Fragrance-free : parfum d’interdit en Amérique du Nord

Retrouvez le reportage complet dans le numéro 28 de la revue We Demain , en kiosque le 21 novembre et sur notre boutique en ligne

Aucun dress-code pour assister aux concerts gratuits du vendredi, à l’université Rockefeller de New York. On y vient, à midi, découvrir de jeunes prodiges de la musique classique. Casual et parfumée, je me fais une joie d’entendre le quintette “Stadler” de Mozart, pour le dernier concert de la saison, ce vendredi 14 juin. Les consignes préliminaires tuent ma bonne humeur : “ … Nous nous permettons de vous rappeler notre politique sans parfum ; veuillez ne porter ni eau de toilette ni Cologne pour assister à nos concerts.”
 
L’âcreté des odeurs environnantes ne trompe pas : le public obtempère. Je m’enfonce dans mon fauteuil. Mais personne ne semble avoir remarqué mon écart. L’Amérique serait-elle en train de proscrire les parfums dans les espaces publics, comme elle l’a fait pour le tabac ? “Il est désormais courant qu’un concert de musique classique, ou qu’un événement soit fragrance-free, m’explique John Guerlach, l’un des organisateurs, à l’issue du concert. De plus en plus d’espaces et de buildings adoptent cette politique toute l’année, par égard pour les personnes intolérantes aux substances chimiques des parfums. Les gens jouent le jeu.”
 
Toujours plus d’Américains seraient en effet affectés par une sensibilité chimique multiple (SCM), maladie reconnue aux États-Unis (mais pas en France). 13 % de la population en présentent des symptômes, soit trois fois plus qu’il y a dix ans, alerte Anne Steinemann, professeure en génie civil et environnemental à l’université de Melbourne (Australie), dans le Journal of Occupational and Environmental Medicine en 2018. Carolyn Torrance, souffrant de cette maladie, témoigne de ses effets sur le blog “Ça fleure bon”  : “Voici ma vie : si je vais dans un lieu public et que quelqu’un porte un parfum chargé, je dois sortir. Il m’est arrivé lors de mes déplacements d’être obligée d’essayer quatre à cinq stations-service avant de trouver des toilettes sans déodorant pour pouvoir les utiliser. Les vapeurs s’accrochent à mes vêtements, et sortir d’un endroit [contaminé] ne suffit pas. Je dois changer de vêtements, me doucher, laver mes cheveux…”
 
“Les fragrances synthétiques causent des dommages comparables au tabagisme passif”, assure Anne Steinemann, dans l’étude Air Quality, Atmosphere & Health (2016). Vivre dans un intérieur parfumé par les cosmétiques et les produits ménagers reviendrait à griller vingt cigarettes par jour. Les responsables ? Jusqu’à 350 matières synthétiques qui se cachent derrière le mot “parfum” inscrit sur les emballages….

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