Partager la publication "Réchauffement climatique : ces mamies font de la résistance !"
Le 24 octobre 2020, des militantes déroulent 300 mètres de fanions multicolores dans les rues de Bâle, en Suisse, et embarquent sur un bateau de Greenpeace. Objectif : déposer un recours pionnier contre l’État helvète pour négligence climatique devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Sur la photo de groupe, pas de lycéennes, pas de jeunes activistes, mais de fières têtes blanches.
Ces femmes appartiennent aux Aînées pour la protection du climat. Fondée en 2016, l’association suisse compte aujourd’hui près de 2000 adhérentes – âgées de 73 ans en moyenne. Des militantes pas moins combatives que leurs cadettes de la “Génération climat”.
“Les jeunes nous reprochent à raison d’avoir fait des erreurs. Les 30 glorieuses, l’ère des énergies fossiles à tout va ont conduit à une situation anxiogène. Aujourd’hui, leur mobilisation nous donne de l’énergie. En échange, nous essayons de leur transmettre notre expérience des combats précédents“, conte Anne Mahrer, co-présidente de l’association.
Les femmes âgées vulnérables au réchauffement
Car cette Suisse francophone n’en est pas à sa première bataille. Dans les années 1970, elle milite pour le droit de vote des femmes et contre le nucléaire. Elle s’engage ensuite en politique pour défendre l’environnement au niveau de sa commune, puis au Parlement. Quand sonne l’heure de la retraite, elle participe à la création de l’association.
“Les femmes âgées sont particulièrement affectées par les problèmes respiratoires et cardiaques accentués par les fortes chaleurs comme l’ont démontré la grande canicule de 2003 et des rapports de l’OMS”, explique-t-elle. L’idée n’est pas de défendre uniquement les séniores mais se concentrer sur un groupe vulnérable permet de pointer des risques très concrets devant la justice.
En faisant valoir leur vulnérabilité les Aînées déposent d’abord un recours pionnier au niveau du gouvernement en 2016. Elles dénoncent l’insuffisance des actions du pays pour respecter l’Accord de Paris sur le climat et garantir leur “droit à la santé”. Recours rejeté. Puis au niveau du Tribunal fédéral (la Cour suprême suisse), encore débouté. Ce qui leur permet d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme fin 2020, avec cette fois un espoir.
Notamment car la Cour européenne a jugé recevable une requête assez proche déposée par des jeunes portugais contre 33 pays européens, dont la Suisse. “Obtenir la recevabilité serait déjà un signal très fort, pour la Suisse et les 46 pays membres de la CEDH.” Les Aînées se sentent aussi confortées par la multiplication des procès pour inaction climatique initiés par des citoyens, celui de la fondation Urgenda aux Pays-Bas ou l’Affaire du siècle en France.
En attendant, les Aînées continuent leurs actions. Ensemble, elles ont gravi des glaciers suisses qu’elles voient fondre autour d’elles au fil des ans, ont distribué des sablés à l’effigie de la Terre au sommet de Davos en 2017, participent régulièrement à des réunions de sensibilisation. “Les retraités ont l’avantage d’avoir du temps pour s’engager.”
Elles militent aussi avec d’autres seniors – notamment avec l’association internationale, et mixte Grands-parents pour le climat, moins axée sur l’action judiciaire – et des plus jeunes. “Si nous gagnons, tout le monde – jeunes et moins jeunes – sera gagnant.”