Tony Estanguet : “On peut proposer des Jeux Olympiques propres et responsables”

D’où vient votre sensibilité à l’environnement, pas si répandue chez les champions ?

J’ai grandi dans le Sud-Ouest. Avec mon père, Henri, et mes deux frères, Aldric et Patrice, on a toujours pratiqué des sports de plein air : ski, kayak, planche à voile, etc. On faisait aussi beaucoup de camping. Quand la pratique sportive repose sur un contact direct avec le milieu naturel, on veille à le préserver. En eau vive, on est confronté au problème de la pollution des rivières, des déchets…

Comment comptez-vous faire pour relever le défi de “JO durables” ?

Notre projet, très compact, limite les émissions de gaz à effet de serre : 85 % des athlètes et staffs seront à moins de trente minutes de leurs sites de compétition et du village olympique. Les équipements construits auront tous une utilité ensuite (le centre aquatique, par exemple) et deux sur trois existent déjà (Stade de France, Roland-Garros, etc.). Le village olympique, qui sortira de terre à proximité du Stade de France, sera ainsi restitué au Grand Paris et fournira 3 000 logements.

“Les Jeux sont nés à Paris dans le but de parvenir à un monde meilleur”

Les promesses sont alléchantes, mais vos démarches seront-elles expertisées ?

Nous allons nous doter d’un Comité pour l’excellence environnementale, avec des experts et des ONG, pour nous challenger. Il y aura un gros travail sur la question de l’eau et du traitement des déchets. Le projet d’organiser le triathlon dans la Seine a d’ailleurs déjà permis de lancer un objectif d’amélioration de la qualité de l’eau du fleuve.

On en parle depuis 1988, l’année où Jacques Chirac annonçait qu’il se baignerait dans la Seine… cinq ans plus tard !

C’est vrai que cela n’a pas beaucoup avancé depuis, mais justement, la candidature pour les JO a relancé le chantier et, désormais, le cap est fixé : 2024 !

Au vu de la crise climatique et écologique, et de l’empreinte carbone d’un tel événement, les Jeux olympiques ont-ils encore un sens ?

Annuler les Jeux, ce serait un constat d’échec, cela signifierait qu’on n’a pas été capables de les faire évoluer ! On perdrait plus à ne pas les organiser. On a besoin des JO pour faire passer des messages forts auprès du plus grand nombre, autour d’enjeux comme le développement durable, l’accessibilité, la santé publique. En 1994, par exemple, les JO d’hiver de Lillehammer, en Norvège, ont été pionniers dans la sensibilisation du grand public au développement durable. Avec une force de frappe unique : 3 milliards et demi de spectateurs, 11 millions de billets vendus. On peut organiser des Jeux propres et responsables.

On en a aussi besoin pour accélérer la transformation des territoires. Londres a, par exemple, fait un pas de géant concernant l’accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées grâce aux JO 2012. Les Jeux sont nés à Paris dans le but de parvenir à un monde meilleur et je pense que, dans le contexte actuel, on a plus que jamais besoin de sport dans la société. Moi je sais ce qu’il m’a apporté en matière de bien-être, de plaisir, d’épanouissement personnel, d’école de la vie.

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