Pour sauver les abeilles, ils créent “l’Airbnb du miel”

“L’Airbnb du miel.” C’est la façon dont se présente Nearbees , une jeune start-up allemande qui met en relation consommateurs et apiculteurs locaux à partir d’une plateforme web gratuite.
 
Lancée en août 2014 par quatre amis dans l’agglomération de Munich, en Bavière, elle entend lutter simultanément contre trois problèmes : l’extinction des abeilles, les émissions de carbone dues à l’importation du miel et l’utilisation d’OGM et de pesticides dans sa production.

Baisse de production, regain de consommation
 
Vaste programme à l’heure où la production européenne de miel diminue d’année en année, alors même que sa consommation augmente. En Allemagne, le pays le plus gourmand en miel au monde avec 1,2 kg annuels consommé par habitant (contre 600 grammes en France), 98 % des pots vendus dans les supermarchés sont issus de l’importation. Crémeux ou liquide, des montagnes ou aux fleurs, le nectar de grande surface est en fait principalement issu d’Amérique du Sud et de Chine.

“Le marché de l’apiculture allemand est très petit par rapport à sa demande, et les apiculteurs allemands pratiquent cette activité par loisir principalement, faute de moyens pour lutter contre les multinationales du miel”, raconte Viktoria Schmidt, l’entrepreneuse et designer à la tête de Nearbees.

 
Cette femme de 27 ans ne tient pas son engagement de nulle part. Tout juste diplômée d’un master en industrie du design avec à la clé un mémoire sur “L’histoire des relations hommes-abeilles”, elle a été sensibilisée à la cause par son grand-père : “Quand il a cessé de produire son propre miel, j’ai vu les cerisiers du jardin arrêter de fleurir, par manque de pollinisation”, raconte Viktoria Schmidt. Dès lors, s’engager pour le maintien “d’une biodiversité de qualité” est devenu pour elle un enjeu majeur. Un équilibre dans lequel les abeilles jouent un rôle central.
 

“On peut importer du miel, mais l’on ne peut pas importer la capacité de pollinisation des abeilles”, poursuit Michael Gelhaus, cofondateur de la start-up, “et comme ces dernières survivent moins bien sans l’aide des apiculteurs, le maintien d’une culture locale est important”. 

 

Pour mener à bien leur projet, les quatre amis se sont entourés de quatre connaissances, avec lesquelles ils se sont lancés dans la phase test de leur projet, qu’ils ont autofinancée. De septembre 2014 à avril 2015, plus de 1 000 producteurs bavarois se sont joints à la plateforme, et plus de 1 000 lots de miel ont été vendus.

Le site se veut simple et didactique. Pour transmettre leur miel à ses inscrits, il suffit aux apiculteurs de le verser dans des enveloppes créées à cet effet par Nearbees. Conçues dans un matériau recyclable, ces dernières sont réutilisables et labellisées “Point Vert” (le logo allemand Grüner Punkt signifiant l’adhésion au système de contribution de recyclage des déchets).

Chaque enveloppe peut accueillir jusqu’à 400 grammes de miel. Les consommateurs les reçoivent directement chez eux (sans frais de port), ce qui, selon Viktoria Schmidt, réduit de 90 % les déchets d’emballage et considérablement les émissions de CO2, par rapport à l’achat de miel en pot de verre.

De leur côté, les apiculteurs présents sur le site doivent répondre à plusieurs obligations, dont celle de renoncer aux pesticides et aux herbicides et de ne pas produire leur miel à proximité d’exploitations qui utilisent ces produits ou des OGM. De même, pas question d’ajouter du sucre, comme c’est le cas dans nombre de miels industriels.

Pour financer cette plateforme collaborative, à laquelle l’inscription est gratuite, Nearbees retient 15 % de commission sur chaque échange. À noter que le prix du miel est fixé par chaque apiculteur – comptez entre 7,80 euros et 12 euros pour 400 grammes. Un prix plus élevé qu’en grande surface, que la start-up justifie par sa qualité.

Vainqueurs de plusieurs prix, dont celui de la meilleure entreprise sociale allemande en 2014, les huit membres de Nearbees visent à présent plus large. Sur Startnext , la plus grande communauté de financement participatif allemande, leur objectif est de collecter 40 000 euros pour s’étendre à tout le territoire allemand. À la fin de l’année 2015, les huit amis espèrent ainsi avoir réussi à sensibiliser les 100 000 apiculteurs amateurs. Et au moins autant de “consomm’acteurs”.

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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