Transition énergétique : les annonces, les réactions des ONG

Réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Diviser par deux la consommation énergétique française d’ici à 2050. Faire passer la part du nucléaire dans le nucléaire de 75 % à 50 %. Les objectifs fixés par François Hollande ont été réaffirmés par Ségolène Royal lors de la présentation du projet de loi de programmation pour la transition énergétique. Pour y parvenir, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’énergie a lancé quatre grands chantiers prioritaires.

Il s’agit d’abord d’accélérer les travaux de rénovation des bâtiments. La Caisse des Dépôts accordera aux municipalités qui se lancent dans de lourds travaux d’économie d’énergie ou dans la construction de bâtiments à énergie positive des prêts à taux « très bas » qu’elles pourront rembourser sur 30 à 40 ans. Les obligations et normes contraignantes seront limitées. Les ménages bénéficieront d’avantages fiscaux pour les travaux de rénovation thermique, notamment un « tiers-financement » pour leur avancer les frais de travaux. Des sociétés régionales seront crées a cet effet.

10 000 euros pour passer du diesel à l’électrique

7 millions de points de charge pour les véhicules électriques seront déployés d’ici 2030. Ségolène Royal veut aussi renforcer la prime à l’achat d’un véhicule électrique. La subvention pourra monter jusqu’à 10 000 euros pour les détenteurs d’un diesel. L’État s’engage également à renouveler son parc automobile pour qu’une voiture sur deux soit électrique. Pour améliorer la qualité de l’air, les mesures de circulation alternée seront renforcées en cas de pollution aux particules fines.

Ségolène Royal veut faciliter et accélérer le déploiement des énergies renouvelables sur le territoire français (simplification des règles de gestion de concessions, du régime des aides, multiplication des appels d’offres). La ministre affirme aussi vouloir éviter que ces équipements soient entièrement détenus par de grands groupes et veut favoriser les sociétés d’économie mixte, ou les concessions citoyennes via le financement participatif. Un soutien sera porté à l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur les bâtiments gourmands en énergie. Enfin, la recherche sera amplifiée, notamment sur le stockage de l’énergie et les réseaux intelligents (Smartgrids).

La ministre entend enfin favoriser le recyclage en travaillant sur l’écoconception des produits et matériaux. D’ici à 2020, il s’agit de réduire de 7 % les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitants, et stabiliser les quantités de déchets issus de l’économie, notamment le BTP. Le projet de loi prévoit un appel à projet pour 10 villes et territoires zéro déchets sur le modèle de la ville de San Francisco. 1 500 projets de méthaniseurs seront par ailleurs lancés pour produire du biogaz à partir de déchets.

Les ONG sur leur faim

Du côté des ONG, ces annonces ne satisfont pas. Morgane Créach, directrice de Réseau Action-Climat (RAC), réagit au projet définitif reçu quelques heures après la conférence de presse. « C’est du saupoudrage. Il y a de nombreux reculs par rapport à ce qui a été annoncé. Aucune obligation concrète n’est par exemple fixée pour la construction de bâtiments à énergie positive, ou l’exigence de rénovation des bâtiments existants ». Morgane Créach déplore également le silence du projet de loi sur un certain nombre de sujets liés aux transports : alternative à la route, sort de l’écotaxe. Enfin l’absence d’objectifs chiffrés à court-terme inquiète la directrice, alors que Paris s’apprête à recevoir la 21e Conférence-climat, fin 2015. « Si nous ne sommes pas capables d’être ambitieux pour nous-même, comment pourront nous peser dans les négociations internationales ? D’autant que c’est toujours l’Europe qui joue le rôle de marqueur des ambitions sur le climat. »

Une analyse que partage Nicolas Imbert, directeur de l’ONG GreenCross France et Territoires. « Tous les objectifs en terme de réduction de consommation sont à 2030 et 2050. C’est trop éloigné. C’est trop flou ! ». Pour le directeur, seule une hausse du prix de l’énergie pourrait vraiment faire basculer l’économie française vers une transition énergétique. « Par un effet mécanique cela aurait rendu la rénovation des bâtiments plus intéressante ». Autre déception : le financement citoyen des énergies renouvelables, délaissé selon l’expert aux profits des appels d’offres favorisant les grands groupes, ainsi que le manque d’ambition pour les territoires et voies maritimes. Morgane Créach comme Nicolas Imbert déplorent enfin le statu-quo sur la filière nucléaire entériné par le texte, puisqu’aucun engagement n’est pris sur la fermeture de réacteurs ou la durée de vie des centrales. Un silence dicté par EDF, pour les deux ONG.

Faut-il être surpris de cette absence d’obligations à court-terme ? Dès sa nomination comme ministre de l’Environnement, Ségolène Royal avait déclaré vouloir préférer les mesures incitatives aux règles contraignantes en matière d’environnement. Le silence au sujet au réacteur de Fessenheim l’illustre bien : « telle que la loi se profile, elle conduit mécaniquement à l’arrêt d’une vingtaine de réacteurs », juge le sénateur écologiste Ronan Dantec. Mais acter dans la loi la fermeture de Fessenheim aurait déclenché des montants d’indemnisation colossaux, EDF étant une société anonyme cotée en bourse qu’il aurait fallu dédommager, rapporte Le Monde.

Côme Bastin 
Journaliste We Demain 
Twitter : @Come_Bastin

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