Recyclage : « Les Français veulent une offre adaptée à leur quotidien »

Pourquoi avez vous décidé de créer Les joyeux recycleurs il y a un an ?

En 2012, j’ai passé un an en Afrique, notamment en Ouganda, où j’ai découvert que de nombreuses initiatives existaient, notamment avec les briquettes : les détritus abandonnés sont transformés en combustibles. Je suis revenu en France et j’ai pris conscience que nous étions vraiment en retard. Aujourd’hui deux tiers des déchets ne sont pas recyclés, alors que 80 à 90%  pourraient être valorisés. J’avais constaté qu’on pouvait faire plein de choses et je savais que les Français étaient mûrs pour ce genre d’initiatives. Avec un ami de Paris Dauphine, Gilles Rouverand, nous avons décidé de prendre les choses en main en tant qu’entrepreneurs.

Pourquoi la France a-t-elle autant de mal à trier et recycler efficacement ?

Le problème ce n’est pas le désintérêt des Français pour l’écologie. Ce n’est pas non plus la pénurie d’acteurs, de technologies ou de subventions. On a tout ça. Le vrai problème c’est qu’en France, le recyclage est beaucoup trop compliqué. Les politiques s’entêtent à multiplier les filières sans penser à l’aspect pratique. Ceux qui conçoivent le recyclage sont issus de domaines techniques, ce sont des ingénieurs qui ne pensent pas à faire des outils accessibles. À San Francisco, tout le monde recycle parce que c’est simple, il y a trois poubelles, une pour les emballages, une autre pour les bio déchets et une dernière pour tout ce qui reste. Le problème ce n’est donc pas que les Français ne veulent pas faire d’efforts, ils sont en attente, ils veulent simplement qu’il y ait une offre compatible avec leur quotidien. Les entrepreneurs sont là pour ça et l’État doit se servir d’eux comme un levier supplémentaire.

Face à ces problèmes, quelles sont les solutions proposées par votre plateforme web ?

On a remarqué qu’il y avait deux freins : d’abord un manque d’informations, les gens ne savent pas dans quelle poubelle jeter leur carton et ils finissent par le jeter dans une poubelle classique. À cela, notre réponse a été de créer une forme de « pages jaunes » des déchets avec des données claires et simples, où chaque objet est répertorié et classé. Le deuxième frein, c’est la collecte. Nous proposons donc, en région parisienne, des box que l’on récupère toutes les deux semaines dans les entreprises. On communique à l’entreprise le poids des déchets traités (papier, capsules de café, canettes…), de manière à ce que les gens aient bien conscience que même une fois jeté, l’objet continue d’exister.

Votre façon décalée de faire passer les messages se démarque du ton traditionnellement associé à l’écologie et au recyclage, sérieux et grave. Pourquoi ?

Adopter un ton « sympa » et « décalé » est une bonne manière de motiver les gens. Trop souvent, le recyclage est associé à un lexique coercitif. Voilà pourquoi nous avons décidé d’avoir des poubelles roses ! On ne veut pas donner de leçon, ni effrayer les gens avec des chiffres alarmistes. C’est le meilleur moyen d’intéresser ceux qui ne sont pas forcément sensibles à la question du recyclage.

Cette manière de communiquer n’est-elle pas aussi un appel du pied à la jeunesse ?

Contrairement à ce que l’on pense, les jeunes ne sont pas si irréprochables que ça niveau recyclage. Certes, ils ont reçu une éducation qui les a sensibilisés aux problèmes environnementaux, mais le taux de recyclage n’est vraiment pas bon (18 % des 15-24 avouent ne jamais trier, selon l’Observatoire du geste du tri). Ce n’est donc pas en terme d’âge que l’on réfléchit. On pense plutôt en terme de ville/campagne, parce que le taux de recyclage à la campagne est bien meilleur. Côté entreprises, on touche aussi bien les boîtes déjà sensibles aux problèmes d’écologie que celles qui sont moins engagées, dont l’attention est retenue par nos boîtes colorées. Aujourd’hui, près de 50 entreprises font appel à nos services, ce qui représente plus de 2000 salariés. 

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