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Une association infiltre le jeu Fortnite pour lutter contre la maltraitance infantile

L’association L’Enfant Bleu Enfance Maltraitée a créé son propre avatar dans le jeu en ligne Fortnite. Disponible à toute heure pendant le confinement, ce personnage a joué le rôle de hotline pour les mineurs isolés par la crise sanitaire. Plus de 350 enfants auraient profité du dispositif.

Le 16/06/2020 par Morgane Russeil-Salvan

Ce jeu compte plus de 350 millions d’adeptes. Le principe est simple : projeté sur une carte en compagnie de plusieurs autres joueurs, vous y combattez pour être le dernier à survivre. Pas grand chose à voir avec la protection de l’enfance… à première vue. L’association L’Enfant Bleu Enfance Maltraitée y a pourtant vu une nouvelle manière d’entrer en contact avec les mineurs victimes de violences.

“Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’on réfléchissait à adapter notre communication aux jeunes et à leur consommation des médias, explique Laura Morin, directrice de l’association, à We Demain. Les enfants ne regardent plus la télé comme avant, ils sont sur certains réseaux sociaux et pas d’autres… Le jeu vidéo est une nouvelle piste, que les adultes ne connaissent pas forcément.”

À l’annonce du confinement, L’Enfant Bleu est approchée par l’agence de communication Havas, qui lui propose le projet. L’association saute sur l’occasion : elle redoute une augmentation des violences intrafamiliales. Le contexte favorise en effet le passage à l’acte et prive les enfants de possibilité de contact extérieur. Les premiers chiffres valident cette thèse : le nombre d’appels reçus en avril par le service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger a augmenté de 89 %, par rapport au même mois de l’année précédente.

Une opération tenue secrète

“Fortnite est le jeu du moment, déclare Laura Morin, 96 % des mineurs y ont joué au moins une fois. Et il y avait cette possibilité de pouvoir créer un personnage facilement.” Un personnage ailé, d’un bleu électrique, qui porte le nom de son association : EnfantBleu.
 
Derrière cet avatar, les membres de l’association ainsi que des bénévoles de l’agence Havas. Ils se relaient pour assurer au personnage une présence permanente sur les serveurs du jeu. EnfantBleu, disponible 24h/24 et 7j/7, y a fait l’office de hotline pour les mineurs isolés. L’opération a été maintenue jusqu’à la fin du confinement.

“On avait vraiment un défi, très important, qui était de garder l’opération confidentielle. Les adultes ne devaient pas en avoir connaissance”, poursuit Laura Morin. L’association fait donc le choix de ne pas informer les médias traditionnels : toute sa communication passera par des médias spécialisés dans le jeux vidéo et par des influenceurs présents sur Twitch, Instagram et Snapchat, très suivis par les jeunes joueurs.

Environ 350 enfants aidés

Au total, 1 200 jeunes auront pris contact avec l’avatar de l’Enfant Bleu. Si l’association admet que la plupart d’entre eux n’ont agi que par curiosité, elle souligne que 30 % d’entre eux ont confié aux bénévoles des problèmes personnels plus ou moins graves. Certains d’entre eux ont signalé se trouver dans des situations d’extrême urgence.

“Cette expérience a permis de confirmer que c’était une bonne piste”, déclare Laura Morin. Mais le dispositif demande encore a être perfectionné. “On a eu, par exemple, des difficultés pour localiser les mineurs, explique la directrice de l’association. Ensuite, dans les 30 % d’enfants avec qui on a échangé, tous ne faisaient pas l’objet de maltraitances graves. S’il est question de problèmes d’homophobie par exemple, il faut identifier des partenaires vers qui les renvoyer…”

Une innovation prévue pour durer

L’Enfant Bleu souhaite faire de ce dispositif une alternative pérenne au 119 – le numéro national de l’enfance en danger – et aux associations de protection de l’enfance. Son expérience semble avoir convaincu les professionnels du sujet : un groupe de travail devrait se réunir dès la rentrée de septembre pour réfléchir à une manière d’intégrer les jeux vidéo aux stratégies nationales de protection des mineurs.

“Nous sommes en train d’inviter des éditeurs de jeux vidéo”, relate Laura Morin. Ont déjà répondu présents plusieurs magistrats et policiers spécialisés ainsi que Mohamed Bouhafsi, journaliste sportif et parrain de L’Enfant Bleu. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, a également répondu à l’appel.

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