Qing Li, médecin immunologiste du département de santé publique de l’École japonaise de médecine, à Tokyo, a mené de nombreuses études sur les “bains de forêt” et les a fait connaître dans le monde entier. Le professeur Peter James, de l’école de santé publique la plus réputée du monde, à Harvard, s’y consacre quasi exclusivement.

Embrasser la forêt

Les bains de forêt ont acquis en quelques années une vraie popularité. Le Japon est leader dans le domaine. Plus de 60 parcours forestiers y ont été balisés, en combinaison avec des postes de contrôle médicaux, sous la supervision de l’École japonaise de médecine. Ils sont empruntés chaque année par plusieurs millions de visiteurs. Des structures d’accompagnement existent aussi en France, mais on peut très bien bénéficier de la forêt librement.

Pour quels bénéfices ? Tout d’abord, échapper à la pollution, car l’air de la forêt est riche en oxygène et pauvre en bactéries. L’agronome Georges Plaisance (1910-1998), pionnier de la discipline en France, relevait les comparaisons suivantes dans son ouvrage Forêt et santé : guide pratique de sylvothérapie (éd. Dangles, 1985) : 50 microbes par mètre cube d’air en forêt, contre 1 000 dans le parc Montsouris, à Paris, 88 000 sur les Champs-Élysées, 575 000 sur les grands boulevards et 4 000 000 dans les grands magasins ! 

Comme l’avait découvert dès 1928 le biologiste russe Boris Tokin, l’air de la forêt est riche en phytoncides, ces composés organiques volatils antimicrobiens émis par les arbres et les plantes herbacées pour se défendre contre les pathogènes. Cet air renforce aussi nos défenses immunitaires, en particulier nos lymphocytes “natural killers” (NK), qui luttent contre les cellules cancéreuses et sont capables d’éliminer des rétrovirus comme le VIH. Si les singes porteurs du virus ne sont pas malades du sida, c’est grâce à eux. Notons que les coronavirus sont eux aussi des rétrovirus.

Le fait d’être en forêt permet aussi d’échapper au stress causé par le bruit, les publicités et l’agitation. Stress qui, en plus de réduire les défenses anti-infectieuses, joue sur les troubles du sommeil, le surpoids, l’hypertension et la plupart des perturbations mentales (anxiété, dépression, jusqu’à l’hyperactivité ou la schizophrénie). Des études démontrent que les bains de forêt font baisser les médiateurs du stress : l’adrénaline dans les urines, le cortisol dans la salive, les scores d’anxiété et de dépression, ou l’hypertension.

Longévité augmentée

Les forêts ne sont pas seules à renforcer notre santé. Quel que soit le pays que l’on étudie, plus il y a d’espaces verts en ville, ou plus les personnes se rendent dans la nature, plus les scores de stress sont bas, plus les populations étudiées affichent un bon état de santé : moins de surpoids, de maladies cardiovasculaires, de cancers… Résultat, une hausse de la longévité et une mortalité réduite à tous les âges.

Des études montrent une amplification de ces effets en présence d’eau et avec la pratique de sport, au point que de nombreux programmes promeuvent toutes sortes d’activités physiques dans la nature. Cette “Green Gym”, initiée à partir des années 1990 par le docteur William Bird, à Oxford, a été adoptée dans de nombreux pays (Grande-Bretagne, Finlande, Canada, Corée du Sud…), que ce soit pour des personnes saines ou malades.

La médicalisation de la pratique s’est intensifiée avec les jardins thérapeutiques apparus ces dernières années dans des maisons de retraite, hôpitaux, centres de rééducation, cliniques psychiatriques… En France, l’association Belles Plantes a contribué à installer un jardin de soins à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Des sociétés de “Green Care” se développent en Belgique, Suisse, Autriche, Pays-Bas… et une formation de thérapeute horticulteur est délivrée par de plus en plus d’universités. Nous avons tous à gagner à nous plonger plus souvent dans la nature !

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